I.CULTURES MARAICHERES ET DISPONIBILITE ALIMENTAIRE
Les cultures maraîchères offrent aux
ménages une gamme variée de produits alimentaires entrant pour la
plupart dans la composition des sauces. Ces produits accompagnent
généralement les aliments de base qui varient des
céréales aux tubercules en fonction des régions. Par
exemple, dans les pays sahéliens, les aliments de base sont
constitués de céréales (mil, sorgho, maïs, riz, etc.)
tandis que dans les régions côtières les tubercules comme
le manioc, les ignames, et la banane plantain sont les aliments de base.
La contribution du maraîchage à la
disponibilité alimentaire est décrite par plusieurs auteurs
à travers l'approvisionnement des villes en légumes. Dans les
villes, l'activité est généralement
développée en zone périurbaine. Ainsi, la
part de jardins situés dans la ville et dans la périphérie
proche représente 80 % de l'approvisionnement en légumes-feuilles
pour Brazzaville ; 100 % pour Bangui ; 90 % pour Bissau et Antananarivo. Pour
les autres légumes, les zones rurales jouent un rôle important
dans l'approvisionnement, même pour un produit périssable comme la
tomate (MOUSTIER P. et DAVID O., 1997). La part des champs
villageois dans l'approvisionnement en tomate (zones situées à
plus de 50 kilomètres du centre urbain) est de 80 % à
Brazzaville, 60 % à Bangui et 50 % à Bissau. A Abidjan, la tomate
provient de zones rurales situées à plus d'une centaine de
kilomètres de la ville. Les légumes frais contribuent à
assurer l'autosuffisance et la sécurité alimentaire, à
améliorer la qualité nutritionnelle de l'alimentation des
consommateurs urbains et la santé physique et psychologique grâce
à l'intensification de l'activité physique (Agriculture
urbaine, 2001).
Une enquête menée sur 42 maraîchers dans
les périphéries de la Havane à Cuba a montré la
contribution du maraîchage à l'augmentation significative de la
quantité d'aliments (MOSKOW A., 1995). En moyenne, les
jardiniers nourrissent 5,8 membres de leur famille immédiate et
fournissent des aliments provenant de leur jardin à 9,5 personnes de la
famille élargie. En moyenne, les jardins répondent à 60%
des besoins en légumes des familles.
Le potentiel important des jardins familiaux a donné
lieu à de nombreux projets de jardinage parrainés par les
Organisations Non Gouvernementales (ONG), les gouvernements et les organismes
des Nations Unies. C'est le cas du projet Croix Rouge au Mali qui en
partenariat avec la Croix Rouge Suisse, a réduit les risques
d'insécurité alimentaire auxquels sont exposés les
ménages de Gouand, localité située au Nord du pays, en
combinant plusieurs activités : santé communautaire,
sécurité alimentaire et eau/assainissement. Au niveau de la
sécurité alimentaire, l'objectif a été de renforcer
les stocks de vivres et leur accessibilité grâce aux cultures
maraîchères. Ainsi, chaque groupement maraîcher
féminin sélectionné par sa vulnérabilité a
bénéficié d'outil de travail (daba, pioche, binette, etc.)
et les semences (laitue, betterave, chou, carotte, oignon et tomate). Le projet
a eu des effets positifs sur la sécurité alimentaire des
ménages concernés en améliorant la disponibilité en
légume dans la région où cette activité
n'était presque pas pratiquée (Fédération
Internationale des Sociétés de la Croix rouge et du Croissant
Rouge, 2008).
Selon le rapport sur la conférence internationale sur
l'agriculture biologique et la sécurité alimentaire FAO
(2007), le projet Pro Huerta a permis à 3,5 millions de
personnes pauvres en Argentine d'être auto-suffisants à 70% en
légumes frais grâce à la création de jardins
maraîchers biologiques au profit de familles vulnérables.
Cependant, certains auteurs ont montré que la
contribution des cultures maraîchères à la
sécurité alimentaire n'était pas évidente à
tous les niveaux. Ils l'ont prouvé à partir de la composition des
légumes, leur mode de consommation ainsi que les quantités et
variétés consommées.
Ainsi, pour ce qui est des variétés et
quantités consommées, une étude menée par
BOGNINI S. (2006) à Goundi et à Réo au
Burkina Faso a montré que seulement 5% des légumes étaient
consommés par les ménages des maraîchers. Les
quantités consommées étaient faibles et
réservées à certaines variétés (oignon,
tomate et chou). Les autres produits ne sont consommés que lorsqu'il y a
des invendus et dans ces conditions l'état nutritionnel des producteurs
ne peut s'améliorer par la seule croissance des disponibilités
des produits maraîchers. `
22 exploitants maraîchers à Niamakori,
localité située à proximité de Bamako
affirmaient selon ZALLE D. (1999), que l'activité
maraîchère était un moyen pour eux de gagner de
l'argent. Toute leur production était vendue sur les marchés
de cette ville. Les produits du jardin sont peu
utilisés dans le régime alimentaire local et
quand cela arrive c'est parce qu'ils étaient abîmés ou
s'étaient détériorés. Dans ces conditions,
l'amélioration de l'état nutritionnel par les produits
maraîchers devient secondaire.
