I.1.2- Les forces armées comme outil de
protection des intérêts
A l'observation de la politique d'expansion coloniale du
second empire, les forces armées renforçant les installations
françaises de Saint Louis au Sénégal avaient pour mission
de les défendre le plus énergiquement possible contre toute forme
d'attaque. De même, l'histoire des deux grandes guerres mondiales
illustre à suffisance le rôle majeur joué par les
militaires dans la protection des intérêts français,
anglais, allemands, italiens, etc. (Mvié Meka 2000 : 15-16).
Comme pendant la guerre de 1939-1945 et tout
particulièrement avec l'appel du 18 juin 1940 du Général
de Gaulle à Londres, de septembre 1939 à mai 1940, la France
utilisera les troupes coloniales, la « force noire », pour
défendre ses positions et reconquérir son territoire. Cette
armée noire permettait de compenser le déficit numérique
de l'armée face à ses adversaires réels, dont l'Allemagne.
Sur le plan strictement militaire, elle s'impliquait pour la
nécessité de la défense du territoire
métropolitain. C'est dans les « forces intactes » de l'empire
que dès le 18 juin 1940, le général de Gaulle
déclare puiser la confiance en sa lutte et d'après le colonel
Leclerc, le Cameroun fut le centre de l'initiative de la libération de
la France en 1940 (Mvié Meka 2000 : 23-25). L'on peut aussi
évoquer la mobilisation des forces armées camerounaises pour la
protection de leur territoire envahi par les troupes armées
nigérianes en décembre 1993 (Mouelle Kombi 1996 : 107).
I.1.3- Les forces armées comme outil de
conquête, d'émancipation et d'administration
Elie Mvié Meka (2000) nous rappelle l'occupation totale
du territoire algérien en 1869 qui sera placé sous
l'autorité du ministre de la guerre par la légion
étrangère créée le 10 mars 1834 pour servir hors du
royaume. Dès 1841, les deux régiments, tour à tour,
construisent les routes, des ponts tout en poursuivant en même temps
l'entreprise de pacification de Kabylie, finalement acquise par le
Général Mac Mahon en 1857. L'officier colonial ici est l'homme
à tout faire. Il
doit « concevoir, arbitrer, gérer, rendre justice,
ouvrir les routes, fonder les marchés, créer de nouvelles
ressources de richesses » (Mvié Meka 2000 : 17).
Encore en 1881, le Colonel Dodds à la tête de
trois milles hommes équipés d'armes modernes et de balles
explosives occupe Abomey. En 1882, les légionnaires s'engagent à
Dahomey contre le roi Behanzin, puis au soudan et à Madagascar. On
assistera alors à l'écrasement de la mutinerie des tirailleurs
sénégalais au camp de Thiaroye, les massacres de Sétif en
Algérie, la répression de Madagascar au nom du monopole de la
violence légitime au sens wébérien (Mvié Meka 2000
: 17-18).
De même en Afrique noire, il nous fait état de
cette mission de la France sur les « terres nouvelles »
assimilées à un acte de délivrance des vielles
oppressions, du sous développement matériel, des
épidémies et des maladies endémiques, des antiques
tyrannies de la traite négrière. Ainsi, le militaire
français aurait aidé le politique à briser « les
fers, dénouer les liens, à promouvoir l'épanouissement
», car dépositaire de certaines valeurs d'humanité,
d'humanisme et de civilisation. Pour ce faire, « les chevaliers de la
civilisation et du progrès » s'employèrent à mater
les grandes figures de la résistance africaine tels que LatDyor, Amadou
fils de El Hadj Omar, roi Toucouleur, Samori, Rabah... (Mvié Meka 2001 :
17-19).
Par ailleurs, l'armée peut aussi être
considérée d'après Kounou (2003) comme un instrument de
« modernisation » et du développement. L'instrument militaire
est présenté ici comme un rempart contre les désordres
sociaux, un appareil organisé en vue de la modernisation et la
stabilisation de la société ; une force ultime d'appoint et de
réserve à laquelle on pourrait faire appel ou qui pourrait
prendre le pouvoir pour prévenir la subversion ou un affrontement total
de l'ordre politique ; la seule force organisée pouvant jouer un
rôle au premier plan dans la modernisation et le développement des
Etats indépendants (Kounou 2003 : 138-139). Tel est le cas du
génie militaire au Cameroun qui a, à son actif plusieurs
investissements (routes, ponts etc.).
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