Section 2 : Généralités sur les
concepts clés
A. Taux de change
En première analyse, le taux de change
représente le prix d'une monnaie par rapport à une autre. A
partir de cette définition simple, deux groupes de théories ont
proposé une analyse de taux de change :
v' Une approche par les marchés de biens, cette
approche est la plus ancienne et était importante lorsque le commerce
international était essentiellement celui des marchandises ; il reste
que sur le long terme, l'évolution de taux de change est surtout
déterminée par ces fondamentaux que sont la balance courante et
la parité de pouvoir d'achat (PPA).
v' Une autre approche dite financière de change
dont l'importance ne cesse de croître avec l'explosion de mouvement des
capitaux. Aujourd'hui, le motif financier est à l'origine de la
majorité des transactions : le volume quotidien échangé
sur le marché des changes équivaut à cinquante fois
à celui des transactions courantes. La variation de taux de change
à court terme est due essentiellement à ces variables
financières11.
En 1945 déjà, NURKSE avait défini
le taux de change d'équilibre comme étant le taux qui conduirait
à l'équilibre de la balance des paiements, mais avec trois
conditions importantes :
il ne doit pas exister de restrictions excessives aux
échanges commerciaux,
il ne doit pas y avoir d'incitations particulières
pour les entrées ou les sorties de capitaux et
11 Banque Centrale du Congo, Journal officiel
numéro spécial, 20 janvier 2010, P 49
le chômage ne doit pas être
excessif12. En d'autres termes, l'équilibre de la balance des
paiements doit refléter des politiques économiques et des
conditions économiques sous-jacentes appropriées, et ne doit pas
être réalisé à l'aide de distorsions de la politique
économique ou de taux non viables d'utilisation des ressources; en
conséquence, une position de la balance des paiements accompagnée
d'une demande excédentaire chronique et de taux d'inflation
élevés serait aussi considérée comme une position
extérieure inappropriée13.
L'élément essentiel de l'analyse de la
concordance des taux de change avec les données fondamentales de
l'économie est la période d'évaluation des taux de change
et de leurs déterminants. L'élément temporel est important
pour deux raisons. Tout d'abord, les facteurs qui influent le plus sur les taux
de change à court terme ne sont pas nécessairement ceux qui
auront le plus d'influence à long terme. Par exemple, si la
période considérée est de deux mois, les variations de
l'orientation à court terme de la politique monétaire et
l'évolution des taux d'intérêt à court terme qui en
résulte peuvent être le principal déterminant des taux de
change. Par contre, si l'on travaille à long terme, par exemple sur une
période de dix ans, il convient d'accorder davantage d'attention
à des facteurs tels que la propension structurelle à
épargner et à investir, qui est influencée par des
facteurs dont les variations sont lentes, comme les évolutions
démographique et technologique. Les diverses méthodes
d'évaluation de la concordance des taux de change avec les
données fondamentales de l'économie utilisent souvent
différents horizons temporels et choisissent donc implicitement
différentes séries de données fondamentales de
l'économie.
Donc, des fluctuations notables des taux de change
réels sont plus probables dans un régime de taux de change
flottants, mais la flexibilité du taux nominal est aussi un
mécanisme important pour l'ajustement macroéconomique. De
même, le présent document n'analyse pas en détail les
raisons particulières pour lesquelles les taux de change
s'écartent du niveau induit par les données fondamentales de
l'économie. Une telle analyse ferait évidemment partie
intégrante d'un examen des problèmes d'orientation de l'action
gouvernementale.
