3.2.1 Intégration
En 1974 un décret met fin à l'immigration de
travail, cependant le nombre des immigrés va continuer à
augmenter. C'est le regroupement familial introduit par le gouvernement
français en 1975 qui provoque ce phénomène. Ce processus
est décrit comme la féminisation ou la « familialisation
» de l'immigration par les sociologues58. Le recensement de
1990 donne le nombre de 6212 Marocains en Isère dont 1280 à
Grenoble. De 1974 à 1990, le nombre de Marocains en France a
doublé, grâce au regroupement familial. 65% des arrivées le
sont après 1975. Les deux tiers des enfants vivant dans un ménage
marocain sont nés sur le sol français. (Chaouite, 2001). C'est
plus au moins le même cas avec les enfants algériens. La
population enfantine algérienne était estimée à 551
560 personnes au recensement de 1999 en France. Elle représente
aujourd'hui la majorité de la population d'origine algérienne.
(Zeheraoui, 2003) Observant l'intégration culturelle de le
deuxième génération de maghrébins en France Allen
Bettegay écrit « ces jeunes affichaient les mêmes
goûts et les mêmes frustrations que les autres jeunes des milieux
populaires de banlieue, parlaient français avec l'accent de leur
région (on savait s'ils venaient de Marseille, du pays ch'timi ou de la
banlieue parisienne), regardaient les mêmes séries
télévisées que les jeunes Français de leur
âge, et se choisissaient des surnoms français ou
américains. ». Des sociologues ont ainsi souligné que
nombre de ces enfants de l'immigration n'avaient pas la maîtrise de la
langue maternelle, ni des éléments essentiels de leur
«culture dite d'origine», ce dont se plaignaient d'ailleurs parfois
leurs parents (Bettegay, 2001).
Selon le recensement d'INSEE 2006 il y a 13 418
Algériens, 3 963 Marocains, et 3433 Tunisiens en Isère.
Actuellement la diaspora maghrébine à Grenoble est
58 Zehraoui ibid 2003.
active à travers les diverses associations comme
l'Association de Solidarité des Algériens en Isère
(ASALI), l'Association Culturelle et de Coopération
FrancoMaghrébine (Amal), Association des Retraités Marocains en
France, l'Association des Tunisiens de l'Isère - Citoyens des deux rives
(ATI-CDR), etc.
3.3 Diaspora d'Afrique sub-saharienne
Des africains noirs d'origine sub-saharienne furent
présents à Grenoble pendant les deux guerres mondiales.
Spécialisée dans la formation des troupes de montagne, la place
militaire de Grenoble n'a guère retenu les tirailleurs
sénégalais, soudanais, ou malgaches dont la vocation était
plutôt les combats en plaine et dans des zones de climat moins rigoureux.
Néanmoins, le stationnement de ces troupes est attesté dans la
région au cours du premier conflit mondial et, pendant la période
d'occupation, des militaires des troupes coloniales, démobilisés
à la suite de la signature de l'armistice de 1940 ont participé
aux mouvements de résistance (Barou, 2001). Malgré ces
interactions il n'y eut pas d'installation significative de personnes et de
ménages africains à Grenoble et dans la région. Parmi les
unités de troupes coloniales les Sénégalais étaient
traditionnellement les plus nombreux, aussi Grenoble fut la région la
plus connue dans leur pays.
En même temps il émergea une
génération charnière59 des africains qui se
sont organisé en Europe et en France pour lutter contre le colonialisme.
Née pendant les années vingt et trente et éduquée
dans les écoles et lycées établis en Afrique Occidentale
Française, (AOF) elle a poursuivi une éducation supérieure
dans les universités françaises. Pendant leurs études en
France, ces étudiants
59 Amadou Booker Sadji ; Le rôle de la
génération charnière Ouest-Africain À
Indépendance et Développement ; L'Harmattan 2006.
africains ont mené de multiples efforts pour
libérer leurs pays du colonialisme. Une preuve de ce mouvement à
Grenoble est manifestée dans une résolution de l'Association des
étudiants Camerounais60 de Grenoble pendant une
assemblée générale de 23 Mai 195761.
