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Cultures maraîchères et sécurité alimentaire en milieu rural

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par Siégnounou BOGNINI
Université de Ouagadougou - Master II recherche 2010
  

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II.2. Analyse de la motivation

La motivation première pour les cultures maraîchères est économique pour la plupart des producteurs. L'objectif est la quête de revenus pour satisfaire les besoins socio-économiques. La première vocation du maraîchage vise moins l'auto-consommation que les revenus maraîchers qui jouent un rôle déterminant dans l'équilibre économique de l'exploitation familiale. (ZALLE

D., 1999). Certains, expliquent cette situation par l'évolution des jardins potagers en jardins maraîchers. Le jardin potager avait pour objectif la satisfaction des besoins alimentaires du ménage et était entretenu autour des cases. Cependant, avec l'accroissement des populations notamment dans les villes, conjugué au changement des habitudes alimentaires et la pauvreté qui sévit avec plus d'acuité en milieu rural, la vocation sociale du maraîchage est devenue économique. Elle justifie de nos jours l'ampleur de cette activité autour des centres urbains notamment en zone périurbaine.

Les cultures maraîchères ont évolué à partir des potagers familiaux parce que des jardiniers y ont vu la possibilité de gagner leur vie. Le désir de mieux manger pour les maraîchers est donc secondaire. Cette option confirme peu l'idée selon laquelle les produits maraîchers améliorent le régime alimentaire des maraîchers.

La motivation économique a également une influence sur les quantités et variétés consommées. En fait, elle réduit considérablement les quantités consommées par les maraîchers et limite leur consommation à quelques variétés, dans le but de rentabiliser l'activité.

II.3. L'analyse des habitudes alimentaires

Les produits maraîchers sont disponibles pour les familles des maraîchers, mais, ils sont peu consommés. Cette situation pourrait s'expliquer en plus du choix économique, par les habitudes alimentaires. Ces produits sont peu intégrés dans les habitudes alimentaires des ménages des maraîchers. Ils accompagnent généralement les aliments de base et ceci, uniquement pendant la saison sèche lorsque ces ménages ne disposent pas de techniques de conservation. Certains auteurs comme AZOULAY G., DILLON J.C (1999) qualifient cette situation d'insécurité alimentaire saisonnière. D'autres auteurs se sont basés sur les modes de consommation des produits maraîchers susceptibles d'avoir une influence sur les éléments nutritifs apportés par les légumes dans le régime alimentaire.

II.4. L'analyse du mode de consommation

La consommation des légumes a longtemps eu un caractère local, les paysans consommant les produits adaptés aux conditions économique et sociale locales. Les ménages ignorent la présence de nutriments essentiels contenus dans les produits maraîchers. Les pratiques alimentaires des ménages en milieu rural ne suivent pratiquement pas les règles et les normes de bases admises pour améliorer leur régime alimentaire.

L'apport nutritionnel des légumes cuits est différent de celui des légumes crus. Il est important de consommer des légumes crus, car leurs éléments nutritifs ne sont pas altérés par la cuisson (DELISLE, H., 1998). Malheureusement en milieu rural, le mode de consommation sous forme de crudité est rare. Ce mode de consommation du cru est plus fréquent en milieu urbain.

La cuisson des légumes doit être la plus brève possible; la surcuisson les rend insipides et détrempés, et leur fait perdre une certaine quantité de vitamines et de minéraux (KANKONDE M, TOLLENS E., 2001). Ainsi une cuisson à forte température et de courte durée entraînera une perte limitée de vitamines B et C. La cuisson occasionne une diminution importante de la saveur et de la valeur nutritive, surtout lorsqu'on surcuit les légumes et qu'on jette l'eau de cuisson par la suite. Il est nécessaire de cuire les légumes à couvert, à l'exception des légumes verts. La cuisson à couvert permet de réduire le temps de cuisson ainsi que l'évaporation des substances volatiles; ce qui conserve la saveur, préserve la couleur et la valeur nutritive des légumes. Dans le cas des légumes verts, il est conseillé de les cuire à découvert, car les acides qu'ils contiennent se concentrent (à couvert), détruisent la chlorophylle et les décolorent. Il est recommandé de plonger tous les types de légumes dans une eau à pleine ébullition, ce qui permet de neutraliser rapidement les enzymes qui détruisent les vitamines. Le temps de cuisson des légumes doit être le plus bref possible. Des légumes encore croquants ont plus de saveur et de valeur nutritive. La cuisson à la vapeur consiste à cuire les légumes par la chaleur dégagée par l'ébullition d'une petite quantité d'eau. Ce mode de cuisson entraîne une perte d'éléments nutritifs et de saveur moindre que la cuisson à l'eau. Le temps de cuisson est légèrement plus long que pour la cuisson à l'eau.

