IV- LA VALEUR DES ACCORDS DE COOPÉRATION
MILITAIRE FRANCO-CAMEROUNAIS : UNE SOURCE D'INSÉCURITÉ
STRATÉGIQUE ET UN PILIER DE LA DÉPENDANCE MILITAIRE ET
POLITICO-STRATÉGIQUE DU CAMEROUN VIS-Á-VIS DE LA FRANCE
La guerre de Bakassi nous offre l'opportunité
d'évaluer ces accords de coopération militaire. Si l'on s'en
tient au rôle mineur joué par la France pendant le conflit
étudié, il va de soi que ces accords sont nuls car ils sont
restés inopératoires face à la première
nécessité. Le Cameroun, engagé dans un conflit majeur
s'est retrouvé tout seul face à un agresseur impressionnant
malgré la survivance des accords militaires.
Contre toute attente, les forces camerounaises ont
plutôt été fragilisées par cette présence
militaire française pendant la guerre. Selon des sources militaires
camerounaises, mettre entre parenthèses ces accords pendant la guerre a
été un impératif pour la victoire camerounaise. De fait,
le Cameroun a été attaqué plusieurs fois avec
succès par les forces nigérianes occupant ainsi les
3/5e des terres querellées. Les unités camerounaises
sont allées ainsi de perte en perte malgré leur grande
collaboration avec la France. Cette dernière sera par ces faits
soupçonnée de protéger ses intérêts
nigérians et par conséquent classée dans le camp des
ennemies. C'est après cette exclusion du secret défense que les
forces camerounaises vont reprendre le contrôle des opérations. Si
l'on s'arrête un temps soit peu sur ces aveux des autorités
militaires camerounaises, le Cameroun aurait certainement subi beaucoup plus de
pertes en vies humaines et de dégâts matériels s'il
continuait à collaborer avec la France. Tout ces faits
établissent l'insécurité stratégique dans la quelle
s'est trouvé le Cameroun au début de cette guerre.
Cette présence militaire française peut aussi
constituer un contrepoids à l'autonomie stratégique et politique
du gouvernement camerounais. La France considérée comme un
traître pendant la guerre va se refaire une nouvelle image au terme de
celle-ci à travers le Recamp V organisé à Yaoundé
au Cameroun du 9 novembre au 8 décembre 2006. Á travers cet
exercice, la France veut reconstruire
sa personnalité protectrice, elle veut effacer le doute
qu'elle a semé autour de la coopération militaire pendant la
guerre. C'est ainsi qu'elle entreprendra de former à Yaoundé une
force sous régionale africaine disposant des personnels qualifiés
et des moyens spécifiques pour pouvoir assurer le maintien de la paix
dans une zone conflictuelle. Il s'agissait ici d'apprendre à
défendre les points névralgiques, de sécuriser les
personnes et les biens, tout en mettant l'accent sur le soutien de l'homme en
matière d'évacuation, de soins, d'alimentation et autres.
C'était un exercice qui a permis d'après des sources militaires
camerounaises, de regrouper les forces armées de la sous région
pour effectuer une simulation à grande échelle pour le cas d'un
pays imaginaire appelé « WENAMEL » qui se serait
retrouvé confronté à une double attaque : une attaque
extérieure à cause de sa richesse en ressource
pétrolière d'une partie de son territoire et une attaque
intérieure orchestrée par une faction sécessionniste.
Il était donc question dans cette session de donner aux
militaires une formation à dimension humanitaire permettant de limiter
les dégâts, de sécuriser les personnes et les biens, de
sécuriser les victimes afin de minimiser les pertes en vies humaines en
cas d'un double conflit ouvert dans un pays quelconque. Ce fut une
véritable opération de charme à l'endroit du Cameroun
amplifiée par de nombreuses retombées à savoir :
- Une logistique d'appoint (matériel roulant,
matériel nautique, armes...) ; - Un stage de recyclage en France offert
aux officiers pilotes ;
- Une remise au point de l'aéroport international de
Nsimalen ;
- Dix blocs opératoires installés à
l'hôpital La Quintinie à Douala capables de soutenir les
interventions chirurgicales de plusieurs personnes aussi bien en temps de paix
qu'en temps de crise. Ces dons, loin d'être une aide au
développement, viennent renforcer la dépendance
stratégique et politique du Cameroun vis-à-vis de la France.
En définitive, en se référant à la
guerre de Bakassi, ces accords de coopération militaire
franco-camerounaise loin d'être salvateurs, ne sont rien d'autre qu'une
source d'insécurité stratégique, un pilier de la
dépendance militaire et politico-stratégique du Cameroun
vis-à-vis de la France.
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