1. Analyser le problème social contre lequel le
praticien souhaite lutter
En guise d'exemple, nous nous focalisons sur un
problème majeur de santé publique : le comportement des
adolescents et jeunes béninois en matière de
précocité des rapports sexuels. Dans l'Approche qualitative
d'analyse de l'abstinence sexuelle et du report des rapports sexuels au
Bénin (2004), les jeunes interrogés disaient que "les
rapports sexuels chez les adolescents et jeunes sont souvent précoces
puisque ces derniers entament habituellement les relations sexuelles entre 10
et 15 ans alors que
dans la quasi-totalité des discussions de
groupe, c'est l'âge de 18 ans qui a été identifié
comme l'âge idéal pour débuter ces rapports sexuels". A cet
âge, le jeune est sensé disposé d'informations et
d'éléments nécessaires pour prévenir les graves
problèmes de santé liés à la
précocité des rapports sexuels tels que : les grossesses, les IST
y compris le VIH/sida et les troubles psychologiques.
2. Choisir une cible d'action prioritaire
Il s'agit ici de procéder à une
segmentation, c'est-à-dire de scinder la population en sous groupes
homogènes et de choisir une cible estimée prioritaire à
laquelle le programme de promouvoir le report de l'âge au premier rapport
sexuel sera orienté. Le processus de segmentation permet
d'améliorer considérablement l'efficacité des actions
envisagées. La réduction de la proportion actuelle de jeunes qui
sont sexuellement précoces au Bénin, représente une
priorité en matière de promotion de la santé car les
effets de la précocité des rapports sexuels risquent d'augmenter
considérablement les décès liés aux
problèmes de santé des adolescents et jeunes. 24.6 % des jeunes
à l'âge 19 ont mis un enfant au monde- Étude sur
les Connaissances, Attitudes et Pratiques, PSI,
2005).
3. Fixer les objectifs à atteindre
L'objectif d'un programme de marketing social est
toujours de modifier un comportement sur une période de temps
donnée. Dans le présent cas, encourager les jeunes à
repousser leur vie sexuelle au-delà de l'adolescence (18 -19 ans) de 25
% à 35 % en 3 ans serait souhaitable.
4. Connaître la cible
Pour agir efficacement sur une cible, il faut la
connaître, telle est la « leçon » tirée de plus
de 50 ans de marketing. Ainsi les spécialistes du marketing social
attachent beaucoup d'importance aux croyances, attitudes, valeurs, freins, et
comportements de la cible visée. De ce fait, pour que le programme
social soit en phase avec la réalité, des études sont
régulièrement menées sur la population ciblée.
Elles s'appuient sur des entretiens individuels, de groupe, ou encore sur des
questionnaires à remplir (études de marché qualitatives et
quantitatives).
5. Choisir un concept de campagne
Lorsqu'il connaît bien sa cible, le
spécialiste de marketing social peut alors élaborer un plan ou
concept de campagne, c'est-à-dire trouver un programme qui sera capable
d'attirer l'attention, d'être mémorisé... puis, à
terme, de modifier avec des chances de succès le comportement de la
cible visée.
6. Élaborer le plan de campagne
L'expérience du secteur commercial montre que
quatre éléments doivent être pris en compte pour qu'une
modification de comportement se produise chez les consommateurs :
· le «Produit» : au niveau de la
promotion de l'abstinence sexuelle, il se compose des éléments
qui devront être proposés à la cible visée pour
l'aider à mettre en oeuvre le comportement
préconisé.
· le «Prix» : il se compose du
coût que la cible visée devra « payer » pour mettre en
oeuvre le comportement préconisé (prix en francs CFA des aides
à l'arrêt, prix psychologique : pression des pairs, facteurs de
l'environnement, sacrifices induits par l'arrêt du rapport sexuel pour
les jeunes qui veulent observer l'abstinence secondaire...).
· la distribution ou la «Place»: le
produit proposé devra être disponible et accessible dans un grand
nombre d'endroits si l'on souhaite atteindre les résultats
escomptés (consultations tabagiques disponibles dans les
universités si la cible se compose d'étudiants, mise à
disposition des aides à l'arrêt dans les pharmacies, les
infirmeries, les universités...);
· la communication ou la «Promotion» :
le comportement préconisé doit enfin faire l'objet de
communication et de promotions pour inciter la cible à l'adopter
(messages diffusés dans les médias, concours...). Le ton et la
forme de la communication doivent être adaptés à la
population à laquelle le praticien s'adresse, d'ou l'importance des
pré-tests pour le vérifier.
7. Pré-tester le plan de campagne
Avant d'être lancé sur l'ensemble de la
population ciblée, le programme élaboré par le «
manager » social devra être pré-testé sur un
échantillon représentatif de la population mère afin de
mesurer les réactions qu'il suscite et ses éventuelles
faiblesses. À ce niveau, se pose évidemment un problème de
moyens financiers. En effet, les organismes béninois de promotion de
santé disposant de budgets restreints, les campagnes menées sont
donc trop rarement pré-testées. Le rôle du chercheur en
marketing social est justement de développer des études
scientifiques pour aider à cette promotion.
8. Appliquer le plan de campagne
Il s'agit ici d'entraîner les agents
(médecins, bénévoles des associations, salariés...)
qui porteront la cause et le message du programme social envisagé devant
le marché cible.
9. Évaluer et modifier le plan de
campagne
Il est important de contrôler
l'efficacité du plan de campagne une fois qu'il a été
appliqué sur la population cible. Si les résultats obtenus ne
sont pas conformes aux objectifs fixés préalablement (par
exemple, réduire de 10 % le nombre de jeunes sexuellement
précoces en 3 ans), il conviendra alors de détecter les
faiblesses et de chercher à modifier et à améliorer le
plan élaboré pour en concevoir un nouveau, plus
efficace.
En conclusion, la méthodologie décrite
ici n'est qu'une démarche possible de mise en oeuvre d'un programme de
marketing social. Nous avons choisi de la relater car elle est
préconisée dans les ouvrages de chercheurs-praticiens qui ont
testé son efficacité sur le terrain (Fox et Kotler, 1981 ; Kotler
et Roberto, 1989 ; Andreasen, 1995). Si elle s'est révélée
efficace pour aider à résoudre de nombreux problèmes
sociaux, il n'en demeure pas moins que de nombreuses difficultés vont se
trouver sur le chemin du praticien (Bloom et Novelli, 1981). En particulier
dans le domaine de la lutte contre le tabac, il faut en effet être averti
que le programme social sera « non demandé », voire
rejeté par la cible visée (les adolescents, les jeunes), car il
touche à des domaines
impliquant et parfois intimes pour certains individus.
Les remèdes « miracles » pour s'abstenir jusqu'à
l'âge de 18 ans au moins n'existant pas, et les budgets des associations
étant limités, il sera difficile de mener des actions
régulières et de grande ampleur.
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