CONCLUSION
Le choix de notre sujet s'est effectué de
manière empirique. Notre présence sur le territoire
réunionnais nous a rapidement orienté vers cette
thématique parce que la défiscalisation a eu une telle ampleur
que son impact est directement observable sur le territoire. De plus,
l'étude du marché de l'habitat qu'il nous fallait réaliser
dans le cadre de notre stage de fin d`étude, effectué { la SICA
Habitat Réunion129, nécessitait de prendre en compte
l'impact d'un tel dispositif sur le marché.
En approfondissant nos connaissances sur le sujet, il est
rapidement apparu que la défiscalisation issue de la loi Girardin
était vivement critiquée par les acteurs du logement. Il semblait
en effet qu'il y ait eu de nombreuses dérives { ce dispositif et que les
réponses apportées aux besoins en logement n'étaient pas
satisfaisantes.
Notre investigation sur le sujet nous a rapidement conduit
à prendre connaissance de la réorientation du système en
faveur du logement social. Ce nouveau dispositif est inédit et entraine
de nombreuses interrogations notamment concernant son fonctionnement et son
efficacité. En effet, en découvrant le contexte de l'ile il est
très vite apparu que les besoins en logements sociaux étaient
relativement importants. L'enjeu de la réorientation du dispositif de
défiscalisation s'est donc révélé être
primordial.
Petit à petit, notre sujet s'est construit autour de la
question de la défiscalisation et de sa manière de
répondre aux besoins des populations les plus modestes, celles
concernées par le logement social et celles concernées par le
logement dit intermédiaire. Nous souhaitions montrer en quoi la
défiscalisation ne permettait pas de répondre de manière
satisfaisante aux besoins en logements de ce public là.
Nous souhaitions surtout mettre en avant la question de la
défiscalisation du logement social. Ce dispositif a été
mis en place afin de relancer la production de cette catégorie de
logement. Il repose sur le principe d'encourager des personnes physiques
129 La SICA Habitat Réunion est une Société
d'Intérêt Collectif Agricole qui est un opérateur
agrée en matière d'amélioration et qui réalise la
maitrise d'oeuvre de LES. Elle est affiliée au réseau national
« Habitat et Développement ».
ou des sociétés { investir dans le logement
social afin de bénéficier d'une réduction d'impôt.
Il s'agissait pour nous d'interroger la pertinence de ce nouveau dispositif
comme levier à la production de logements locatifs sociaux.
Pour mener à bien notre analyse nous avons donc
procédé en trois parties.
Dans la première nous tenions { rappeler le contexte
des politiques de l'habitat et du logement { la Réunion. Il s'agissait
pour nous de mettre en avant de quelle manière s'étaient
construites ces politiques. Nous voulions montrer quelles sont leurs
spécificités étant donné qu'elles diffèrent
légèrement de celles existantes en métropole puisque le
contexte même de la demande y est sensiblement différent. Il est
apparu que ces politiques répondent encore de manière
insuffisante aux besoins et que les enjeux pour les années à
venir sont importants. Cela nous a permis de mettre en avant la place
qu'avaient eue dans ce contexte les premiers dispositifs de
défiscalisation. Cela nous a surtout permis de mettre en avant le fait
que la défiscalisation des investissements locatifs ne peut être
considéré comme une politique de l'habitat { part entière
mais qu'elle repose sur de nombreux autres enjeux.
En seconde partie, nous sommes revenus sur le contexte des
années 2000 qui ont vu le succès du dispositif de
défiscalisation Girardin et la chute de la production de logements
locatif sociaux. Nous avons montré en quoi la défiscalisation
Girardin n'avait pas permis de répondre de manière satisfaisante
aux besoins des catégories intermédiaires. Nous avions
également expliqué tout ce qui avait conduit à la faible
production de logements sociaux pendant ces années là. Enfin nous
avons pu mener une réflexion sur l'offre locative idéale qui
favoriserait le logement social et réadapterait les dispositifs
destinés aux catégories intermédiaires. L'offre en
logements locatifs sociaux est en effet loin d'être suffisante et les
catégories de logements destinés aux catégories
intermédiaires, qu'il est pourtant important de développer,
offrent des niveaux de loyers trop élevés.
Enfin, la dernière partie était consacrée
au dispositif de défiscalisation en faveur du logement social. Nous
avions souhaité expliqué clairement la manière dont
fonctionnait ce dispositif parce qu'il est totalement inédit et qu'il
modifie les paramètres habituels de montages d'opérations de
logements locatif sociaux. Cette partie nous a permis de mettre en avant le
fait qu' effectivement il semble d'ores et déj{ que grâce {
l'utilisation conjointe de la défiscalisation mais
aussi des opérations en VEFA la production soit relancée. Pour
autant, ce dispositif pose de nombreuses questions. Il coûte plus chez {
l'Etat, ne permet pas de produire davantage de LLTS alors que les besoins de la
population s'orientent davantage vers ce type de logements. Il s'agit
également d'un dispositif relativement complexe { mettre en oeuvre et
constitutif des fameuses niches fiscales contre lesquelles le gouvernement
entend bien lutter pour limiter le déficit public.
