6. Hypothèse opératoire
Il ne suffit pas, dans une étude scientifique, de bien
poser la question. Mais faut-il encore tenter d'y répondre. Pierrette
RONGERE définit l'hypothèse comme étant la proposition de
réponse aux questions que l'on pose à propos de l'objet de la
recherche, formulée en des termes tels que l'observation et l'analyse
puissent fournir une réponse (1).
La quête légitime d'égalité entre
les hommes et les femmes tout comme de l'autonomie de la femme a
enregistré certes des résultants positifs dans le domaine de
l'égalité des droits, comme en témoignent des nombreux
documents et actes déjà évoqués dans ce travail.
Mais nous pensons que l'approche genre dans la lutte contre la pauvreté
ne peut être atteinte que lorsque les différences entre les sexes
seront reconnues et considérées comme complémentaires et
que l'élément culturel du genre sera compris dans son contexte
spécifique.
Pour ce qui est de l'attitude des hommes à
l'égard du problème de l'autonomisation de la femme, il
semblerait qu'en principe les hommes qui exercent une profession à
carrière plane ayant peu d'impact salarial, de même que les
économiquement faibles sont dans leur grande majorité,
réticents, voire hostile à toute
(1) RONGERE, P., Méthodes des Sciences
sociales, Paris, Dalloz, 1971, p.20
évolution féminine véritable,
singulièrement celle de leurs propres femmes, car ils y voient souvent
une menace à leur autorité maritale et un défi à
l'ordre naturel. Cette catégorie d'hommes est donc pour le maintien du
statu quo et tiennent à considérer la femme que suivant sa
dimension biologique. Cependant, s'il advient que le rôle de la femme
n'est plus étroitement conditionné par des faits d'ordre
biologique, lorsqu' évoluent en même temps les aspects
démographiques et économiques qui dictaient impérativement
ce rôle, les hommes s'évertuent alors à définir
celui-ci sur le plan moral. Aussi, la justification du rôle de la femme
prend plus ou moins un aspect sacral. De là toute tentative tendant
à modifier ce rôle engendre un débat idéologique. Ce
qui d'ailleurs rend toute prise de position pour ou contre très
difficile.
L'autonomisation de la femme signifie l'accroissement de sa
force sociale, politique, économique et spirituelle, tant sur le plan
individuel que collectif, ainsi que l'élimination des obstacles qui
pénalisent la femme et l'empêchent d'être pleinement
intégrées dans les divers secteurs de la société.
Concrètement, cela signifie qu'il faut affronter les pratiques
discriminatoires qui excluent la femme dans des processus de prise des
décisions et du développement. Car, il ne peut y avoir dans notre
pays de véritable développement économique tant qu'il ne
sera pas suffisamment tenu compte d'abord du facteur humain, des ressources
humaines existantes. Autrement dit, toute politique économique
réaliste implique, en Afrique noire surtout, en même temps une
politique familiale en profondeur tout aussi réaliste, en ayant
présentes à l'esprit les possibilités réelles du
pays, les idées et les valeurs culturelles essentielles
spécifiques aussi bien qu'universelles. Or le mariage ainsi que la
famille qui en découle aliènent encore la dignité de la
femme. D'où la nécessité de réforme du droit
matrimonial et familiale dans notre pays.
L'autonomisation de la femme à travers le
microcrédit s'inscrit donc dans le cadre des programmes
d'amélioration de la condition de la femme, qui va du respect accru de
la part des hommes à la reconnaissance en tant que membres apportant une
contribution importante à la société ; d'une meilleure
santé familiale à une conscience accrue de la valeur de
l'éducation ; d'une plus grande estime de soi à un rôle
prédominant dans la réduction de la
pauvreté. Le microcrédit encourage les microprojets au niveau
local et induit des mutations à la base. Ces effets positifs et
multiplicateurs de l'autonomisation de la femme montrent que le
microcrédit doit être vigoureusement soutenu en faveur de la femme
lushoise en particulier et Congolaise en général.
Les bénéfices de l'autonomisation produits par
le microcrédit doivent aller de pair avec le besoin d'éducation
et de prise de conscience, en particulier au niveau des communautés
locales. L'éducation des femmes en particulier demeure l'instrument le
plus important dans la promotion de l'égalité entre les hommes et
les femmes et dans l'autonomisation des femmes en vue de contribuer pleinement
dans la lutte contre la pauvreté. Surtout lorsqu'on sait que les femmes
ont été éduquées de façon à croire
à tout moment que leur position de subordination par rapport aux hommes
est normale et naturelle, qu'elle procède de l'ordre social, voire
même divin. Une socialisation ainsi acceptée sans discussion
conduit la majorité des femmes congolaises en général et
lushoises en particulier à approuver leur subordination et à y
contribuer.
Même si certains néo- féministes
assimilent la situation de la femme à celle du colonisé, voire du
prolétaire, force nous est de considérer, à titre
provisoire tout au moins, la femme comme faisant partie d'une vaste
catégorie sociale aux contours encore non précisés, celle
des opprimés de la société contemporaine, qui pendant une
période relativement récente, mais en petit nombre cependant, se
voie progressivement accepter dans des secteurs de la vie jusque- là
exclusivement réservés à l'homme. Seule donc la
démarche qualitative de sa condition est à même de nous
faire toucher du doigt cette dernière et nous faire saisir la
portée des changements intervenus dans le processus de son
autonomisation et de la lutte contre la pauvreté. Voilà pourquoi
nous pensons que cette étude aidera les hommes et les femmes à se
dépouiller des coutumes rétrogrades et avilissantes afin de
s'engager résolument dans la lutte contre la pauvreté.
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