2.2.3. Données recueillies auprès des
élèves
Avec les élèves nous avons cherché
à comprendre la perception qu'ils ont de l'école a laquelle ils
appartiennent, leurs rapports avec les enseignants et l'appréciation
qu'ils font de l'offre d'éducation de l'AMA.
Les élèves interrogés sont tous du CM2.
Ils justifient le choix de l'école de l'AMA avec les mêmes raisons
avancées par les parents, à savoir que c'est une école
musulmane dont les frais de scolarité ne sont pas élevés,
la proximité de l'école avec la famille de l'élève,
ou son statut d'orphelin qui justifie sa prise en charge par le centre. Les
élèves des écoles de centres connaissent mieux l'ONG que
les élèves hors centres. Pendant que les premiers affirment que
c'est une association du Koweït qui aide les pauvres, les seconds
évoquent seulement l'origine arabe du don.
Pour l'ouverture de leurs écoles aux enfants des autres
confessions religieuses, les élèves participants ont reconnu de
façon unanime que tout enfant peut s'y inscrire. Au cours d'une
séance de focus groupe, nous avons enregistré des échanges
entre les participants qui en disent long sur leur connaissance de la
situation:
« -il y a des chrétiens parmi les
maîtres et puis il y a des élèves chrétiens; -c'est
vrai mais ils ne sont pas nombreux; -c'est parce que les chrétiens ont
leur école; -non! Ils croient que c'est medersa...».
Deux élèves au nombre des participants
étaient de confessions autres que musulmane.
Vis-à-vis des maîtres les élèves
ont une bonne appréciation. Ils ne sont absents que quand ils sont
malades. Dans ce cas il arrive qu'on leur envoie un autre maître ou alors
le directeur les retient par des exercices.El5 affirme:
«les maîtres sont gentils, quand un maître
est malade ,le directeur vient nous donner des exercices ,si ça dur, on
envoie un autre maître.»
Quant aux parents, les élèves s'accordent sur le
fait qu'ils sont rares à l'école. Pour ceux qui viennent souvent,
ils s'entretiennent avec le directeur et les enfants supposent que c'est pour
payer les frais de scolarité ou pour voir les résultats de leurs
enfants.
2.2.4. Appréciations de l'offre
d'éducation de l'AMA difficultés évoquées par les
acteurs
Dans le souci d'éviter les redites, nous
procédons dans cette sous- section à une analyse
synthétique des appréciations de l'offre par les acteurs d'une
part et d'autre part à celle des difficultés
évoquées par l'ensemble des participants.
2.2.4.1. Appréciation de l'offre éducative
de l'AMA
Dans l'ensemble la contribution de l'AMA est positivement
appréciée. C'est surtout l'originalité de l'initiative et
l'importance des investissements qui sont saluées par les
participants.
Ainsi pour les enseignants, au regard du nombre important
d'élèves qui bénéficient de la prise en charge ou
de la scolarité à moindre coüt l'AMA participe à
l'accroissement de l'offre éducative. Ils soutiennent que visiblement
elle peut mieux faire, vu l'expérience acquise et les importants moyens
qu'elle mobilise. Ces écoles selon certains enseignants arabophones sont
ce qu'il y a de mieux pour le musulman au Burkina. C'est du reste ce que
traduit Ens13 en ces termes:
«je pense que celui qui veut une éducation
islamique pour son enfant et le voir s'intégrer harmonieusement dans la
société burkinabé qui a le français comme langue de
l'administration et des affaires, l'école de l'AMA est mieux
indiquée».
Les encadreurs pédagogiques et les responsables du MEBA
trouvent que l'oeuvre est salutaire, et fait partie des initiatives
communautaires du genre à accélérer l'atteinte des
objectifs de l'éducation au niveau provincial et même national.
Ils apportent pour preuve: les facilités que le système offre aux
démunis d'être pris en charge ou d'accéder à la
scolarisation à moindre coût; les possibilités
d'accélérer la scolarisation dans certains milieux musulmans
réfractaires à l'école française.
L'initiative est particulièrement
appréciée des premiers bénéficiaires des
écoles qui sont les parents d'élèves et les
élèves qui sont majoritairement musulmans. Et par
conséquent y trouvent la solution à deux préoccupations:
la quête de la connaissance scientifique et celle du savoir religieux. A
ce propos le Pe 4 affirme:
«pourquoi je vais chercher une autre école
alors que ici, mes enfants apprennent le français, l'arabe et la
religion. On souhaite seulement que l'AMA continue de nous aider et que les
maîtres continuent de travailler bien comme toujours».
