b) La fin du partenariat avec Mondial Relay en juillet
2011 et le début de la mise en place d'une gestion directe de ses points
relais
i. A l'origine Kiala sous-traitait la gestion des points relais
et le transport aval à
Mondial Relay
Mondial Relay et Kiala avaient conclu en mai 2003 un
partenariat sous la forme d'un contrat de fourniture de services et d'un
contrat de licence d'utilisation de logiciel informatique. Ces contrats ont
été entrés en vigueur le 1er janvier 2004. Aux
termes de leur partenariat, Mondial Relay s'engageait à mettre ses
points relais à la disposition de Kiala (à l'époque
environ 3 500 points relais) ainsi que sa capacité d'acheminement des
colis, à savoir le transport des colis depuis les 23 agences
régionales de Mondial Relay jusqu'aux points relais. Kiala, pour sa
part, apportait à Mondial Relay son modèle de gestion d'un
réseau de points relais, en se fondant en particulier sur ses deux hubs
permettant d'automatiser les processus de gestion des colis, y compris pour les
propres flux de colis de Mondial Relay. Ces infrastructures logistiques sont
situées à Lisses (surface logistique de 8 500 m2) en
région parisienne et Decines en région lyonnaise. La plate-forme
de Lisses est exploitée par le spécialiste de lalogistique
Neolog, une filiale du groupe La Poste. Kiala s'engageait également
à confier à Mondial Relay un volume minimum de 2 millions de
colis par an pendant toute la durée du partenariat et à mettre
à la disposition de Mondial Relay sa force de vente commerciale
puisqu'en vertu du contrat de prestation de services, Mondial Relay ne pouvait
pas vendre la solution de livraison aux points relais directement sur le
marché, sauf aux sociétés des groupes Otto et 3SI ainsi
qu'à certains clients, et ce pendant
toute la durée de l'accord. Pour sa part, Kiala
s'engageait à confier tous ses colis exclusivement au réseau
Mondial Relay. Ainsi, Kiala demeurait seul interlocuteur des cybermarchands
tandis que Mondial Relay interlocuteur des points relais.
Le réseau Kiala s'est ainsi constitué
grâce à l'utilisation du réseau de Mondial Relay. Cette
opération a facilité la rapide implantation de Kiala en France et
a permis de limiter les coûts de recherche de commerce relais. Mondial
Relay avait offert à l'enseigne Kiala un bon maillage6, qui a
permis d'économiser le dernier kilomètre de livraison, le plus
cher.
Figure 11. Le fonctionnement du réseau de points relais de
Kiala avec le partenariat Mondial Relay
Entrepôt du client
|
|
Collecte des colis dans les entrepôts des clients (90 %
des cas)
|
|
Hub de Kiala à Lisses (91)
Hub de Kiala à Decines (69)
Transport jusqu'aux hubs de Kiala assuré par Geodis BM
Tri à double niveau de colis :
- Un 1er niveau de tri segmente en 23 destinations (correspondant
aux 23 agences régionales)
- Un second, effectué par des ateliers
dédiés à chacune des 23 agences, affine la segmentation
vers 330 destinations et mettent toutes les livraisons en box-palettes
Gestion du hub de Lisses sous-traitée à Neolog, une
filiale de La Poste
|
Transport jusqu'aux agences régionales assurés par
Geodis BM ou TAT Express
23 agences régionales
|
|
Kiala utilise le réseau d'agence régional de
Mondial Relay. Peu d'opérations y sont effectuées, il s'agit
davantage d'un passage en cross-docking (pas de stockage)
|
|
Les tournées finales vers les points relais sont prises en
charge par les 800 transporteurs partenaires de Mondial Relay
|
|
|
4300 points relais
|
|
Le consommateur peut récupérer son colis au sein de
l'un des 4300 points relais
|
|
Sources : XERFI (2011) et correction apportée par
l'auteur
Le fonctionnement de Kiala avec ses différents
partenariats permet d'affirmer que Kiala dispose d'un statut de commissionnaire
de transport. En effet :
6 Il existait, en juillet 2007, 32 points relais
Kiala à Paris, soit un point relais Kiala tous les 3,3 km2 et
tous les 639 hab/km2. A Bordeaux, la densité était de
1 point relais tous les 6,17 km2 et tous les 545 hab/km2,
à Toulouse, elle était de 1 tous les 13,14 km2 et tous
les 367 hab/km2, et à Nantes, elle était de 1 tous les
7,24 km2 et tous les 481 hab/km2.