La cuisson des légumes au four à micro-ondes donne de très bons résultats. Elle permet de
conserver la couleur et la saveur des légumes plus adéquatement que tout autre mode de cuisson.

Toutes ces techniques de cuissons qui conservent la valeur nutritive des légumes sont très peu utilisées par les ménages pauvres en milieu rural.

II.5. Composition des légumes en nitrates

Les légumes sont des éléments importants d'un régime alimentaire sain et équilibré et leur consommation quotidienne en quantité suffisante peut contribuer à réduire le risque de certaines maladies. L'OMS recommande une consommation journalière de 400 Grammes de fruits et de légumes. Mais en raison du fait que les légumes et les fruits comportent 50% à 70% de nitrates, le groupe scientifique sur les Contaminants de la Chaine Alimentaire (CONTAM) de l'Autorité Européenne de la Sécurité des Aliments (EFSA) a évalué les risques et les bénéfices pour le consommateur de la présence de nitrates dans les légumes en juillet 2008. Ce groupe scientifique a estimé qu'un consommateur moyen qui ingère approximativement 400 g de légumes et de fruits mélangés par jour ne dépasserait pas la Dose Journalière Admissible (DJA) pour les nitrates1. Pour estimer l'exposition au risque, le groupe s'est fondé sur léventualité que la totalité des 400 g de fruits et de légumes ingérés par les consommateurs puissent n'être constitués que de légumes dont la teneur en nitrates est considérablement plus élevée que celle des fruits.

Les principales sources de nitrates dans l'alimentation sont les légumes, la viande en conserve et l'eau de boisson, mais les légumes et les fruits peuvent représenter plus de la moitié, voire les deux tiers, de l'ingestion totale de nitrates. La plupart des légumes contiennent des nitrates, en quantité variable, mais le facteur critique d'une exposition alimentaire élevée aux nitrates n'est pas la quantité absolue de légumes consommée mais le type de légumes (par exemple des légumes feuilles) et la concentration respective de nitrates. Les taux plus élevés de nitrate peuvent être décelés dans les légumes-feuilles, tels les épinards, la laitue, etc. (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA), 2008). La teneur des légumes en nitrates varie également en fonction d'autres facteurs, comme l'ampleur de l'utilisation d'engrais à base de nitrates et l'exposition des légumes à la lumière solaire (les légumes cultivés dans les pays du

1 Une dose journalière admissible (DJA) pour les nitrates de 3,7 mg/kg de poids corporel/jour a été établie par l'ancien comité scientifique de l'alimentation humaine (CSAH) et a été confirmée en 2002 par le Comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires (JECFA). Le groupe CONTAM a noté que l'on n'a identifié aucune nouvelle donnée susceptible de rendre nécessaire la révision de la DJA. La DJA est la quantité d'une substance spécifique dans les aliments qui peut être ingérée par voie orale pendant la durée de la vie sans risque notable pour la santé)

nord de l'Europe ont tendance à présenter une teneur en nitrates plus forte). Cette teneur des légumes en nitrate montre ici que la consommation en grande quantité des produits maraîchers peut aller contre l'objectif de l'amélioration du régime alimentaire.

CHAPITRE 2 : CULTURES MARAICHERES ET ACCESSIBILITE ECONOMIQUE AUX AUTRES ALIMENTS

Selon FAO (1995), la plupart des sous alimentés du monde vivent dans 88 pays à faible revenu. Ainsi, certains spécialistes ont affirmé que les grandes famines du XX ème siècle n'ont pas été liées à des baisses de la production alimentaire par habitant, mais plutôt à celle de la capacité des individus concernés à se procurer des denrées alimentaires avec leurs revenus et leurs richesses (FMI et Banque Mondiale, 1990).

