La diaspora maghrébine vient de trois pays d'Afrique
du Nord : Algérie, Tunisie, Maroc. Ces pays étaient autrefois
colonisés par la France52. Le Maroc et la Tunisie sont
devenus indépendants en 1956, tandis que c'est en 1962 que
l'Algérie a gagné son combat pour la liberté. Les
premieres vagues d'immigration maghrébine, jusqu' aux années 70,
étaient plus au moins composées de travailleurs venus sans leur
famille53. Limitée à l'origine aux régions de
l'Est de l'Algérie, et en particulier de la Kabylie, elle s'est
généralisée progressivement à l'ensemble de
l'Algérie (Zehraoui, 2003).
Les deux guerres mondiales ont amené de nombreux
maghrébins en France. Entre 1915 et 1918 la France a recruté 15
000 soldats et 78 000 travailleurs algériens, 35 000 marocain, 18 000
tunisiens. Ils ont été renvoyés chez eux après la
démobilisation. En 1920, par exemple, il reste 5000 Algériens en
France. Cependant, la période de reconstruction et les besoins des
années suivantes créées par l'équipement
électrique, le raffinage du pétrole, la construction automobile,
l'industrie chimique, la sidérurgie, font que de 1922 à 1924, 175
000 travailleurs algériens sont introduits en France. La crise des
années 1930 provoque des retours et en juin 1938 on compte 125 000
algériens
51 C'est une figure approximative communiquée par
Edwige Elkaim Présidente du CRIFGrenoble. Selon elle les juifs sont
assez frileux concernant les « fichiers ». La deuxième guerre
mondiale et la Shoah en sont la cause.
52 L'Algérie était un département
français, la Tunisie et le Maroc des protectorats
53 Ahsène Zeheraoui, De l'homme seul à la
famille : Changements et résistance dans la population d'origine
Algérienne dans Hommes et Migrations, N°1244 Juillet-Aout 2003.
en France54.
A partir de 1939, des algériens furent requis pour
travailler à Livet-Gavet notamment ; « être requis »
signifiait avoir un statut de « mobilisé » dans une
entreprise, avec interdiction de la quitter. Quand des travailleurs
s'échappaient, le patron avertissait aussitôt la gendarmerie qui
tentait de les retrouver ; certains fuyaient le climat, d'autres, à
partir de 1941 étaient sollicités par des filières
allemandes pour aller travailler en Allemagne (Muzard, 2001) Les
premières données de 1941 constatent 500 Algériens environ
dans l'Isère, en 1942 il y avait 589 Algériens et en 1943 il y
avait 223 Algériens dans l'arrondissement de Grenoble. Le gouvernement
de Vichy à créé un service social nommée MONA (Main
d'oeuvre nord-africaine) qui avait pour objet d'apporter un soutien social
auprès de cette population afin de la stabiliser55.
La seconde guerre mondiale a eu un impact fort sur la
perception par les indigènes des pays colonisateurs, par
conséquent sur les relations entre colonisateurs et colonisés. En
dépit de la croissance des mouvements nationalistes dans les pays
maghrébins le taux d'immigration augmenta dans une proportion plus
importante qu'auparavant.
C'est après 1945 que les maghrébins ont
commencé à s'enraciner à Grenoble. Il y avait plusieurs
raisons à ce développement : l'espérance de trouver une
meilleure condition de vie, pour certains le fait d'avoir la nationalité
française par le mariage avec une française ; les
autorités françaises sont attentives aux demandes
d'Algériens pour obtenir logement et emploi (pour ne pas encourager une
rébellion contre le régime français au Maghreb).
54 Pour que la vie continue D'Isère et du
Maghreb, Mémoires d'immigrés,Musée Dauphinois, Grenoble,
Octobre1999.
55 Ibid p. 15.
L'immigration provenant des pays maghrébins augmente
vers 1955 lors du démarrage d'une réelle période de
croissance provoquée par la mise en exploitation de ressources
énergétiques nouvelles, par le développement de grands
travaux d'équipement, par la construction de logements, la relance de la
sidérurgie, de la chimie, des industries, des automobiles et des
appareils ménagers. Des accords bilatéraux de main-d'oeuvre avec
des pays africains notamment maghrébins, qui sont demandeurs en raison
de la stagnation économique du tiers-monde et de leurs besoins divers
sont signés. En 1955 on compte en France 211,000 Algériens, en
1968 471 000, 88 280 Marocains, 60 180 Tunisiens, et en 1974 711 000
Algériens, 260 000 Marocains, 140 000 Tunisiens56. En 1968,
la municipalité de Grenoble a confié un local d'animation
à l'Association Dauphinoise de Coopération
Franco-Algérienne (ADCFA) qui était accolé à la MJC
des Allobroges. Des cours, des animation culturelles ont permis à de
jeunes algériens d'avoir un lieu de rencontres et de se former à
l'organisation des loisirs. (Muzard, 2001).
L'immigration Marocaine est devenue plus forte après
l'accord bilatéral entre le Maroc et la France en 1963. A partir de
cette date le déploiement des agents français recruteurs de
main-d'oeuvre va faire en sorte que les effectifs des travailleurs marocains en
France vont passer de 33 300 en 1962 à 260 000 en 1975. En Isère,
entre ces deux mêmes dates, le nombre de Marocains est passé de
193 à 2785. (Chaouite, 2001).
Bien qu'un accord ait été signé entre la
France et la Tunisie en 1963 un bureau d'Office National français de
l'immigration n'a été établi qu'en 1969. C'est
l'année qui a enregistré le nombre de plus important de
départ de Tunisiens vers l'étranger : 36 340 sorties contre 10
000 en196857.
56 Ibid p. 14
57 Hamouda Hertelli ; Les Tunisiens en Europe dans Migrations
Société ; Espace Politique et Immigration Revue de Presse
(Italie) Vol, 6, N°6, Novembre-Décembre 1994. P.19.