Au terme de ce travail, nous rappelons que l'analyse de la
filière des dattes communes dans les oasis de Gabès est riche en
enseignements susceptibles de guider les décisions à prendre pour
mieux développer cette filière.
Notre recherche nous a permis de tirer les enseignements
suivants :
* La première leçon à tirer de cette
filière s'écrit en termes d'orientation de la production des
dattes vers la variété « Deglet Nour », poussée
par la forte demande manifestée au niveau du marché
extérieur, ce qui a engendré une marginalisation des dattes
communes.
D'ailleurs, le fort lobby publicitaire qui oriente le
consommateur vers la consommation des dattes Deglet Nour ainsi que le
changement dans les habitudes alimentaires des tunisiens ont accentué
cette marginalisation. Toutefois, si les dattes Deglet Nour semblent permettre
une amélioration assez nette de la rentabilité du système
oasien dans les régions de Nefzaoua et Jérid, elles
présentent certains risques dans la mesure où elle
désoriente la rationalité de l'exploitant et favorise
l'instabilité et la fragilité du système vis-à-vis
du climat et du marché surtout international. La sécurité,
objectif sacré de l'agriculture familiale, n'est plus alors garantie.
De plus, deux risques nous poussent à plaider pour les
dattes communes :
- le premier risque concerne la vulnérabilité
que présente la monoculture de Deglet Nour en cas de l'arrivée de
la maladie du « bayoudh » dans les oasis tunisiennes vu la
fragilité qu'a manifesté cette variété en
Algérie face à la maladie,
- le deuxième risque concerne le recul des ventes des
ventes de Deglet Nour sur le marché international dû à la
crise économique mondiale et qui frappe surtout le marché
européen (principal client de la Tunisie).
D'un autre côté, et sur le plan environnemental,
mais aussi économique, le développement de la culture des dattes
communes, surtout la variété « kenta » très
appréciée par le consommateur tunisien et aussi par le
marché extérieur à cause de son prix abordable, constitue
une chance pour les oasis de la région de Gabès, qui connaissent
un taux d'abandon inquiétant pouvant atteindre jusqu'à 60 % dans
l'oasis de Métouia (HAJ NACEUR, 2009), pour retrouver leur situation
florissante qu'elles avaient autrefois et permettra aussi aux oasiens
d'améliorer leurs revenus agricoles qui se détériorent
d'une année à l'autre.
* Nous relevons aussi la difficulté des industriels
tunisiens à répondre à toutes les demandes de la
clientèle surtout au niveau de la qualité ce qui permet un risque
de perte de certains créneaux ou opportunités qui en
découle puisque les acheteurs pouvant être tentés de
s'approvisionner chez d'autres fournisseurs. Signalons aussi, que la
concentration de la grande distribution en Europe (surtout celle des 15),
augmentant la pression et les exigences au niveau de la demande, risque
d'éliminer ou de rendre inopérants, par manque de
compétitivité, tous les opérateurs qui n'auront pas fait
de mise à niveau en matière de qualité.
* Un danger réel existe également d'avoir un
secteur du conditionnement à deux vitesses, avec d'une part des
entreprises inscrites sur le marché dans la durée et d'autres
part des entreprises inscrites sur la marché à court terme et
sans réels soucis de qualité. Ces dernières sont en mesure
de freiner tous les marchés et la casse des prix, soit
délibérée, soit à l'instigation d'un acheteur
utilisant cette fausse concurrence pour faire pression sur les entreprises
performantes. Dans les deux cas de figures, ce danger existe car ces pratiques
sont d'actualité. Elles sont dommageables pour l'ensemble de la
filière.
Ce diagnostic nous pousse à proposer un certain nombre
d`actions qui peuvent contribuer à l'amélioration du secteur
dattier à Gabès.
· Organisation de la filière datte commune
surtout au niveau de la commercialisation et de l'écoulement des dattes
pour le commerce intérieur et extérieur et
l'éclaircissement des rapports juridiques entre les exploitants, les
collecteurs et les exportateurs.
· Formation d'une main d'oeuvre qualifiée et
spécialisée dans la culture du palmier dattier, dans le centre de
formation agricole (CFRA) de Zerkine (pollinisation, toilettage,
récolte, etc.) pour faire face à la disparition du savoir faire
local dans ce secteur.
· Recherche d'autres ressources en eau et d'autres
techniques d'irrigation qui deviennent de plus en plus exigées dans ce
nouveau contexte de changements climatiques.
· Adaptation des systèmes de crédit bancaire
pour le développement des dattes communes puisque la politique actuelle
exclue la culture des dattes du système de crédit.
· Dans ce nouveau contexte de désengagement de
l'Etat, les pouvoirs publics doivent considérer les oasis comme «
patrimoine national » qu'il faut sauvegarder et sauver et par
conséquent doivent mettre beaucoup plus de moyens humains et
matériels dans le cadre d'un programme national de sauvegarde des
oasis.
Notre pouvons résumer, dans le tableau ci-après,
les atouts et contraintes suivantes :
En guise de conclusion, nous pouvons dire que l'organisation
de la filière des dattes communes constitue une opportunité pour
sauver les oasis de la région de Gabès qui connaissent un taux
d'abandon inquiétant suite à la non rentabilité de
l'activité agricole. Cette situation qui menace la durabilité des
oasis, et qui est dû entre autre au recul de la place du palmier dattier
dans le système de culture oasien, ne peut être renversée
que par la réhabilitation des dattes communes et surtout de la
variété « kenta » qui est appréciée par
les populations locales et qui se vend à un prix encourageant à
l'extérieur (1 euros, contre 2,2 euros pour Deglet Nour). Ce prix, et
dans le contexte de la crise économique qui frappe les pays
européens, ne peut que conserver la place de la Tunisie dans ce
marché.