Cette satisfaction que l'on note chez pratiquement tous les
participants devient relative lorsqu'on la soumet aux difficultés
rencontrées par les acteurs.
2.2.4.2. Les difficultés évoquées
par les participants
Les responsables du bureau national reconnaissent
malgré eux qu'ils rencontrent des difficultés: leurs missions ne
sont pas toujours bien définies, ce qui engendre très souvent un
déficit de communication entre les premiers responsables et le personnel
local. Souvent l'exécution des projets ne tient pas compte du bon
fonctionnement de l'administration. L'absence au niveau national d'une instance
de concertation et d'échange d'expériences avec les acteurs du
terrain compromet la bonne marche des activités, surtout en ce qui est
de l'enseignement.
Pour les écoles, l'une des grandes difficultés
est la prise en charge financière des enseignants. Cette question est
devenue tellement préoccupante pour les responsables que l'idée
de l'école elle-même est devenue problématique pour
certains.R1 nous donne sa lecture de la situation en ces termes:
«l'idée de départ était que
chaque école puisse s'auto gérer après cinq ans de
fonctionnement tout en continuant de recevoir une petite subvention de l'AMA
pour compléter le salaire des enseignants. Dans la pratique on constate
que les communautés locales ne sont pas en mesure de prendre en charge
les écoles. Aujourd'hui l'essentiel des ressources des écoles est
constitué de la subvention de l'AMA qui ne suffit pas à prendre
en charge correctement les enseignants. Pourtant par principe, l'ONG
prévoit pour l'ensemble de ses investissements d'ériger les
infrastructures et non de participer à leur fonctionnement. Mais pour
moi le cas des écoles doit être considérer autrement,
puisse que l'ONG a décidé d'en assurer elle même la
gestion. Sinon, certaines personnes tentent de nous convaincre qu'il faut
abandonner la gestion des écoles. Je ne sais pas, c'est peut être
la solution".
Pour les directeurs d'écoles, le problème majeur
est le manque de qualification qui handicape le suivi conseil des enseignants.
Ils sont souvent impuissants face aux questions pédagogiques des
enseignants. En témoigne cette affirmation de Dir8:
«je reconnais que nous ne sommes pas suffisamment
formés pour répondre aux questions pédagogiques. C'est
l'expérience de la vie et la bonne collaboration avec les
collègues qui nous aident beaucoup".
Même si les cas de conflits sont rares, certains
directeurs des écoles de centres et des enseignants disent avoir des
difficultés de collaboration avec les surveillants chargés de
l'encadrement des orphelins qui ne sont pas des
professionnels.Dir4 dépeint la situation en ces termes:
«ce n'est pas facile de travailler avec ces gens
là, certains agissent comme si l'école était une
activité secondaire dans le centre. Il arrive par exemple que d'autres
activités soient programmées sans tenir compte des
cours.»
Le départ des enseignants expérimentés,
le traitement salarial et l'absence de communication avec les responsables du
bureau central constituent d'autres difficultés relevées
auprès des directeurs et des enseignants.
Pour les directeurs de centres les difficultés
évoquées se situent à deux niveaux. Avec leur
hiérarchie, certains pensent que le montant alloué mensuellement
pour la prise en charge et le fonctionnement des services ne tient pas toujours
compte du coût des denrées qui diffère d'une
localité à l'autre. On observe aussi que les procédures
sont souvent longues dans le financement des activités de sorte que le
directeur ne puisse pas toujours prévoir à l'avance. Avec les
autres collaborateurs, c'est l'attitude de certains parents qui ne facilite pas
le suivi des pensionnaires des centres.Dc1 en donne des explications:
«avec les parents et tuteurs des enfants on a souvent
l'impression qu'ils veulent se débarrasser des enfants en les confiant
aux centres. Certains enfants dès leur admission au centre ne
reçoivent presque plus de visite. Pour moi un centre ne peut pas
remplacer une famille, nous devons travailler ensemble pour la bonne
éducation des enfants».
Cette section nous a permis d'examiné les propos des
participants afin d'en tirer les substances conformément à nos
objectifs de départ qui prévoyaient :
- de découvrir de façon concrète les
actions que mène l'AMA sur le terrain au profit de l'éducation de
base;
- d'analyser les actions des acteurs de terrain à
travers les fonctionnement des écoles primaires construites et
gérées par l'ONG
- de déterminer les difficultés que vivent les
acteurs sur le terrain en vue d'envisager des solutions.
-contribuer à une meilleure orientation de l'apport
des ONG musulmanes à l'éducation au Burkina Faso.
Avant d'envisager des solutions, quelle interprétation
peut-on faire de ces résultats d'analyse?
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