I. IMPORTANCE ECONOMIQUE DU MARAICHAGE

L'importance économique des cultures maraîchères se retrouve dans les revenus qu'elles procurent aux maraîchers. De nombreux écrits révèlent cette importance économique.

L'introduction du PAS dans les années 1980 a eu pour conséquences dans la plupart des pays africains, la dégradation des finances publiques et le désengagement de l'Etat de certaines de ses fonctions primaires. En milieu rural, la libéralisation s'est traduite par un retrait de soutien de l'Etat aux activités de production (encadrement des producteurs, crédits de campagne et une hausse des prix des intrants,). La pauvreté en milieu rural s'est progressivement installée du fait de la faible rémunération des activités agricoles. Au nordCameroun, la crise économique a révélé la fragilité de la filière coton, fortement dépendante des marchés mondiaux (ESSANG T. et al, 2003). La chute des cours mondiaux des années 90 a entraîné la baisse du prix d'achat aux producteurs. Dans une optique de diversification des sources de revenus monétaires, le maraîchage se présente comme une voie prometteuse.

Ces mêmes auteurs ont montré que des différentes cultures maraîchères, l'oignon est la première spéculation légumière et la seconde spéculation commerciale après le coton. Le niveau de production national est estimé à environ 60 000 tonnes/an. Les provinces du nord et de l'extrêmenord contribuent pour 85 % de la production nationale. Cette culture couvre une superficie de plus de 3 400 ha avec 13 600 producteurs qui obtiennent annuellement plus de 6 milliards de F CFA.

DEGUENON. E (2000) montre l'importance de l'activité maraîchère sur les plans économique,
social et environnemental à Cotonou au Benin. La production maraîchère constitue

l'activité principale génératrice de revenus monétaires pour la plupart des maraîchers membres de l'UCP-Cotonou parce qu'elle rapporte plus de 300 millions de F CFA de marge brute par an.

Selon BROUTIN C. P. G. et SOKONA K. C. (2005) cette activité constitue la principale source de revenu de 900 maraîchers à Thiès au Sénégal (cf. tableau N°3).

Tableau 3: Répartition du revenu annuel des maraîchers selon l'activité en pourcentage

%

Maraîchage

Cultures hivernales

Autre

activité de

culture

Arboriculture

Elevage

Exploitation rônier

Activité

extra agricole

Maraîchers
Périurbains

98

0,1

0,2

 

0,7

5,2

1,1

Maraîchers Ruraux

27

5,3

 

12,4

15,8

18,6

20,8

Source : BROUTIN C. P. G. et SOKONA K. C. (2005)

Le revenu mensuel moyen pour les maraîchers périurbains est d'environ 160 000 F CFA (soit plus de 4 fois le SMIG - 35 000 F CFA/mois). Chez les maraîchers ruraux qui produisent essentiellement du piment en hivernage (soit pendant 4 mois), le revenu mensuel moyen est d'environ 24 000 F CFA.

ZALLE D. (1999) fait une comparaison des revenus du maraîchage à ceux d'autres secteurs en 1994 à Bamako. Les maraîchers ont été classés par catégorie en fonction de la superficie exploitée.

Les revenus dans les plus petites exploitations (5 592 F CFA) sont comparables aux salaires du personnel de maison (2 500 à 25 000 F CFA). Les producteurs de la seconde catégorie (23 727 F CFA) arrivent à obtenir un revenu mensuel supérieur au SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti) et assimilable aux salaires des agents subalternes (catégorie « C ») de la Fonction publique malienne (27 053 à 60 028 F CFA). Ce sont des ouvriers, des gardiens en quête de complément de solde face aux difficiles conditions de vie en ville. Les revenus déclarés dans les exploitations de la catégorie 3 (68 864 F CFA) correspondent à ceux des fonctionnaires de la catégorie « B » et de classe exceptionnelle (34 566 à 88 121 F CFA). Tous les travailleurs maliens de ce groupe n'atteignent pas facilement cette classe, car il leur faut beaucoup de temps et d'efforts. Les maraîchers des exploitations de la catégorie 4 (153 100 F CFA) n'ont rien à

envier à leurs homologues de la fonction publique du point de vue des salaires, leurs gains se situant dans l'échelle des salaires de la catégorie « A », de classe exceptionnelle (54 177 à 166 780 F CFA). Rares sont les salariés qui en bénéficient. Quant aux propriétaires des plus grandes exploitations (245 565 F CFA), leurs revenus dépassent largement les salaires des fonctionnaires de la catégorie « A ». Ils sont peu nombreux et disposent de gros moyens. Ce sont surtout des grands fonctionnaires nationaux ou internationaux et des gros commerçants.

