CONCLUSION GÉNÉRALE
Les questions centrale et secondaire de notre recherche
étaient celles de savoir si les forces armées camerounaises
(Opération Delta) ont pu empêcher l'avancée des forces
nigérianes (Opération Harmony IV) à l'intérieur de
leur territoire ou encore si elles pouvaient rétablir la
souveraineté camerounaise sur la presqu'île de Bakassi sans
l'intervention de la CIJ ? Ce travail a permis de confirmer les
hypothèses selon les quelles : les forces armées camerounaises
ont été à la mesure de la menace militaire que
l'État du Nigeria a exercé sur leur territoire ; ces
dernières ont été fragilisé par l'absence de
collaboration franche de la France pourtant, liée à l'État
du Cameroun par les accords de coopération militaire.
Au chapitre premier portant sur l'état de la question
des forces armées, des conflits armés et de la coopération
militaire internationale dans le monde, nous avons défini les concepts
clés de notre travail après une étude théorique
préalable. Les forces armées ont été
définies d'une part comme un outil de conquête et
d'émancipation, et d'autre part comme un outil de protection des
intérêts et de l'intégrité territoriale. Le conflit
armé a été posé comme la recherche de la
suprématie et comme moyen de contrainte ; comme un acte
d'intégration politique et de résistance extérieure. La
coopération militaire enfin, a été vue comme l'action
d'aide militaire (de la France) aux pays sous développés.
L'évaluation des forces armées camerounaises
à l'offensive d'un conflit armé les opposant aux forces
armées nigérianes s'est faite par le truchement d'une analyse
historique et comparative accompagnée d'un certain nombre d'instruments,
en l'occurrence les enquêtes par questionnaire, les entretiens directs et
les documents.
Au chapitre deuxième, une analyse historique et
comparative des actions des forces en présence établi une
supériorité nigériane sur le Cameroun tant en ressources
humaines (85000 hommes contre 28000) que matérielle. Ici est
présagé
l'occupation de force de la presqu'île Bakassi du fait de
ce potentiel supérieur.
Le chapitre troisième quant à lui portant sur
les péripéties du conflit et les escarmouches fait état de
la débâcle des forces nigérianes à Bakassi,
malgré tout ce qui leur vaut le rang de deuxième puissance
Africaine, soit un bilan de deux à trois milles morts environ contre
deux à trois cents pour le Cameroun.
Le chapitre quatrième, enfin, présente la valeur
des accords de coopération militaire franco-camerounais
déterminée par la qualité de l'implication
française dans cette guerre. La présence française ici
s'est avérée être une source d'insécurité
stratégique et un pilier de la dépendance militaire et
politicostratégique du Cameroun vis-à-vis de la France.
Au terme de ce travail, il ressort que les forces
armées nigérianes (Opération Harmony IV) chargées
de traduire dans les faits la volonté annexionniste du gouvernement
nigérian ne sont pas allées au terme de leur mission. Ayant
occupé certaines localités camerounaises à la suite d'une
attaque surprise, les forces armées camerounaises (Opération
Delta) avaient pour mission de les maintenir dans leurs positions,
d'empêcher ainsi leur avancée dans les eaux camerounaises de la
presqu'île Bakassi. La supériorité numérique
nigériane en hommes (10.000 hommes contre 3.000 environ) et en
matériel présageait une « nigérianisation » de
la presqu'île camerounaise, c'est-à-dire un déplacement de
la frontière de la rivière Akwa Yafé au Rio Del Rey. Mais
à l'épreuve des faits, les offensives de l'opération
Harmony IV ont buté contre les ripostes de l'opération Delta
divisée en trois groupements opérationnels (GOS, GOC, GON). Dans
ces escarmouches, le Nigeria payera le plus lourd tribut, soit un bilan de 2000
à 3000 morts et 150 prisonniers de guerre contre 200 à 300 morts
et 120 prisonniers du coté camerounais. Ces lourdes pertes
nigérianes ont limité leurs manoeuvres sur le champ des
opérations, restant ainsi dans leurs positions d'antan jusqu'au
dénouement diplomatique du 10 octobre 2002 en faveur du Cameroun et au
retrait définitif de leurs troupes aux lendemains des accords de
Greentree en juin 2006. Par ces faits, les forces armées camerounaises
ont démontré leur efficacité reposant sur la
qualité physique exceptionnelle, leur dévouement, leur
professionnalisme, leur cohésion et la
spécificité de leur armement contre la formation approximative,
l'indiscipline et la politisation des militaires nigérians par les
hommes d'affaires et l'armement de parade du Nigeria.
Certes, les forces armées camerounaises sont fortes et
efficaces. Elles l'ont démontré devant le « Grand Nigeria
». Mais ces dernières resteraient fragilisées par la
permanente main tendue du gouvernement à la France partant de leurs
formations, de leurs équipements en matériels et des
stratégies mises en place pour la défense de leurs
intérêts. Cette présence étrangère est la
matrice de l'insécurité stratégique et de la
dépendance de l'État camerounais vis-à-vis de la France.
Ainsi, beaucoup reste à faire partant de la sécurisation et de la
conservation du secret défense au renforcement des capacités
militaires camerounaises, d'où le thème de la 35e
fête de l'Unité nationale camerounaise : « Les
forces armées camerounaises, pour la consolidation de
l'intégrité territoriale, de la paix et de la stabiité
».
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