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Sciences et Politiques institutionnelles au Burkina Faso: élaboration et réformes de la Constitution de la IVème République( Télécharger le fichier original )par G. Jean Luc ZONGO Université Ouaga II Burkina Faso - DEA sciences politiques 2011 |
§3: Le miracle de l'ouverture démocratique formelleLa constitution du 02 juin 1991 a finalement instauré une démocratie assez libérale malgré la volonté affichée au départ par les dirigeants politiques du Front Populaire et les intellectuels organiques du pouvoir de constitutionnaliser la révolution démocratique et populaire (RDP). Elle a donc été obligée, en définitive, de s'ouvrir aux contributions des acteurs non-étatiques et éloignés des centres du pouvoir. C'est le constat que R. Otayek faisait en ce qui concerne en tout cas les positions de l'Église catholique222(*). De même, selon F. Michel Sawadogo, « la recherche du consensus, l'esprit d'ouverture des membres de la commission et le climat serein et même cordial, la grande attention accordée aux arguments des techniciens ont permis bien souvent d'aboutir à des positions opposées à celles que défendait la majorité au départ223(*) ». Il considère en somme que lorsqu'on « compare les résultats atteints aux objectifs initiaux, l'on peut dire que l'on vient de loin224(*) ». On peut donc affirmer que dans ce tournant miraculeux, les comités de réflexion des associations de la société civile et des partis politiques ont joué un rôle fondamental. Leur combativité au sein de la commission constitutionnelle et leur détermination à saper les positions pseudo-scientifiques des représentants du Front populaires ont permis d'aboutir à ce résultat. C'est en cela qu'il faut faire remonter le premier épisode de la belle formule de « la revanche du savant sur le politique225(*) » aux moments de la commission constitutionnelle et des assises nationales sur l'avant projet de constitution. Ce « miracle » s'explique aussi accessoirement par le contexte international marqué à ce moment par la crise de la légitimité marxiste-léniniste matérialisée par la chute du mur de Berlin et le discours de la Baule. Ce contexte de crise a poussé les marxistes-léninistes à s'engager dans l'opportunisme au sens léniniste du terme en tentant de réconcilier, révolution, démocratie, et libéralisme économique à la fois. À ce propos, Luc Adolphe Tiao lançait cette phrase triomphale dans le Sidwaya du 4 janvier 1990 : « l'histoire nous donne raison et nous conforte effectivement d'avoir compris à temps que l'instauration de la démocratie n'était pas incompatible avec l'idéal révolutionnaire ». De même, le président du Front populaire, lors de la présentation des voeux du corps diplomatique, déclarait que « ces bouleversements doivent nous conforter dans notre option originale pour la démocratie comme instrument d'édification de la révolution au détriment des formations bureaucratiques et dogmatiques226(*) ». Mais comme on le voit, cette option pour la démocratie n'impliquait aucunement une option pour une démocratie libérale authentique. Les événements du 9 novembre en République Fédérale d'Allemagne (chute du mûr de Berlin) et le discours de la Baule ont faillit plutôt provoquer chez les élites politiques burkinabé un tropisme vers un régime hybride fortement marxiste-léniniste s'ils ne s'étaient pas heurtés à l'opposition de la société civile et des partis politiques qui ont non seulement brandi l'impossibilité conceptuelle de la réconciliation entre marxisme-léninisme et démocratie libérale, mais aussi exigé une démocratie libre de toute idéologie révolutionnaire. Dans la mise en oeuvre de la constitution, les savoirs bénéficieront-ils d'une telle ouverture ? * 222 Cf. R. Otayek, L'Église catholique au Burkina Faso : un contre-pouvoir à contretemps de l'histoire ? op. cit. * 223 Sawadogo F. M., L'élaboration de la constitution de la IVe République, op. cit. * 224Ibid. * 225 R. Otayek, « La revanche du savant sur le politique. Les intellectuels et la démocratie au Burkina Faso », in J.-P. Daloz et P. Quantin (dirs.), Transitions démocratiques africaines, Paris, Karthala, 1997, p. 279-309. * 226 Discours de Blaise Compaoré lors de la présentation des voeux du corps diplomatique, in Sidwaya du 19 janvier 1990 n°1442. |
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