1.2 La création de stéréotype
Les fonctions du stéréotype, sont perçues,
entre autres, comme facteurs de maintien de la cohésion du groupe, en
particulier par deux moyens. Le premier est d'ordre communicatif. En
effet, le stéréotype facilite la communication en favorisant de
longues répétitions de choses déjà
assimilées et contribue à faciliter l'échange
d'informations, car le degré de redondance en est élevé ;
les efforts d'assimilation intellectuelle que doit faire le récepteur en
est réduit grâce aux processus automatisé de
réflexion implicite. Le second est d'ordre socio-psychologique
puisqu'il organise l'identification/inclusion de l'individu à une
collectivité de valeurs communes et altérisation/
exclusion d'autres. L'autre est perçu à la fois comme
celui qui est exclu du groupe et aussi comme celui qui peut menacer son
intégrité. (Boëstch, Villain Gandossi, 2001). Le
stéréotype apparaît avant tout comme un instrument de
catégorisation qui permet de distinguer commodément un
nous d'un ils (Amossy ; Herschberg, 1997, p.45 cité
dans Villain-Gandossi).
Les stéréotypes sont aussi liés avec les
préjugés et les peurs de l'autre. Les stéréotypes
de groupes (stéréotypes nationaux, stéréotypes des
peuples, des ethnies, des classes sociales etc.) sont toujours
étroitement liés à la question suivante « qui sont
ces gens- la par rapport à « nous ?» Une telle question
dévoile immédiatement une pensée collectiviste : L'Autre
n'est pas conçu comme un être humain tout court, mais comme un
être qui a des caractéristiques spécifiques, car il
appartient à un groupe qui se distingue de « nous ». Peu
importe que les différences soient « réelles » ou
« imaginaires » parce que l'observation de l'Autre est régie
par des représentations collectives ou des stéréotypes
dès que la distinction est faite : une personne est
(sic) l'Autre parce qu'elle a une ou plusieurs
caractéristiques qui la distinguent de « nous ». Pour
comprendre la nature des stéréotypes de l'Autre, il faut tenir
compte des représentations collectives que les membres d'une
collectivité ont d'eux-mêmes. Ces représentations, y
compris celles d'autres, sont les constructions sociales d'une
société ou d'un groupe ethnique. (Berting, 2001 : 41).
Les stéréotypes ethniques et nationaux
apparaissent comme une forme particulière à travers laquelle se
manifeste la tendance des groupes sociaux à l'ethnocentrisme. Dans la
formation des stéréotypes ethniques interviennent une
interprétation particulière, unilatérale,
déformée ; ce sont les « biais» de l'image
d'Autre. Plus celui-ci est étranger, étrange et
non-compréhensible plus déformant est le stéréotype
qui se forme à ses frais. (Bochman, 1994 cité dans Villain
Gandossi, 2001). Les stéréotypes sont aussi
interprétés comme un canal par lequel se décharge
l'agressivité (Villain Gandossi, 2001).
1.2.1 Les stéréotypes dans les
représentations collectives des pays du sud
Comme les diasporas qui font partie de ce mémoire sur
la radio viennent de pays du Sud autrefois colonisés par les pays du
Nord, j'aimerais bien élargir quelques aspects de représentations
du pays du Sud par les pays du Nord et par les peuples de ces derniers.
Historiquement, dans l'axe Nord-Sud, c'est le Nord qui a
dominé pendant l'ère d'impérialisme, quand les
pays du Nord sont devenus plus puissants que les pays du sud, devenus, eux, des
« colonies ». Actuellement on trouve que presque toutes
les représentations médiatiques concernant les pays les moins
puissants par les pays plus puissants entrent dans des
stéréotypes. Les théories suivantes vont éclairer
quelques idées dont les stéréotypes du Sud sont issus.
Selon Edward Said `Impérialisme' désigne la
pratique, la théorie, et la mentalité d'une métropole
dominatrice qui gouverne un territoire lointain. Le `colonialisme' qui est
presque toujours une conséquence de l'impérialisme, est
l'installation d'une population sur un tel
territoire. « L'empire écrit Michael Doyle, est une
relation officielle ou informelle ou un Etat contrôle la
souveraineté politique effective d'une autre société. Il
peut être instauré par la force, la collaboration politique, la
dépendance économique, sociale et culturelle.
