I.1.6- Les forces armées comme l'outil de
l'humanitaire
La mission colonisatrice s'est accompagnée du lot de
bienfaits de la science, de la médecine qui ont amélioré
l'état sanitaire, l'espérance de vie et le potentiel de travail
des populations africaines d'après Elie Mvié Meka (2000). Ce fut
l'oeuvre des médecins militaires français à l'instar
d'Eugène Jamot qui lutta contre toutes les épidémies
(maladie du sommeil, peste, lèpre...). Toujours à l'actif de
l'humanitaire, la force d'assistance humanitaire militaire d'intervention
rapide s'est déployée sur de nombreux fronts en Afrique. A la
demande des Etats, elle fournissait les moyens de transport, des réseaux
de communication, des travaux de génie, des vivres, des tentes du
matériel de couchage, des aides médicales, une main d'oeuvre
abondante et efficace (Mvié Meka 2000 : 22-23).
Avec la complexification des relations internationales, cette
dimension humanitaire des forces armées prend de plus en plus de
l'importance dans leurs différents modules de formation. C'est sur cette
spécialisation que s'est ouvert le Recamp V au Cameroun, à la
suite d'une longue coopération entre la France et ses ex-colonies.
I.1.7- Les doctrines d'emploi des forces armées
actuellement en vigueur
Dans toutes les doctrines d'emploi actuellement en vigueur, on
distingue principalement quatre grands types d'emploi des forces: la
dissuasion, le combat aéroterrestre, la diplomatie coercitive et les
opérations en faveur de la paix (Caplow et Vennesson 2000 : 164).
· La dissuasion nucléaire et
conventionnelle
Dissuader c'est faire que l'adversaire s'abstienne d'agir car
ses chances de succès sont trop aléatoires et/ou d'un coup
disproportionnelles aux gains escomptés. Il s'agit d'une
stratégie de non emploi des forces et ce trait est encore plus
marqué avec la dissuasion nucléaire. Ici l'emploi des forces est
virtuel. Tel est le cas de la doctrine de dissuasion nucléaire
française formulée au cours des années 1960 et qui est
reprise en 1997 et identifiée comme l'une des principales fonctions
stratégiques. (Caplow et Vennesson 2000 : 164-165).
· Le combat
aéroterrestre
C'est une stratégie qui repose sur un emploi
véritable de la force au cours d'un combat aéroterrestre. Il
s'agit de détruire la plus grande part des capacités militaires
de l'adversaire. Ici, les menaces, la diplomatie et les efforts de persuasion
destinés à transformer les préférences et les
politiques de l'adversaire n'ont pas de place. Après une
définition des rôles et des phases, place est laissée
à la bataille. Toutefois, cette conception de l'usage de la force ne
signifie pas nécessairement la guerre totale ou la reddition sans
condition (Caplow et Vennesson 2000 : 165-167).
· La diplomatie coercitive
La diplomatie coercitive consiste en une menace et/ou un
emploi volontairement limité et gradué de la puissance militaire
afin de persuader un adversaire de mettre un terme à une action en
cours, de revenir au statu quo ante par rapport à une action
déjà accomplie ou d'initier une action qu'il juge
indésirable. Les termes et expressions «coercition»,
«coercition stratégique», «stratégie de persuasion
», « stratégie de chantage », «stratégie de
contrainte », «diplomatie de la canonnière» sont souvent
utilisés de manière interchangeable pour désigner cette
diplomatie de la violence qui se sert de la force armée pour
«exploiter les peurs et les désirs de l'ennemi». Au total,
«la diplomatie coercitive» ou «la diplomatie de la violence
» cherche à persuader un adversaire par la menace de la violence,
mais également par un usage limité et réversible de
celleci. Il s'agit de « [...] mener une action graduée visant
à faire comprendre à l'adversaire, par des interventions de plus
en plus contraignantes, la détermination de la force » (Caplow et
Vennesson 2000 : 167-169).
· Les opérations en faveur de la
paix
A partir de 1995, les officiers français vont
établir une doctrine concernant les opérations de la paix sous
l'égide de l'organisation des Nations Unies. Les français
envisageront trois types d'opérations différentes :
l'opération de maintien de la paix (peace keeping), l'opération
d'imposition de la paix (peace enforcement) et l'opération de
restauration de la paix (peace building).
L'opération de maintien de la paix est inscrite dans le
cadre des dispositions du chapitre VI de la Charte des Nations Unies portant
sur la Sécurité Collective. Il s'agit de maintenir la paix avec
le consentement des parties en présence, après cessation des
hostilités. Le déploiement de la force permet de contrôler
le processus des règlements du conflit.
L'opération d'imposition de la paix est fondée
sur l'article VII de la Charte. Il s'agit de s'opposer par la force à un
agresseur identifié. Il s'agit de conduire une guerre, comme ce fut le
cas dans le golfe Arabo persique de 1990-
1991, en Somalie en 1993 par l'Opération américaine
« Retore Hope », en Cote d'Ivoire par l'Opération «
Licorne » dirigée par la France.
L'opération de restauration de la paix consiste
à intervenir dans le cadre du chapitre VII pour favoriser le retour
à la paix dans un pays en état de guerre civile où la
sécurité des populations est gravement menacée, mais
où aucun agresseur n'est désigné (Opération
Turquoise au Rwanda) (Caplow et Vennesson 2000 : 169-170).
En fin de compte, les théoriciens de la militarisation
de la société présentent les forces armées
tantôt comme un instrument de grandeur, de protection des
intérêts, des conquêtes et de contrôle de l'ordre, ou
encore comme un instrument diplomatique et de l'humanitaire ; et d'autre part
comme un appareil de dissuasion, de combat, de répression et de maintien
de la paix.
Ces différents cadres théoriques sont apparus
utiles non seulement parce qu'ils précisent le rôle naturel des
armées dans le monde partant des systèmes autoritaires aux
systèmes démocratiques, mais aussi dans la mesure où ils
conceptualisent les forces armées comme un instrument aux mains du
gouvernement ; un gouvernement dirigé par les autorités en
quête de modernité, de développement et de
sécurité. En somme, ces théories posent le bras
armé de l'Etat comme le garant de la grandeur, du respect de la loi, des
institutions républicaines et de l'intégrité nationale.
Malgré leur utilité heuristique, les
théories de la militarisation des sociétés n'ont pas
encore pu éclaircir, complètement, les raisons de la persistance
de ce phénomène dans les systèmes démocratiques,
régime politique à prétention universelle. Comment
expliquer que malgré leur omniprésence dans la plupart des Etats,
l'ordre public et l'intégrité territoriale des Etats continuent
à être méprisés ?
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