Par contre, lorsque le taux de change nominal est
maintenu à l'intérieur d'une étroite fourchette de
fluctuation, les variations du taux de change réel tendent à
être plus
12 NURKSE, Conditions of International Monetary
Equilibrium, Princeton Essay publié à Bruxelles en 1945
13Les principes qui guident la surveillance des
politiques de change précisent les types de distorsions et de politiques
qui sont incompatibles avec l'équilibre de la balance des paiements,
expliqués par FMI.
modérées. Si le taux de change
réel ne reflète plus les données fondamentales de
l'économie, il convient de prendre une décision claire : il faut
soit modifier le taux de change nominal, soit prendre d'autres mesures ou
utiliser d'autres mécanismes pour rétablir la concordance entre
les données fondamentales de l'économie et le taux de change
nominal existant. Par exemple, si l'on souhaite maintenir un taux de change
fixe qui est devenu incompatible avec la compétitivité
extérieure, il convient d'opérer des ajustements dans d'autres
domaines, tels que les prix et les salaires intérieurs, afin d'obtenir
un taux de change réel compatible avec une position
d'équilibre.
a. Compétitivité et «
mésalignements » des taux de change
Si les taux de change effectifs réels et les
taux de change réels internes donnent plus qu'une indication sur le
diagnostic de change des monnaies, ce n'est pas pour autant qu'ils
reflètent l'ensemble des situations où le besoin d'ajustement
peut se faire sentir. Un exemple permet de poser le problème. Une
économie peut être dans une situation compétitive par le
niveau de ses prix relatifs et ne pas générer suffisamment
d'exportations pour faire face aux obligations de la dette antérieure.
L'effort d'exportation n'est donc pas indépendant de l'endettement
passé et des conséquences qu'il fait naître en termes de
paiements d'intérêt et éventuellement d'amortissements pour
le cas où le refinancement deviendrait plus difficile. Le bon niveau du
taux de change disons, le taux de change d'équilibre est donc
potentiellement associé à un vecteur de variables plus
étendu que ne l'impliquerait la seule référence aux prix
relatifs (Edwards, 1988, 1989 ; Williamson, 1994).
Ce constat a été à l'origine
d'une importante littérature sur le concept de taux de change
d'équilibre et la nature des « mésalignements »
auxquels peuvent donner lieu d'importants changements au niveau des variables
fondamentales
b. Importance du taux de change
Les taux de change présentent une importance
capitale dans une économie car ils affectent directement ou
indirectement les prix relatifs des biens de base d'une économie
donnée par rapport aux biens étrangers. Il est le traducteur
monétaire des termes de l'échange et indique si les ventes
extérieures (exportations) sont rentables, et si les achats
à l'extérieur (importations) sont
meilleurs marchés que les biens concurrents des importations et
disponibles dans le pays.
Le taux de change c'est-à-dire le prix d'une
devise étrangère exprimé en monnaie nationale est l'un des
liens essentiels entre une économie ouverte et le reste du monde. Le
taux de change lie en effet l'économie nationale au reste du monde par
le biais du marché des biens et services et du marché d'actifs.
Sur le marché des biens, le taux de change crée un lien entre les
prix dans l'économie nationale et des prix spécifiques sur les
marchés mondiaux. Ce lien qui est exprimé formellement par le
taux de change réel.
Ce prix relatif peut être mesuré de
diverses manières. La première consiste à comparer les
prix des biens et services qui ne font pas l'objet normalement
d'échanges internationaux (bien non échangeables) avec ceux des
biens et services qui font l'objet d'échanges internationaux
réguliers (bien échangeables), à partir d'un ratio des
indices de prix dans les deux secteurs. Une seconde méthode,
appliquée fréquemment aux pays industriels, consiste à
comparer les coûts unitaires de main-d'oeuvre dans le pays
considéré à ceux d'autres pays, mesurés en une
même monnaie, ce qui permet de mesurer la compétitivité de
l'économie concernée. De façon plus
générale, les économistes présentent souvent le
taux de change réel comme un ratio des prix intérieurs
mesurés en monnaie nationale (en pesos, par exemple) aux prix
étrangers exprimés en pesos :
Où :
· P est le niveau des prix
intérieurs en pesos,
· e le taux de change (défini en
pesos par dollar) et
· P* le niveau des prix mondiaux
exprimé en dollars.
