2. La situation problématique
Afin de nous faire une idée de l'ancrage de l'AMA dans
le domaine éducatif nous avons effectué une enquête
exploratoire auprès des structures de l'enseignement de base et de la
DSONG, pour mieux cerner la situation en rapport avec notre sujet. De ce
sondage, nous retenons qu'au regard des informations que les services
reçoivent, l'AMA pourrait contribuer grandement à l'accroissement
de l'offre éducative. Seulement les actions entreprises ne sont pas
inscrites de façon formelle dans un cadre de collaboration avec le MEBA
et les interventions de l'ONG ne résultent pas d'une planification
connue de l'administration éducative. Par voie de conséquence,
les données disponibles ne permettent pas une exploitation
adéquate en matière de recherche.
A la DSONG, quand bien même l'AMA est reconnue avoir
signé la convention avec l'Etat, aucun rapport la concernant n'est
enregistré pour les cinq dernières années. Par
conséquent elle n'est pas prise en compte dans les dernières
évaluations des ONG. Dans une telle situation de méconnaissance
de l'apport réel d'une organisation apparemment importante comme l'AMA,
les données statistiques combien utiles en matière
d'éducation pourraient non seulement être faussées mais
aussi, des initiatives salutaires dans l'atteinte des objectifs de
l'éducation de base risquent d'être étouffées sans
avoir été capitalisées.
Au regard de la situation telle que décrite, nous
pensons qu'il sied pour nous de chercher à comprendre l'apport des
actions de l'AMA à la réalisation des objectifs nationaux en
matière d'éducation. Autrement, Comment se traduit
concrètement la contribution de l'AMA à l'accroissement de
l'offre éducative de base? Aussi, dans les lignes qui suivent essayerons
nous de justifier notre choix avant de proposer un but et des objectifs
à notre recherche.
3. Justification du choix du sujet
Dans le choix de notre sujet d'étude, nous avons
été guidé par un certain nombre de raisons que nous
ébauchons dans les lignes qui suivent.
D'abord en tant qu'enseignant, il nous est arrivé de
collaborer avec des ONG dans le cadre de l'accès à
l'éducation ou dans la formation continue des enseignants. En quinze ans
de service, les ONG que nous avons pu rencontrer étaient
généralement soit d'origine occidentale soit financées par
des organisations européennes ou américaines. Et si l'on se situe
sous l'angle communautaire, la plupart étaient d'obédience ou
d'inspiration chrétienne. Ce constat a suscité en nous des
interrogations quant à la participation des organisations musulmanes au
fonctionnement du système éducatif national. En effet dans un
pays où plus de 60.5% de la population s'identifie à l'islam
(Rapport général 2008 du conseil national des statistiques, p34),
on s'attendrait à ce que les ONG musulmanes soient au premier rang dans
l'accompagnement de l'Etat dans son combat contre l'analphabétisme. Mais
visiblement la réalité est tout autre. Méme le
modèle de l'école musulmane, la medersa qui mobilise un nombre
impressionnant d'enfants musulmans du pays ne donne pas de garantie, ni dans
l'assurance d'une scolarité normale aux enfants ni dans
l'intégration socio économique des sortants de cette
école. C'est au coeur de nos réflexions sur cette situation qui
n'aide pas à faciliter l'atteinte de l'objectif «éducation
pour tous» (EPT) que nous avons rencontré en 2000 des enseignantes
servant dans des écoles de l'AMA. Pour la première fois nous
apprîmes qu'une organisation musulmane gère des écoles
classiques qui se conforment aux programmes du système officiel et
mieux, une de ces écoles au sanmatenga venait d'obtenir un prix
d'excellence destiné aux meilleures écoles de l'année.
Nous nous sommes donc dit que l'expérience de l'AMA pourrait servir
d'exemples aux autres organisations musulmanes quant à leur implication
dans l'accroissement de l'offre éducative.
Par la suite, nous découvrirons que l'agence des
musulmans d'Afrique est l'une des plus grandes ONG du monde musulman
exclusivement consacrés à l'Afrique. Créée pour
venir en aide aux populations pauvres de l'Afrique, l'AMA est non seulement
engagée dans plusieurs régions d'Afrique mais aussi elle
s'implique de façon substantielle au développement
socio-économique du Burkina Faso.
Un autre fait qui milite en faveur de notre choix de ce sujet
est la situation de suspicion que vivent certaines organisations musulmanes
dans un contexte international de lutte contre le terrorisme. En effet, depuis
l'attentat du 11 septembre 2001, nombreuses sont les associations musulmanes
qui ont été accusées à tord ou à raison de
soutenir le terrorisme
et sont combattues comme tel. C'est du reste ce que semble
traduire Troudi1 (2007, p173) en ces termes: «de nombreuses
associations musulmanes ont été inscrites sur une liste noire
(...) sans leur laisser véritablement la possibilité de se
défendre». Cette situation a engendré des
hésitations et de la méfiance au sein des ONG Arabo-musulmanes
quant à leur participation au développement. Cette recherche
pourrait contribuer à faire connaître l'action positive des
organisations musulmanes qui interviennent conformément aux normes
officielles de l'humanitaire. L'un des avantages que l'on pourrait en tirer est
d'éviter que les luttes idéologiques et/ou politiques ne privent
notre pays des opportunités de financement, surtout lorsqu'il s'agit de
promouvoir l'éducation. Aussi, face aux difficultés de l'Etat
à assurer à lui seul le projet éducatif, et la
nécessité de diversifier les sources de l'offre éducative,
nous avons voulu examiner à travers l'AMA les possibilités que
peuvent offrir les ONG musulmanes dans le financement de l'éducation.
Enfin, notre choix, en méme temps qu'il nous permet de
répondre à l'obligation institutionnelle de produire un
mémoire de fin de formation pourrait contribuer à susciter de
nouvelles recherches sur l'éducation musulmane dans un contexte
où la medersa traîne à s'adapter au système
national.
Suite à la problématique qui nous a permis de
situer le contexte, décrire la situation problématique et tenter
une justification du choix du sujet, nous bouclons ce chapitre en essayant de
traduire dans les lignes qui suivent le but et les objectifs de notre
recherche.
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