L'immigration de travail a commencé au cours des
années 1960 avec l'installation de l'entreprise Merlin-Gérin. Ce
sont encore les Sénégalais qui furent les « pionniers »
de l'immigration. Ils sont venus de la Basse Casamance et appartiennent aux
ethnies Diola et Manjak. D'abord arrivés en célibataires ils se
font rejoindre, quelques années après, par leurs épouses
et s'installent en famille au début des années 1970 en suivant
les processus de regroupement familial. Même s'ils ont maintenu des liens
avec leur pays d'origine et conservé un certain nombre de pratiques
communautaires à travers une vie associative inspirée de leur
culture, ils ont cependant conscience que leur enfants se sont
définitivement éloignés de l'Afrique. « En venant ici
nous avons perdu deux fois notre pays, avec la migration d'abord et puis
à cause des enfants ensuite » dit une mere de famille qui a
passé toute sa vie d'adulte à Grenoble (Barou 2001 : 58). Les
autres ethnies sénégalaises qu'on trouve ici sont des
Soninkés ou des Toucouleurs faisant partie du premier flux migratoire
vers la France. Très organisés et solidaires, ils ont toujours
privilégié la migration des hommes seuls avec des pratiques
d'alternance entre membres des mêmes clans, les uns séjournant en
France tandis que les autres restaient au pays gérant les affaires
familiales pour le compte des autres.
60 Le Cameroun fut une colonie allemande, mais après
le première guerre mondial ils les ont perdu ;e 1919 à 1945, la
plus grande partie du Cameroun fut placée par mandat international de la
Société des Nations sous l'autorité de la France. A partir
de 1946, le Cameroun sous tutelle française avait été
représenté dans les assemblées politiques française
à l'égal des territoires d'outre mer de la Republique
française. Le pays est devenu indépendant en 1960. Source :
Encyclopédia Universalis Corpus 4.
61 Ibid p. 219.
Installés dans un « foyer » de travailleurs
intégré au quartier de la Villeneuve, ils perpétuent
jusqu'à aujourd'hui un mode de vie collectif très
hiérarchisé et tourné vers le pays d'origine. Ils
participent peu à la vie sociale de la ville, se concentrant plus sur la
réussite des enfants dans la société d'accueil. La
deuxième vague de l'immigration était due à
l'émergence de Grenoble comme ville universitaire. La renommée de
Grenoble comme ville de l'innovation va représenter un attrait aussi
important que la qualité de l'enseignement dispensé dans les
universités locales.
Les mouvements associatifs à Grenoble pendant des
années 1960 et 1970, leur implication dans la politique locale, dans la
lutte contre le racisme et dans les actions de solidarité en direction
des pays en développement ont en effet contribué à
créer un climat qui pouvait offrir à de nombreux étudiants
africains des occasions d'expression, de rencontre et d'initiative commune qui
ont un caractère aussi efficace que les études elles-mêmes.
Si les Africains d'origine francophone constituent la majorité des
immigrés installés aujourd'hui avec, outre les
Sénégalais déjà mentionnés, de nombreux
Burkinabés, des Ivoiriens, des Camerounais, des Congolais, on trouve
aussi des représentants de l'Afrique anglophone et de l'Afrique
lusophone, venus souvent comme demandeurs d'asile (Barou, 2001).
Actuellement la diaspora de l'Afrique sub-saharienne, se
fédère autour de l'association Kassumay de Grenoble qui
entreprend plusieurs projets de développement au Sénégal,
l'Association des Gabonais de Grenoble (France), l'Association Camerounaise de
l'Isère (ASI), la Fédération des Congolais de la Diaspora
(FCD), qui joue un rôle important dans son pays pour établir un
état respectueux des droits et des biens humains.
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