- les transports de collecte en amont (entre les
entrepôts des cybermarchands vers le hub national) et de traction (entre
le hub national et les agences régionales) sont sous-traités
à Geodis BM et quelques réseaux classiques de messagers
- les tournées finales (entre les agences
régionales et les points relais) sont assurées par des
véhicules légers de Mondial Relay
Figure 12. Les différents transporteurs dans le
schéma de livraison des points relais de Kiala
Source : fait par l'auteur
ii. La fin du partenariat avec Mondial Relay
Les relations contractuelles entre Kiala et Mondial Relay ont
été marquées par de nombreux différends. Kiala a
notifié le 14 décembre 2007 à Mondial Relay son intention
de mettre un terme à l'exclusivité qui la liait, avec effet au 31
décembre 2008, et souhaitait faire livrer une partie de ses colis par le
biais d'un autre opérateur de point relais. Le 30 octobre 2009, Kiala a
conclu un contrat avec Ocyto, filiale logistique de Presstalis, ayant pour
objet le recrutement, l'animation et la gestion d'un réseau de points
relais, et avec comme objectif de disposer de 3000 points relais Ocyto à
Kiala ainsi que la mutualisation du transport des colis avec les articles de
presse transportés par Presstalis depuis les dépôts
régionaux de Presstalis jusqu'aux points relais ainsi recrutés
(figure 13). Au début de l'année 2011, Kiala travaillait avec 1
300 points relais Ocyto et surtout possédait un vivier d'environ 30 000
relais (puisqu'il existe 30 000 bureaux de presse). Ainsi avec ce nouveau
partenariat, Kiala souhaitait reproduire son modèle de gestion
appliqué dans les autres pays européens. Cela lui a permis ainsi
de gérer en direct ses points relais.
Le 10 décembre 2009, Mondial Relay a mis en demeure
Kiala de mettre un terme à son partenariat avec Ocyto, estimant que
celui-ci méconnaissait l'exclusivité dont elle
bénéficiait aux termes du contrat de fourniture de services
qu'elles avaient conclu en 2003. Dans le cas contraire, Mondial Relay
annonçait son intention de résilier les contrats signés
avec Kiala. Les conflits qu'entretenaient les deux enseignes ont
entraîné la fin de leur contrat prononcé en juillet 2011.
La fin des relations commerciales entre les deux enseignes a été
souhaitée par Kiala pour plusieurs raisons :
- Kiala n'envisageait plus de travailler avec un partenaire qui
est en même un concurrent
- Le mode de fonctionnement avec Mondial Relay ne permettait pas
à Kiala d'opérer une approche directe visant
l'amélioration du service dans les points relais
- De plus, Kiala renforçait son concurrent à chaque
étape de son développement
Figure 13. Le fonctionnement du réseau de points relais de
Kiala avec le partenariat de Presstalis
Points relais d'Ocyto
Dépôts régionaux de Presstalis
Entrepôts des cybermarchands
Centre de tri de Lisses
Centre de tri de Decines
Transporteurs locaux partenaires de Kiala
Transporteurs locaux partenaires de Kiala
...
Transport géré par Presstalis
...
...
Source : fait par l'auteur
iii. La mise en place d'une gestion directe des points relais
« La France constituait une exception dans le
modèle mis en oeuvre par Kiala en Europe. Nos clients français
vont désormais pouvoir bénéficier des avantages d'un
modèle reposant sur l'une des meilleures solutions de transport du
marché et sur un réseau contrôlé directement par
Kiala et donc adapté aux besoins de la clientèle e-commerce et
télécoms en termes de localisation et de type de commerces
utilisés », annonce Denis Payre en juillet 2011 (source : site
internet Kiala, dans la rubrique Nouvelles). La stratégie de Kiala est
alors de dupliquer le modèle mis en place avec Presstalis,
c'est-à-dire avoir la possibilité de gérer les points
relais en direct. Plus largement, contrôler le réseau de points
relais va permettre à Kiala de développer de nouveaux services
plus facilement, avec plus de liberté. Kiala a ainsi
décidé d'avoir un rôle d'animation, de formation, de
contrôle des points relais et, aussi et surtout, de gestion
d'optimisation de ses points relais.