II.CULTURES MARAICHERES ET APPORT NUTRITIONNEL II.1.
Cultures maraîchères et régime alimentaire
Les résultats sur la contribution des cultures
maraîchères à l'amélioration du régime
alimentaire sont présentés par certains auteurs sous forme
d'étude de cas ou d'analyse comparative.
Les stratégies de lutte contre
l'insécurité alimentaire des projets et programmes visent entre
autres pour l'objectif l'amélioration nutritionnelle. Ainsi, le
jardinage, par exemple, peut être une stratégie de diversification
alimentaire à des fins nutritionnelles, développé aux
niveaux des ménages. La contribution du maraîchage à
l'amélioration du régime alimentaire est souvent perçue
par certains auteurs sous l'angle de l'apport des produits maraîchers en
vitamine A. Des enquêtes nutritionnelles indiquent que la malnutrition
chez les enfants ainsi que plusieurs pathologies (maladies infectieuses,
parasitaires, etc.) sont très répandues et que la vitamine A est
un micronutriment essentiel au bon fonctionnement de l'organisme, et notamment
au système immunitaire. L'avitaminose A demeure un grave problème
dans les pays pauvres. Elle est sans doute liée à la faible
consommation d'aliments riches en vitamine A et en carotènes. Les signes
cliniques révélateurs de la carence en vitamine A incluent la
cécité nocturne, la tâche de Bitot et l'ulcération
de la cornée (FABER et al. 2002). Les
légumes sont des aliments complémentaires de choix et d'une
importance capitale pour renforcer la résistance de l'organisme aux
maladies. La consommation des légumes améliore grandement
l'alimentation car on trouve beaucoup d'éléments de croissance de
l'être humain tels que les vitamines, les sels minéraux et les
oligoéléments (KINKELA. S., 2001).
Ces facteurs font que les légumes soient indispensables
à la santé et à la conservation de l'espèce
humaine. Selon toujours, KINKELA. S., (2001)
les légumes se distinguent par un ou plusieurs constituants
utiles selon la partie comestible. Ainsi, les légumes fruits par leur
richesse en protéine, les légumes racines ou bulbes en hydrate de
carbone et les légumes feuilles en vitamines surtout C et les sels
minéraux (fer, calcium, magnésium soufre, etc.). Certains
légumes contiennent même des huiles étheriques
(céleri,
oignon, ail) qui stimulent l'appétit. L'augmentation de la
consommation des légumes est la meilleure façon
d'améliorer la qualité du régime alimentaire.
Selon DELISLEN. H et al (2003), le Bangladesh
offre un exemple convaincant de ce qui peut être accompli grâce
à la promotion des jardins familiaux pour la vitamine A. Un projet
pilote a d'abord permis de vérifier que moyennant un appui technique et
financier, il était possible de stimuler la production de fruits et de
légumes en toute saison et d'augmenter par ce biais les apports
nutritifs aux femmes et aux enfants.
La consommation de légumes par les enfants de
ménages ayant un jardin amélioré était de 60 %
supérieure à celle d'enfants de ménages ayant des jardins
traditionnels au Bangladesh (TALUKDER et al. 2000).
Le projet a depuis été étendu à l'échelle
nationale au Bangladesh et reproduit dans d'autres pays. Une approche
comparable a été adoptée en Inde pour promouvoir les
jardins familiaux, dans une région sujette aux sécheresses et
dont 77 % de la population avaient des apports de vitamine A insuffisants
(CHAKRAVARTY I., 2000). On a pu noter, dans la zone du projet,
une proportion accrue de ménages cultivant des légumes feuillus
vert foncé et d'autres végétaux sources de vitamine A, une
augmentation significative de la consommation de ces produits.
Leur contribution au régime alimentaire est
également décrite à travers des variables sanitaires.
Ainsi, dans cette même localité les signes cliniques de carence en
vitamine A a diminué trois fois moins de cécité nocturne
et deux fois moins de xérosis conjonctival.
Certains auteurs l'ont apprécié à travers
des études comparatives. En Tanzanie, un projet conjoint d'horticulture,
de promotion de séchoirs solaires et d'éducation nutritionnelle a
été mis en oeuvre sur une période de 7 ans. La zone
d'intervention a alors été comparée à une zone
témoin. La proportion de ménages produisant des fruits et
légumes sources de vitamine A était de 66 % dans la zone
d'intervention, contre 20 % dans la zone témoin (KIDALA et
al. 2000).
U n programm e de jardin fam iliaux en A friq e u S d a m on
ré ue les app de
vitam ines B6 et C d'enfant d fam ille ayant un jardin
étaient supérieur ceu d'enfants
dont les fam illes n'avaient pas de jardin (FABER et
al. 2002).
