CHAPITRE 2: REVUE CRITIQUE DE LA LITTERATURE
Pour maîtriser notre sujet, nous avons consulté
aussi bien des ouvrages généraux, des mémoires que des
articles et rapports d'études. Nous présentons ci-dessous
l'analyse critique de quelques uns des documents exploités à
travers trois thèmes retenus.
1. De la crise de l'éducation et des recherches
de solutions
Coombs (1968) est un document de travail
présenté à la conférence internationale sur la
crise de l'éducation à Williemburg (Virginie, USA) en octobre
1967. L'ouvrage est le résultat d'une analyse systématique de
l'enseignement dans le monde à cette époque, en tant que corps
complexe ou système global. En procédant par l'observation des
statistiques scolaires et par l'analyse des évènements
d'actualité, l'auteur montre que la quasi majorité des
systèmes d'enseignement dans le monde traverse une crise qui prend
cependant des formes et une intensité variables d'un pays à
l'autre. Coombs trace les grandes lignes de la crise, indiquant les
particularités locales et nationales: elle se caractérise par
trois termes, mutation, adaptation, décalage. En effet, la cause
première de la crise est l'intensification de la demande liée
à la croissance de la demande sociale (aspirations individuelles des
parents et des enfants), à la prise de conscience par les gouvernants
que le développement de l'éducation est une condition
nécessaire du développement général et enfin
à l'essor démographique. Mais l'accroissement de la demande ne
serait pas responsable de la crise, sans une pénurie de moyens
liés à la résistance et à l'inertie aussi bien du
milieu social que du système d'enseignement lui-même. En effet
l'efficacité d'un système d'enseignement se vérifie
à l'adéquation qu'il permet entre le flux de sortie,
c'est-à-dire des diplômés et les besoins en main d'oeuvre
(en nombre et en qualification). Cette condition impose dans des
sociétés aussi mouvementées que les nôtres des
évolutions aussi rapides et parfois radicales. Se gardant de donner des
recettes universelles, Coombs indique cependant les grandes lignes d'une
stratégie pour transformer les systèmes d'enseignement. Les
objectifs prioritaires de la reforme sont au nombre de quatre: modernisation de
la gestion; modernisation et recyclage permanent des maîtres;
accroissement des moyens financiers, en recherchant de nouvelles sources de
financement et le développement de l'enseignement extra scolaire. Mais
de tels objectifs, conclut Coombs ne peuvent être envisagés
efficacement sans une coopération internationale. Coombs (1968) comporte
des idées révolutionnaires et son grand mérite est de
tirer sur la sonnette d'alarme tout en traçant de nouvelles pistes de
recherches en éducation.
Pour notre part, cet ouvrage est une référence
capitale en ce sens qu'il révèle toute la nécessité
de la diversification des sources de l'offre d'éducation afin de vaincre
la crise. Il nous aide donc à justifier notre choix de présenter
la contribution d'une ONG à l'accroissement de l'offre
éducative.
Un an après Coombs (1968), Freire (1969) aborde aussi
la question de la demande en éducation. Ici la démarche semble
plus singulière et le contexte assez particulier. Comme pour participer
à la résolution de la crise décrite par Coombs, l'auteur
expose les principes d'une méthode de «conscientisation» qu'il
expérimenta de1962 à1964 au Brésil, où il fut
chargé d'un vaste programme d'alphabétisation par le
ministère de l'éducation et le de la culture et qui toucha
près de deux millions d'hommes et de femmes analphabètes, puis au
Chili, de 1964 à1967. Il présente ses idées relatives
à l'alphabétisation, à l'éducation des adultes et
l'aspect politique de l'éducation. L'éducation se présente
comme un chemin qui mène à la liberté en deux
étapes. La première survient lorsque les gens deviennent
conscients de leur oppression et qu'ils travaillent à transformer leur
état. La deuxième amène un processus permanent d'action
culturelle qui favorise l'émancipation. Et dans la pratique, soutient
Freire (1969) le dialogue doit être le fondement de toute
pédagogie libératrice, depuis l'élaboration du projet
éducatif jusqu'à sa mise en oeuvre. L'auteur s'inscrit ainsi dans
une optique de lutte pour la libération des populations
opprimées. Sa pratique de l'alphabétisation l'amène
à comprendre et à expliquer la place primordiale de la
conscientisation comme préalable à toute action transformatrice.
Il s'efforce donc de préciser dans son ouvrage les attitudes mentales et
relationnelles qui obscurcissent ou qui éclairent la conscience
personnelle et collective. Il appuie sa réflexion sur l'analyse marxiste
des rapports de force entre les groupes humains et une éthique humaniste
de l'action humaine. La particularité des idées émises et
la profondeur des analyses font de Freire (1969) un ouvrage théorique
par excellence. Cet ouvrage s'adresse aux «leaders
révolutionnaires», c'est à dire à ceux qui
accompagnent les populations opprimées dans un processus de
conscientisation et de libération. Au-delà de leur
réalité historique et géographique, les analyses des
rapports humains et les principes d'action pédagogiques exposés
dans ce livre nous semblent transposables à toute action individuelle ou
collective visant le bien être de toute communauté humaine. C'est
en cela que l'ouvrage peut intéresser notre sujet qui traite de l'apport
d'une ONG à la promotion de l'éducation. L'aide que les ONG
apportent aux populations en difficultés doit se fonder sur des
relations humaines constructrices qui font prendre conscience aux
bénéficiaires de leurs capacités à surmonter leur
situation de manque. Par ailleurs le projet d'une éducation citoyenne
que
préconise Freire (1969) pourrait inspirer les actions de
l'AMA, organisation confessionnelle musulmane agissant dans un contexte
d'éducation laïque.
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