I.3- La coopération militaire internationale
Théoriquement, la coopération peut être
définie comme « un mode de relations internationales qui implique
la mise en oeuvre d'une politique (donc d'une stratégie et d'une
tactique) poursuivie pendant une certaine durée de temps et
destinée à rendre plus intimes, grâce à des
mécanismes permanents, les relations internationales dans un ou
plusieurs domaines déterminés sans mettre en cause
l'indépendance des unités concernées » (Gonidec 1974
: 390). Dans cette lecture de la coopération, on retrouve une
série d'opérations, c'est-à-dire une action se
déployant dans des secteurs tels que la technique, l'économie, la
culture recouvrant une acception globale. En s'arrêtant dans le secteur
technique, on peut retrouver la sécurité, susceptible de
mobiliser plusieurs Etats. Cette interaction étatique autour de la
sécurité donne naissance à la coopération
militaire.
La coopération peut aussi être définie
comme cette relation de « donnant donnant » entretenue par les
États dans les relations internationales (Axelrod 1984 : 42). Cette
relation peut être basée sur la confiance, la loyauté et
l'altruisme, soit sur les interactions, soit sur les institutions stabilisant
les enjeux, favorisant la transparence, rendant le futur plus prévisible
et permettant ainsi aux États de mieux coopérer. La
sécurité étant un domaine très sensible, les Etats
s'associent pour se défendre contre un éventuel agresseur : il
s'agit de la coopération militaire basée sur le gain absolu ou
l'intérêt mutuel.
Aussi, le terme coopération a succédé
à beaucoup d'autres, tels que celui d' « aide aux pays
sous-développés » ou « pays en voie de
développement ». Georges Pompidou en tant que Premier ministre de
le République Française dira
dans son discours sur la coopération prononcé
devant l'Assemblée nationale le 10 juin 1964 que « Dans une
politique de coopération avec les pays en voie de développement,
ceux qui donnent et ceux qui reçoivent doivent faire des échanges
dans lesquels chacun apporte quelque chose à l'autre. De même,
l'expression en voie de développement signifie que l'intervention de la
coopération est de pousser les pays aidés en avant sur la voie de
développement et non de les maintenir la tête hors de l'eau »
(Essama 1984 : 47). Ce discours consacrait la coopération comme la
grande ambition de la France. Cette dernière se matérialisait par
la signature des accords de coopération militaire avec son pré
carré. Par ces accords militaires, on distingue : les accords de
défense, les accords de coopération et d'assistance technique
militaire, des accords secrets de maintien de l'ordre, les actions ponctuelles
de coopération militaire, les troupes pré-positionnées
dans les bases militaires étrangères permanentes, les aides
directes en matériel et en personnes, les interventions sanglantes pour
étouffer des révoltes populaires, des manoeuvres conjointes avec
certaines armées africaines... (Kounou 2003 : 162).
D'après Kounou (2003), ces accords de défense
créent des liens très étroits entre les États
concernés et la France. Les États signataires de ces accords de
défense sont le Gabon, la RCA, la Côte d'Ivoire, le Togo,
Djibouti, Sénégal, Cameroun, Comores.
L'assistance militaire technique quant à elle consiste
en des transferts des savoirs et des technologies aux pays
bénéficiaires : aides directes en matériels, concours
financier, formation et instruction des forces armées (Kounou 2003 :
163).
Cette coopération militaire a fait des armées
africaines des filles de l'armée française (de la
Gerivière 2002). Ainsi, sous le couvert de ces accords, la France est
intervenue une trentaine de fois en Afrique tant à l'intérieur du
territoire pour stabiliser les régimes issus de l'indépendance,
maintenir la paix, protéger les populations (Sénégal,
Gabon, Tchad...) qu'à l'extérieur du territoire pour contrecarrer
l'invasion des pays voisins (Tchad-Lybie, Mauritanie-Polisario) (Kounou 2003 :
169). Pour les mêmes motifs, la France se devait d'intervenir
comme allié du Cameroun dans le conflit l'opposant
à son voisin le Nigeria dans le souci du respect scrupuleux des accords
de coopération militaire les liant.
En définitive, toutes ces approches théoriques
de la coopération internationale (militaire) sont d'une grande
importance, car elles nous présentent toutes les différentes
considérations de la coopération, à savoir la
coopération militaire comme liens intimes sur le plan militaire entre
les États ; la coopération militaire comme relation de «
donnant donnant » dans le domaine militaire entre plusieurs Etats dans les
relations internationales ; la coopération militaire comme politique
d'aide de la France aux pays en voie de développement sur le plan
militaire. Mais seulement, ces théories ne répondent pas à
la question de savoir si la coopération militaire est de nature
néo-coloniale.
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