Le maraîchage est capable de procurer des revenus réguliers tout au long de l'année. KOUVONOU F.M., HONFOGA B.G. et DEBRAH S.K. (2003) estime les revenus brut et net du maraîchage à Lomé. La production est étalée sur toute l'année. Les résultats sont consignés dans le tableau suivant :

Tableau 4: Revenu net (en milliers de FCFA) et rentabilité du maraîchage sur une exploitation moyenne

Rubriques

Femmes (0,24 ha)

Hommes ( 0,35 ha )

Ensemble ( 0,34 ha)

Montant

Revenu brut

2450

3 355

3 096

Charges totales

705

965

872

Revenu net/an

1745

2 390

2 224

Revenu net/ha/an

7271

6 829

6 541

Revenu mensuel

145

199

185

Ratio revenu net/charges

25

25

25

Source : KOUVONOU F.M., HONFOGA B.G. et DEBRAH S.K. (2003)

Le maraîchage à Lomé est une activité hautement rentable. Le revenu net moyen sur un domaine moyen (0,34 ha) est de l'ordre de 2,2 millions de F CFA par an, soit 6,4 millions F CFA/ha/an. Le revenu mensuel (net) du maraîcher est en moyenne de 185 000 F CFA, soit de 10 fois le SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti) actuel et voisin de celui d'un haut cadre dans l'administration publique mais les hommes gagnent 37 % plus que les femmes. L'importance de cette activité est également prouvée par NGUEGANG P., et al,. 2005 à Yaoundé où le revenu est compris entre 45-100.000 FCFA/ mois et ceci pour 43 % des maraîcher. 25% de ces maraîchers ont un revenu compris entre 25- 40.000 FCFA alors que 16 % ont un revenu moyen inférieur au SMIG (moins de 29.000 FCFA).

BOGNINI S. (2006), a montré que des revenus non négligeables sont tirés de l'activité maraîchère à Réo et à Goundi au Burkina Faso. Les revenus nets annuels du maraîchage sont compris entre 3 775FCFA et 674 250 FCFA pour 76 % des ménages ayant réalisé un bénéfice à Goundi. Le revenu net moyen pour le village de Goundi est de 119 731 FCFA/ménage. Parmi ces ménages 28% sont au-dessus de la moyenne et le revenu le plus élevé est estimé à 674 250 FCFA. A Réo, le revenu net moyen est évalué à 94 993 FCFA/ménage ; 17 % des ménages sont au-dessus de cette moyenne avec comme revenu le plus élevé 668 500FCFA. Pour l'ensemble des ménages à Réo et à Goundi, le revenu net moyen annuel pour le maraîchage est de 107 362 FCFA.

Les cultures maraîchères rapportent à elles seules 61% des revenus monétaires comparativement à la moyenne nationale estimée à 8,5% en 2003 (INSD, 2003). Elle reste de ce fait la principale source de revenu de ces localités.

II. REVENUS MARAICHERS ET ACCESSIBILITE ECONOMIQUE AUX AUTRES DENREES ALIMENTAIRES

Les revenus générés par le maraîchage ont pour objectif la satisfaction des besoins socioéconomiques du ménage. Parmi ceux-ci figurent les besoins alimentaires. Ainsi, d'importantes sommes y sont consacrées chez les ménages pratiquant le maraîchage.

