§2: Le projet de constitution à l'issue du
processus constitutionnel : les empreintes cognitives des organisations
non-membres du Front populaire
L'apport cognitif des organisations de la
société civile comme l'Église catholique, le Mouvement
Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples, et des partis politiques
tels que le Parti Africain de l'Indépendance (PAI), la Convention
Nationale des Patriotes Progressistes/Parti Social Démocrate (CNPP/PSD)
et dans une certaine mesure le Mouvement des Démocrates Progressistes
(MDP) va entrainer la transfiguration du canevas de discussion en un
avant-projet de constitution assez démocratique et plus
libéral.
Le projet de constitution finalement soumis à
référendum institue dès le préambule, un
État de droit en lieu et place de l'État révolutionnaire,
démocratique et populaire initialement prévu. En plus de la
référence à la déclaration universelle des droits
de l'homme de 1948 et à la charte africaine des droits de l'homme et des
peuples de 1981 déjà contenues dans le canevas, une mention
spéciale est maintenant faite pour la protection de l'environnement. Le
pouvoir constituant originaire tranche d'avance la controverse française
du caractère obligatoire ou non du préambule en précisant
à l'instar de la constitution de la deuxième et de la
troisième République burkinabé qu'il fait partie
intégrante de la constitution. À l'opposé du canevas, et
comme s'il voulait dire symboliquement adieu pour de bon à la conception
marxiste des droits de l'homme, le titre II consacré à
l'État et à la souveraineté du peuple est
précédé d'un titre I spécialement
réservé aux droits et devoirs fondamentaux où l'abondance
des droits reconnus au citoyen contraste avec les quelques devoirs qui lui
incombent. En effet, sur les trente (30) articles que comptent ce titre, il n'y
a que deux (les articles 10 et 17) qui énoncent exclusivement des
devoirs et deux autres qui combinent droits et devoirs (les articles 23 et 29).
Les partis politiques sont maintenant égaux en droits et en devoirs et
leur création est libre. L'État est définitivement
laïc, démocratique et républicain. Quant au
Président du Faso, même si ses pouvoirs n'ont pas
été revus à la baisse, il ne peut plus avoir qu'un mandat
de sept (7) ans renouvelable une fois. Le parlement voit son image et son
pouvoir rehaussés car l'idée de députés
nommés est abandonnée au profit de l'élection de tous par
le suffrage universel, égal et secret. Leur mandat quoique de cinq (5)
ans maintenant, reste désormais inférieur de deux (2) ans
à celui du président du Faso. La Chambre des représentants
avec laquelle elle doit cohabiter n'a cependant qu'un rôle consultatif et
ses membres exercent un mandat de trois ans (3).
L'initiative populaire est finalement reconnue au peuple en
matière législative. Le rejet des tribunaux populaires et de la
cour de sûreté que prévoyait le canevas a été
catégorique. Quant à la révision de la constitution, elle
n'est plus l'apanage du seul chef de l'État. Les députés
à la majorité qualifiée et 30000 citoyens peuvent demander
de façon autonome la révision de la loi fondamentale. Les
matières intangibles ont également été enrichies.
À l'intégrité territoriale viennent s'ajouter la nature et
la forme républicaine de l'État ainsi que le système
multipartiste. Ce résultat montre à quel point les organisations
non-membres du Front populaire ont pu imprimer leurs marques dans la loi
fondamentale. Un tel revirement de situation ressemble beaucoup à un
miracle sur lequel il convient de se pencher un tant soit peu.
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