L'impérialisme est simplement le processus ou la stratégie
d'établissement et de maintien d'un empire » (Said 2007 :
44).
1.2.2 L'Orientalisme
En 1978 l'intellectuel Palestinien Edward Said, a tenté
de comprendre les représentations générées par les
pays coloniaux. Dans son ouvrage Orientalisme : L'Orient
créé par l'Occident (1978) il a élaboré la
théorie que l'orientalisme est un style occidental de domination, de
restructuration et d'autorité sur l'Orient. De manière constante,
la stratégie de l'orientalisme est fonction de cette
supériorité de position (sic) qui n'est pas rigide et
qui place l'Occidental dans toute espèce de rapports avec l'Orient sans
jamais lui faire perdre la haute main (Said 1978 :20).
De surcroît, la prise en compte par l'imagination des
choses de l'Orient était plus au moins exclusivement fondée sur
une conscience occidentale qui se représentait elle même comme
souveraine; de sa position centrale indiscutée émergeait un monde
oriental, puis une logique gouvernée non seulement par la
réalité empirique, mais par toute une batterie de désirs,
de répressions, d'investissements et de projections (Said,
1978 :20).
En même temps Said soutient que l'Occident et l'Orient
ont été fabriqués par l'homme. C'est pourquoi tout autant
que l'Occident lui-même, l'Orient est une idée qui a une histoire
et une tradition de pensée, une imagerie et un vocabulaire qui lui ont
donné réalité et présence en Occident et pour
l'Occident. Les deux entités géographiques se soutiennent ainsi
et, dans une certaine mesure, se reflètent l'une l'autre.
Said a soutenu que le terme `Orient' n'est qu'un assemblage de
représentations construites par des pays puissants. L'Orient est une
création des pays de l'Ouest et porte une image contraire et
inférieure à la leur. La culture du pays colonisé
est « autre » par rapport à
la culture du pays colonisateur. L'orientalisme est un système de
régularisation de la connaissance qui appartient au pays colonial. Il
s'agit de l'interprétation de la culture du pays colonisé par les
pays coloniaux par rapport à leur propre culture, leurs langues,
leurs arts et leurs modes de la vie. Les pays colonisateurs
génèrent une image globale de la société
colonisée. Les pays colonisés internalisent ces
représentations générées.
1.2.3 La Culture de la
Résistance
Selon Said, après avoir vaincu les colonisateurs il
faut que les pays auparavant colonisés s'efforcent de
récupérer leur culture déjà effacée par les
formes de dominations coloniales. Said postule que les écrivains des
pays auparavant colonisés gardent leurs blessures de l'époque
précédente ce qui les amène à envisager leur
avenir dans un espace réclamé aux pays coloniaux- comme une
résistance contre ces pays.
Said élabore sa théorie avec les motifs de la
quête et du voyage qui apparaissent dans le livre de l'écrivain
d'origine kenyane James Ngugi. Selon la perspective de Said, l'écrivain
dans son roman: La Rivière de Vie réinterprète et
recrée l'idée du fleuve décrit par Joseph Conrad dans son
livre Le Coeur de Ténèbres.
Dans Résistance et Opposition qui fait partie
de son livre Culture et Impérialisme paru en 1994 Said postule
qu'après la période de : « résistance
primaire», qui a été en fait le combat contre l'intrusion
extérieur, vient le temps de la résistance secondaire,
c'est-à-dire idéologiques. Trois grands thèmes font
surface dans la résistance culturelle décolonisant mais en
réalité lies. : a) le droit du pays à voir son histoire
dans son ensemble, b) au lieu d'être une réaction,
l'idée de résistance peut être une manière
alternative de décrire les histoires de pays autrefois colonisés
- dans lesquels les récits du colonisateur et du colonisé sont
mélangés. Par exemple le roman Les enfants de minuit de
Salman Rushdie, c) remplacement d'un nationalisme séparatiste par un
nationalisme interne qui intègre les communautés humaines.
Se référant aux stéréotypes Said
estime que personne n'est purement une chose. Les marques comme indien, femme,
musulman, américain ne sont que des points de commencement, et peu
importe le moment où ils sont suivis par les expériences
réelles. Le don pire et paradoxal du colonialisme fut de laisser les
peuples croire qu'ils sont seulement, notamment, noirs, blancs, occidentaux ou
orientaux.
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