Les constats établis tout au long de ce travail nous
permettent de confirmer notre hypothèse de départ, à
savoir que la défiscalisation ne permet pas de répondre de
manière satisfaisante aux besoins en logement de la population
réunionnaise.
Toutefois, il existe plusieurs limites à notre travail qui
pourraient conduire le lecteur à douter de nos conclusions.
La première limite tient évidemment du fait que
le dispositif de défiscalisation à l'heure o ù nous
écrivons est relativement récent. Il semble donc relativement
difficiles de mesurer les effets de ce dispositif même si nous avons
tenté ici de justifier toutes nos constatations. De plus, le fait que
les décrets soient parus bien plus tard que la LODEOM écourte
davantage le recul que nous pouvons avoir sur le bon fonctionnement du
dispositif.
Autre limite, il s'agissait de la difficulté que
représentait pour nous la compréhension même de ce
dispositif. Si les dispositifs de défiscalisation privés
s'appréhendent facilement, c'est une toute autre histoire pour les
dispositifs de défiscalisation du logement social. Sans étude
relative à ce sujet il nous aura fallu comprendre ce dispositif
uniquement via la parole d'acteurs souvent spécialistes, de la
fiscalité et bien plus tard par des circulaires et décrets du
gouvernement que nous avons pu nous procurer. Il revient à des
spécialistes de la fiscalité d'être en mesure de comprendre
et d'appréhender ce type de dispositif et non à des urbanistes.
Malgré cela, nous avons tenté de nous approprier le sujet au
mieux et avons essayé de rendre ce dispositif le plus
compréhensible possible pour notre lecteur.
Enfin, la dernière limite à ce présent
mémoire peut provenir du fait qu'au regard de notre analyse du
dispositif Girardin il peut sembler que notre travail semble relativement
convenu et n'apporte pas réellement d'éléments nouveaux
par rapport { ce
que certaines études ont déjà
montré. Néanmoins, ce qui enrichit notre travail c'est d'avoir
réfléchi plus largement sur l'offre locative pour les populations
sociales et intermédiaire en étudiant les conséquences de
la défiscalisation et en donnant des perspectives pour améliorer
la production de cette offre.
En dépit des limites évidentes de notre travail,
il nous a semblé relativement intéressant de choisir un sujet, la
défiscalisation, peu traité dans le domaine de l'urbanisme et de
l'aménagement. Comme nous l'avons énoncé en introduction,
il s'agit d'un dispositif qui va { l'encontre d'une politique interventionniste
et régulatrice de l'Etat. C'est en cela que nous avons souhaité
nous poser des questions sur l'offre produite, et que nous avons porté
autant d'intérêt { la question du logement social. Il est tout {
fait inédit de faire reposer la réalisation d'opérations
de logements locatifs sociaux sur des équivalents subventions provenant
d'investisseurs privés.
A ce titre, si le dispositif de défiscalisation du
logement social persiste il serait relativement intéressant de mener
à bien une étude sur son impact réel en ayant un recul
suffisant que nous n'avons pas eu ici. Cette étude pourrait être
élargie { l'ensemble des territoires d'outre-mer .
Concernant la défiscalisation privée, bien
entendu nous ne pouvons que souhaiter que de véritables études
soient réalisées sur son impact130 que ce soit
à la fois en outre mer mais également en métropole. Il
s'agirait de voir quelles sont les logiques qui sous tendent ce nouveau
régime de production de logement, quelles sont les conséquences
en terme d'offre et de demande, mais aussi quelles sont les conséquences
territoriales du développement massif de programmes immobiliers sans
contrôle des collectivités.
Toutefois, comme nous l'avons évoqué par
ailleurs la défiscalisation pose des questions plus larges. Nous avons
vu en effet à quel point l'économie de l'ile est sensible aux
fluctuations du BTP. L'importance donnée { la défiscalisation
comme soutien à l'économie locale est évidente. Cela a
probablement conduit l'Etat a poursuivre la mise en oeuvre de ces dispositifs
en dépit des effets pervers constatés.
130 Un étude de Vergriete est en cours, cf :
VERGRIETE, Les mécanismes de la production du logement à la
Réunion, non publié.
Nous nous sommes également interrogés sur la
légitimité de ce type de dispositif dans le contexte actuel de
lutte contre les déficits publics. Actuellement, on nous parle de
raboter les niches fiscales, notamment la défiscalisation Scellier et
certains investissements outre mer. Quid de la défiscalisation du
logement social ? Est-il légitime de faire perdurer un système
qui coûte plus cher { l'Etat ? D'ici septembre 2011 le projet de «
rigueur budgétaire » devrait voir le jour et conditionnera la loi
de finance pour 2012. Qu'adviendra-t-il des dispositifs de
défiscalisation en outre mer ? La question reste entière.
Le sujet que nous avons choisi renvoie donc à de
grandes interrogations sur le présent mais aussi sur l'avenir, et sur la
manière dont on choisira de financer le logement des populations
modestes de la Réunion.
Il nous semble évident que ces choix devront s'inscrire
dans une démarche plus large qui visera à mener une
réflexion entre tous les acteurs et collectivités
concernées sur la manière d'aménager au mieux la
Réunion de demain. Il conviendra également d'aboutir { la
production d'une offre en logement qui réponde quantitativement,
qualitativement et économiquement aux besoins de la population.
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