La vente des produits du maraîchage peut améliorer de façon sensible les revenus du ménage, surtout à certaines périodes de l'année quand d'autres sources d'emploi ou de revenus sont limitées, ou bien quand les récoltes sont mauvaises à cause d'une catastrophe naturelle (inondation, infestation par les ravageurs, maladie chez les animaux ou dans la famille) (VERHEIJ E. et HENK W., 2008). En ce moment, le revenu du jardin potager peut être utilisé pour acheter des aliments que la famille ne peut pas produire. KANKONDE M. et TOLLENS E. F. (2001), ont fait la répartition des dépenses après la vente des produits maraîchers dans quatre centres maraîchers proches de Kinshasa à savoir Kimbanseke, Funa, Cecomaf et Bandal. Les résultats sont consignés dans le tableau suivant :

Tableau 5: répartition de l'utilisation des revenus maraîchers par zone de culture

Affectation

Kimbanseke

Funa

Cecomaf

Bandal

Total

Fréquence

%

Fréquence

%

Fréquence

%

Fréquence

%

Fréquence

%

Alimentation ménage

50

43,5

50

38,8

49

34

46

37

195

39

Soins de santé

27

23,5

38

29,5

50

34

36

29

141

28

Epargne

15

13

6

4,7

4

3

8

6

33

7

Scolarité

21

18,3

31

24

37

25

25

20

114

23

Paiement loyer

2

1,7

4

3,1

4

3

6

5

16

3

Autres

0

0

0

0

2

1

3

2

5

1

Total

129

100

129

100

146

10
0

124

100

504

100

Source : KANKONDE M, TOLLENS E (2001)

Une grande partie des revenus maraîchers est consacrée à l'alimentation du ménage.

BOGNINI.S, (2006) montre que, 96,8% des maraîchers à Réo et 92,30% de ceux de Goundi font recours à l'achat de vivres. Ces achats concernent les céréales notamment le mil et le sorgho. L'agriculture pluviale y étant pratiquée sur des terres appauvries et dégradées qui procurent en effet des récoltes insuffisantes. En moyenne, 46 885 FCFA issus du revenu du maraîchage à Goundi et 27 315 FCFA à Réo sont utilisés à des fins alimentaires.

Ces revenus assurent un épargne pour l'achat d'aliments en période difficile compte tenu de la faiblesse de la production agricole liée aux aléas climatiques et souvent les contraintes foncières. Dans ces conditions, les cultures maraîchères garantissent l'accessibilité économique des ménages aux denrées alimentaires qui est une des préoccupations de la FAO en vue de l'éradication de l'insécurité alimentaire. Mais, l'accroissement des revenus à lui seul ne garantit pas la sécurité alimentaire.

III. L'ACCESSIBILITE ECONOMIQUE ET LA DISPONIBILITE ALIMENTAIRE

L'approche économique selon laquelle une amélioration des revenus réduit la vulnérabilité des maraîchers a occulté certains paramètres de la sécurité alimentaire. Cette approche n'a pas pris en compte le lien existant entre l'accessibilité économique, l'accessibilité physique ou géographique et la composante disponibilité. En établissant le lien entre ces composantes de la sécurité alimentaire, les revenus ne mettent pas à l'abri les maraîchers après la vente des récoltes. En effet, les produits peuvent être souvent inaccessibles par manque de moyen de transport ou l'état défectueux des voies de communication. Ainsi, une zone peut être excédentaire en produits

agricoles (céréales) et ne pas pouvoir les écouler. Dans ces conditions, l'augmentation de la production maraîchère dans les zones déficitaires en céréales ne resoud pas le problème de l'insécurité alimentaire.

Selon AZOULAY G., DILLON J.C (1999), la disponibilité de denrées alimentaires en quantités adéquates au niveau national et régional n'est pas une condition suffisante pour garantir la satisfaction des besoins nutritionnels des ménages, car ceux-ci n'accèdent pas nécessairement aux biens disponibles. L'exemple des disponibilités alimentaires en Afrique confirme ce point de vue. Globalement, les disponibilités alimentaires de ce continent étaient suffisantes pour répondre au besoin énergétique de la population en 1986. Les bilans de cette période indiquaient, une disponibilité de 2 158 calories/habitant/jour alors que les besoins étaient estimés à 2 112 calories/habitant/jour. Mais l'accès économique ou physique n'est pas assuré. Ainsi, l'état nutritionnel ne peut s'améliorer par la seule croissance des revenus. Le niveau de revenus peut être également influencé par:

les systèmes de commercialisation;

des comportements sociaux spécifiques des ménages.

III.1. L'accessibilité économique et variation des prix des denrées alimentaires

L'augmentation des prix des denrées alimentaires peut limiter l'accès économique des ménages même si les revenus sont disponibles pour des raisons structurelles et conjoncturelles.

