La fraude à la TVA( Télécharger le fichier original )par Nicolas Mathe Université Toulouse 1 Capitole - Master 2 droit fondamental des affaires 2011 |
2- L'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer143. L'administration fiscale ne peut remettre en cause le droit à déduction d'un assujetti sur le seul fondement qu'il existe une fraude à la TVA entachant une opération antérieure de la chaine. Elle doit apprécier indépendamment la situation de chaque opérateur de la chaine208(*). Ainsi, l'administration doit prouver que l'acquéreur « savait, ou ne pouvait ignorer » qu'il participait à un circuit frauduleux consistant à ne pas reverser la TVA à l'Etat. C'est la CJCE, sur demande préjudicielle de la High Court Of justice du Royaume uni, qui a énoncé le principe selon lequel l'assujetti qui a participé à son insu à un circuit de fraude, ne perd pas le droit de déduire la TVA versée en amont209(*). Cette solution a ensuite été reprise en droit interne avec l'adoption de l'article 272,3 du CGI210(*). Toutefois, si l'acquéreur est présumé de bonne foi, l'administration peut en démontrant sa complicité avec son fournisseur, lui refuser le bénéfice du droit à déduction. Cela signifie qu'il pèse sur chaque opérateur un devoir de se renseigner sur la moralité fiscale de leur cocontractant211(*). La difficulté est alors de déterminer à partir de quels critères il est possible de juger que le comportement de l'acquéreur est suffisamment passif pour être assimilable à une complicité condamnable. La preuve de la connaissance de la fraude par l'acquéreur doit se faire sur la base d'éléments objectifs. C'est pourquoi, les opérateurs ayant pris « toute mesure pouvant raisonnablement être exigée d'eux pour s'assurer que leurs opérations ne sont pas impliquées dans une fraude 212(*)» peuvent se fier à la légalité de ses opérations sans risquer de perdre leur droit à déduire la TVA acquittée en amont. 144. Les indices objectifs de connivence entre le fournisseur et l'acquéreur peuvent se déduire de l'absence de crédibilité des coordonnées communiquées par le vendeur à son client213(*). Par ailleurs, l'acquéreur doit s'assurer que l'opération envisagée est en rapport avec l'objet social de son cocontractant214(*), que l'éventuelle réduction proposée n'est pas égale à la TVA d'amont, et que le circuit de paiement ne semble pas inhabituel215(*). 145. Cette disposition prise par la CJCE parait juste pour l'assujetti ayant acquis des marchandises en toute bonne foi, et qui n'avait pas conscience de sa participation à une chaine frauduleuse. Il aura par exemple été alléché par des prix défiant toute concurrence, proposés par le vendeur « défaillant ». Elle a en revanche, des conséquences négatives sur l'efficacité de la répression de la fraude à la TVA en France. Il n'est pas simple en effet pour l'administration, de prouver la complicité pouvant exister entre l'acquéreur et son fournisseur. * 208 H .Zapf et B. Toulemont, « Carrousels de TVA et droit à déduction : la CJCE prend position », Nouv. fisc., 2006, n°952. * 209 CJCE, 12 janvier 2006, aff. C- 354/03, Optigen limited ; Adde, Ch. de la Mardière, la preuve objective dans le contentieux fiscal : Dr. fisc. 2007, n° 14, étude 13. * 210 L'art. 272, 3 dispose ainsi : « La taxe sur la valeur ajoutée afférente à une livraison de biens ne peut faire l'objet d'aucune déduction lorsqu'il est démontré que l'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer que, par son acquisition, il participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de cette livraison ». * 211 CAA de Bordeaux, 3e ch., 20 mars 2007, n° 04BX00123, SA Guéret Distribution. * 212 CJCE, 6 juillet 2006, Kittel, préc. * 213 Par exemple la dénomination ou raison sociale, l'ancienneté de l'entreprise, RCS, SIREN, et le numéro d'identification à la TVA qui sont des renseignements aisément accessible sur Internet. * 214 De plus, l'opérateur doit s'assurer que son cocontractant dispose des locaux ainsi que des moyens matériels et humains nécessaires à l'exécution du contrat. * 215 De même les moyens de paiements doivent être ceux légalement admis pour l'opération. |
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