Pour illustrer ce dernier point, le système
d'information de Kiala permet aujourd'hui par exemple d'identifier la
capacité de stockage d'un point relais. En effet, une des limites du
système du point relais repose sur la saturation de l'espace de stockage
chez le commerçant relais. Pour répondre à cette
problématique qui est récurrente et lourde de conséquence,
Kiala a développé une application informatique qui lui permet
d'identifier la capacité de stockage de tous ses points relais. En cas
de saturation de l'espace de stockage, le système va interdire
automatiquement le point relais surchargé pour que le cyberconsommateur
soit
surcharge , surtout dans un
est essentiel dans la prise en compte de la
qualité de service
contexte où les volumes des
colis sont de plus en plus importants
à l'unité.
Kiala a conclu
par ailleurs un partenariat en février
2010
avec l'opérateur postal
Adrexo. Lorsque ce dernier livre un colis à domicile mais que le
destinataire n'est pas présent pour le
réceptionner
, Adrexo propose à l'acheteur de
réitérer ultérieurement sa point relais
Kiala.
livraison à domicile ou de déposer son
colis dans un
c) Les chiffres clés d'une décennie de
croissance
Le succès de Kiala s'explique d'abord
par son effort technologique avec la création de
logiciels performant de gestion de son entrepôt, de
géo- localisation des points relais, de systèmes
d'information, etc. L'entreprise se présente comme une
start-up et Denis Payre qui vient du monde informatique a
été le fondateur en 1990 de Business Objects, un
éditeur de logiciel dans le domaine de la Business Intelligence,
proposant aux entreprises un outil permettant à tout
employé d'extraire facilement des données des systèmes
d'information des e ntreprises sans passer par le
département informatique. Aujourd'hui 60
% des salariés Kiala
sont des développeurs.
Kiala a connu depuis sa création en 2001
un e décennie de croissance . Le groupe a
réalisé un chiffre d'affaires de 33,6 millions d'euros en
200 9 et 47,2 millions en 2010, soit une croissance de 40,5%
en un an.
Figure 14 . Evolution du chiffres d'affaires du
groupe Kiala entre 2002 et 2010 (en millions d'€)
45,0
40,0
50,0
35,0
30,0
25,0
20,0
15,0
10,0
0,0
5,0
2002 2003
1,4
6,0
2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
16,2
20,6
25,0 26,0 26,0
33,6
47,2
Sources : site internet Kiala,
articles de presse
Kiala a acheminé
17 millions de colis en 2010 en Europe
dont 12 millions en France. L'enseigne est
présente au Benelux et étend aujourd'hui
son réseau au Royaume-Uni, en Allemagne, en
Autriche, au Danemark et en Espagne. Une extension en Europe de l'est
et
rme.
au Japon est envisagée sur le long te
Le groupe
compte à son capital de grands investisseurs
institutionnels, et en
La Poste
particulier des fonds d'investissements proches de
française (Xange) et de La
Poste hollandaise (Logispring). Cet actionnariat
a permis à l'entreprise d'investir pour
6 millions d'euros
diversifier son offre (levée de fonds de 2 en
novembre 2007, 10 millions en
août 2005, 13 millions en mai 2003).
Tableau 4. Les actionnaires de Kiala
|
Secteur d'activités
|
Pays
|
AGF
|
Assurance, fonds de capital-risque
|
France
|
Arts Alliance
|
Fonds de capital-risque
|
Royaume-Uni
|
HarbourVest
|
Fonds de capital-risque
|
Etats-Unis
|
Logispring
|
Fonds de capital-risque, groupe TNT (Poste hollandaise)
|
Pays-Bas
|
Iris Capital
|
Fonds de capital-risque
|
France
|
Scottish Equity Partner
|
Fonds de capital-risque
|
Royaume-Uni
|
Tempo
|
Fonds de capital-risque
|
Royaume-Uni
|
Xange (Groupe La Poste)
|
Fonds de capital-risque
|
France
|
Source : site internet Kiala
En termes de répartition du capital du groupe, 70%
reviennent aux différents fonds de capital-risque, 23% pour les
fondateurs, Denis Payre et Marc Fourrier, et 7% pour les salariés
Kiala.
|