Les raisons conjoncturelles peuvent tenir par exemple d'une crise climatique comme les années de sécheresse dans les pays sahéliens en Afrique, de la dégradation des terres arables ou de la hausse des prix des intrants. En effet, les surfaces arables du globe sont en réduction depuis plusieurs dizaines d'années sous l'effet de plusieurs facteurs : urbanisation des meilleures terres (notamment en Asie), processus de désertification, impact du réchauffement climatique et érosion des terres arables fragiles causée par la déforestation ou l'abus des techniques d'intensification.

A l'échelle du globe, les pertes de surfaces arables sont estimées entre 70 000 et 140 000 km2 par
an (soit -à titre de comparaison entre 12 et 25% du territoire français). Ce chiffre est estimé à
plus de 100 000 km2 (SUNDQUIST. B, 2000). Les aléas climatiques peuvent réduire de façon

brusque l'offre de produits alimentaires et entrainer l'augmentation de leur demande sur le marché mondial et faisant ainsi exploser leurs prix. A la crise climatique, peuvent enfin s'ajouter les fluctuations du prix de pétrole. Le quasi quadruplement du prix du pétrole depuis 2003 (30$ à 146$ le baril) par exemple a augmenté considérablement le coût des fertilisants et des machines agricoles et leur transport.

Les causes conjoncturelles sont pour l'essentiel la baisse des stocks céréaliers qui gonfle leur prix sur le marché. A titre indicatif, selon de la FAO, les stocks céréaliers sont tombés à leurs plus bas niveaux depuis plus de vingt ans compte tenu du renforcement de la demande et du déficit de la production céréalière mondiale en 2007(FAO, 2008). Par rapport aux besoins d'utilisation, les stocks mondiaux de céréales au moment de la clôture des campagnes se terminant en 2008 devraient s'établir à tout juste 405 millions de tonnes, ce qui représente une perte de 22 millions de tonnes (5%) par rapport à leurs niveaux d'ouverture déjà réduits, et le volume le plus faible enregistré depuis 1982. Cette prévision est également inférieure de quelques 15 millions de tonnes au chiffre publié en décembre. Ainsi, le rapport entre les stocks céréaliers mondiaux et l'utilisation recule lui aussi de 1% par rapport au faible niveau de la campagne précédente, pour se chiffrer à 19,2% seulement.

Au niveau des pays, la chute du prix des matières premières exportées, ou une dévaluation importante, peut réduire brusquement la capacité d'importer ; ou encore d'un incident politique, si le pays se trouve soumis par les grandes puissances (qui sont aussi les grandes nations exportatrices de produits alimentaires) à un blocus ou à d'autres restrictions aux échanges. En outre, La libéralisation totale des prix des denrées alimentaires, faisant suite à une longue période de contrôle strict et de politiques de soutien, aboutit inévitablement à une flambée des prix. Selon la FAO, la crise alimentaire mondiale de 2007-2008 a pour origine une forte hausse du prix des denrées alimentaires de base, plongeant dans un état de crise quelques unes des régions les plus pauvres du monde et causant une instabilité politique et des émeutes dans plusieurs pays notamment en Afrique. Depuis le début de l'année 2007, les prix de bon nombre de matières premières agricoles et denrées alimentaires de base ont augmenté de façon significative sur les marchés internationaux. L'indice FAO des prix des produits alimentaires est passé de 139 à 219 entre février 2007 et février 2008, les plus fortes augmentations concernant les céréales (indice 152 à 281) et les produits laitiers (indice 176 à 278). Cette augmentation des prix rend de plus en

plus vulnérable les ménages en milieu rural qui ont pour principal recours aux aliments, l'achat sur les marchés.

Selon le PAM (2008), les dépenses alimentaires, qui représentaient près de 50 à 60 % du budget des ménages en juin 2007 à Ouagadougou et à Bobo Dioulasso, sont maintenant estimées à 75 % de leur budget. Pour faire face à la flambée des prix, les ménages pauvres réduisent la quantité et la qualité de leurs repas quotidiens.

III.2. L'accessibilité économique et autres paramètres

Des comportements socio-culturels peuvent limités les possibilités économiques offertes par les revenus maraîchers en matière de sécurité alimentaire. La priorité peut en effet être accordée aux dépenses liées aux cérémonies (funérailles) au détriment de celles liées à l'alimentation.

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