Le taux de change réel permet (entre autres) de
suivre l'évolution de la compétitivité de
l'économie en faisant apparaître le nombre d'unités de
biens étrangers requis pour acheter une unité de produits
nationaux. Une hausse du taux de change réel c'est-à-dire une
appréciation réelle de la monnaie, équivaut à une
perte de compétitivité, en supposant que la productivité
du pays visé reste inchangée par rapport à celle de ses
partenaires commerciaux. Inversement, une dépréciation
réelle de la monnaie signifie que la compétitivité de
l'économie visée s'améliore, en supposant là,
encore que la productivité relative n'a pas changé.
La politique de change doit tenir compte des effets du
régime de change et des fluctuations du taux de change sur la
compétitivité. De même, il lui faut prendre en compte
l'impact des variations du taux de change sur le niveau des prix
intérieurs, que ce soit leur effet direct, par l'intermédiaire du
prix des biens et services importés ou leur effet indirect, comme dans
le cas où le renchérissement des biens importés
entraîne une dépréciation qui influe sur les revendications
salariales. En tant que telles, les préoccupations de
compétitivité doivent être mises en balance avec les
préoccupations inflationnistes14. L'arbitrage entre
compétitivité et lutte contre l'inflation est au coeur de
nombreux débats sur les mérites comparés des politiques de
change et sur le choix d'un régime de change.
Pour essayer de réconcilier ces deux objectifs
contradictoires de la politique de change, les gouvernements ont parfois
recours à des formes de taux de change multiples applicables à
différents types d'opérations touchant aux comptes
extérieurs. Toutefois, les régimes de taux de change multiples
ont un coût économique élevé, en dépit des
avantages apparents qu'ils présentent à court terme, car ils
entraînent inévitablement de graves distorsions dans l'allocation
de ressources rares.
La mise en place d'un système de change dual ou
l'instauration d'un contrôle des mouvements de capitaux sont souvent
considérés comme des réponses possibles à ces
questions.
À ces liens macroéconomiques
correspondent, très étroitement, les connexions
microéconomiques que le taux de change crée entre les secteurs
des biens et services échangeables et non échangeables. Le taux
de change sert de mécanisme de « transfert », orientant les
ressources entre le secteur des biens échangeables et celui des biens
non échangeables lorsque les prix relatifs se modifient en
réponse aux fluctuations du taux de change. Les variations du taux de
change réel influent aussi sur la distribution du revenu entre secteurs
et entre d'autres groupes. Ainsi, la sous-évaluation d'une monnaie
augmente la rentabilité du secteur des exportations, de l'agriculture ou
le secteur minier, par exemple.
Cependant, le taux de change apparaît comme le
régulateur de l'échange international, comme un remplaçant
de terme de l'échange15.
c. Les hypothèses de construction des taux de
change réels
14 L'arbitrage existe seulement à court terme, car la
politique de taux de change nominal ne peut affecter le taux de change
réel à long terme; cet arbitrage n'en pèse pas moins sur
les décisions économiques.
15 KABAMBA TENTA, Cours de l'Economie
Monétaire Internationale, FSEG, UNIKIS 2009-2010, Inédit.
Une manière de compléter le diagnostic
en relâchant certaines des hypothèses des indices sectoriels de
taux change d'équilibre réel (TCER) peut consister à
recentrer l'attention sur les prix relatifs internes, en particulier sur le
rapport de prix entre les biens non échangeables et les biens
échangeables. Sur la base des valeurs unitaires mondiales par produit,
rapport entre les valeurs en dollars et les volumes physiquement
commercialisés par les principaux exportateurs, les productions
traditionnelles comme les biens manufacturés de diversification se
prêtent à l'établissement d'indices de prix des biens
échangeables.
Par construction, le taux de change réel
calculé ici implique la prise en compte explicite du prix des biens
échangeables quand ces derniers ne sont qu'implicitement présents
dans les taux de change effectifs réels de « spécialisation
» et de « diversification ». Sous l'hypothèse de la
« loi du prix unique », le prix du bien échangeable
disparaît en effet du TCER puisque l'on raisonne sur un ensemble de pays
produisant le même bien. Par le taux de change réel, la prise en
compte explicite de ce prix a quelques avantages.
|