En outre, même si le jardinage avait peu d'effets sur
l'apport en énergie et en micronutriments des enfants, les apports de
riboflavine, de pyridoxine et de vitamine C des enfants de ménages avec
jardins
étaient significativement plus élevés que
ceux des ménages sans jardin, ce qui met en lumière les bienfaits
nutritionnels autres que l'apport accru de vitamine A (FABER et al.
2002).
Les cultures de plein champ fournissent la majeure partie de
l'énergie nécessaire aux ménages, tandis que le potager
complète le régime alimentaire avec des fruits et des
légumes riches en vitamines, des végétaux de base
énergétiques, des herbes aromatiques et condiments. Les jardins
familiaux contribuent à la sécurité alimentaire et
à la nutrition des ménages en leur offrant un accès direct
à des aliments variés pouvant être récoltés
et préparés pour les membres de la famille, souvent tous les
jours. Ils peuvent devenir la source principale de nourriture du ménage
durant les périodes difficiles (MARSH R,.1998).
CHADHA, M.L. et OLUOCH, M.O (2003) montrent
que l'accroissement de la production maraîchère renforce la
sécurité alimentaire des petits agriculteurs. Cette production
constitue une stratégie de complément alimentaire jouant un
rôle important dans la lutte contre les carences aiguës en
micronutriments notamment des femmes dans la mesure où les
légumes sont riches en micronutriments et des composantes majeures d'un
régime alimentaire sains.
Au Libéria, la guerre civile avait forcé des
milliers d'agriculteurs à émigrer vers Monrovia en quête de
sécurité et de nourriture. Les personnes déplacées
se sont installées chez des parents ou dans des camps en zone
périurbaine, mettant à rude épreuve les
disponibilités alimentaires et les services sociaux de la ville. A cause
de la surpopulation et du chômage, de nombreuses familles ne pouvaient se
nourrir correctement et les enfants sont dénutris.
Face à cette situation, la FAO a fourni à 2 500
familles d'agriculteurs, touchées par la guerre un soutien par la mise
en oeuvre d'un projet d'aide d'urgence au secteur agricole visant à
réduire la malnutrition chez les enfants par l'affectation de terrains
pour la production de cultures maraîchères. La production de
légumes frais et leur vente dans les marchés locaux ont
contribué à renforcer les disponibilités alimentaires de
Monrovia (FAO, 2007). Ces activités ont
entraîné une augmentation de la production de légumes, une
meilleure nutrition et une baisse sensible des cas de malnutrition dans les
camps de personnes déplacées.
NZOLAMESO M. B. (2007), montre qu'à
Kinshasa, les cultures maraîchères constituent une alternative
à l'insécurité alimentaire. Parmi les avantages de cette
culture, il met en évidence l'apport qualitatif des produits
maraîchers à la sécurité alimentaire en se
référant à la composition d'une bonne alimentation qui
contient une série d'éléments (les glucides, les
protéines ou protides, les vitamines et les sels
minéraux). Il fait une comparaison entre la valeur alimentaire et
nutritionnelle des différents légumes par 100g de matière
comestible. Les légumes concernés sont les légumes fruits
(gombo, aubergine), des légumes feuilles (amarante, baselle) et des
légumes racines (carotte). En termes de contribution à la
sécurité alimentaire, la filière maraîchère
s'illustre principalement par l'amarante qui représente, de tous les
légumes cultivés, le plus grand pourvoyeur en
éléments nutritifs. Ses feuilles représentent 60 à
70% du poids frais des pousses, riches en protéines (3,6- 4,6%) et en
vitamine C (64 mg/100g de matière comestibles). Du point de vue
nutritionnel, la filière maraîchère contribue
jusqu'à 1,3 Kcal et 8,1g des protéines par tête d'habitant.
Bien que relativement faible, elle constitue un complément nutritionnel
intéressant par rapport à la sécurité alimentaire.
Les approch es de diversificatio alim entaire, en am éliorant la
disponibilit et l'accessibilité d'alim ent sources ddivers nutrimen ts c
o ntrib uen l sécurité alim entaire (RUBAIHAYO E.B.,
2002), laquelle a aussi une dimension qualitativ et ne se lim ite pa
à la quantité de nourriture et répond aux besoins
énergétiqu e s .
Il est un fait que la disponibilité en quantité
et en qualité est assurée par l'approvisionnement permanent en
légumes produits localement et l'accessibilité de la population
à ceux-ci constituent des facteurs de contribution de la filière
maraîchère à la sécurité
alimentaire.
La composition des légumes a été
utilisée par ces auteurs pour justifier la contribution des produits
maraîchers à l'amélioration de l'état nutritionnel
des ménages. En plus, les produits maraîchers assurent une
disponibilité en aliments comme le soutien la sécurité
alimentaire. L'importance du rôle des légumes dans
l'amélioration du régime alimentaire explique l'intervention de
la FAO, et des autres programmes dans la promotion des cultures
maraîchères.
Cependant, d'autres auteurs ont, lors de leur analyse faire
ressortir des éléments de désaccords. Ces derniers se sont
plus fondés sur des indicateurs comme les motivations pour la culture
des légumes, les modes de consommation, les variétés, les
quantités consommées, etc.
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