Nous savons que les institutions militaires sont
particulièrement aptes à développer des solutions
impressionnantes aux problèmes qu'elles aiment résoudre
plutôt qu'aux problèmes que vont poser leurs futurs adversaires.
Les défis actuels demandent de contenir leur dérive et de
résister à la tentation de s'appuyer seulement, comme
naguère sur sa supériorité dans le domaine technologique
et ses capacités de destruction pour faire face à des adversaires
bien différents de ceux d'hier.
Il n'y a pas d'autres choix que de prendre en compte
l'évolution du monde et celle des acteurs potentiels. Il n'y a pas
d'autres choix que de comprendre la guerre probable. A trop parler de
techniques et de capacités, dans un espace de mimétisme
explicable, nous amène à oublier de nous poser certaines
questions fondamentales sur la finalité de l'engagement
militaire. Permettant de faire encore mieux la guerre
d'hier, nous avons cru que les prouesses technologiques étaient
naturellement adaptées à l'évolution de la guerre, n'ayant
pas compris que son visage subissait une véritable mutation. Le
débat sur la « transformation » est un débat
plus que légitime ; il ne doit pas porter essentiellement sur la
technologie et les organisations, mais plutôt sur la finalité de
la guerre, les meilleures voies pour y parvenir aux objectifs
recherchés. Faut-il aller jusqu'à l'instauration d'une «
contre révolution dans les affaires militaires » suivant
la formule de Ralph Peters ? Peut être pas, mais le livre blanc 2008
constate que « les évolutions attendues dans les années
1980 et 1990, fondées sur une haute sophistication technologique, n'ont
pas apporté les garanties de succès espérées ; le
facteur humain demeure et demeurera déterminant »
(Desportes 2008 : 8). Il faut donc
sûrement s'orienter aujourd'hui fermement vers une «
transformation de la transformation », vers une vraie
capacité à comprendre et défaire les nouvelles menaces,
parfois radicales, qui sortent du cadre de l'action militaire traditionnelle.
Les Forces Armées
Les F.A.C. face aux nouvelles formes de menaces
à la sécurité : d'une Armée « de garde »
vers une Armée « d'avant-garde » 1960-2010
doivent se préparer à la guerre qu'elles auront
à conduire, non à celle qu'elles préféreront parce
qu'elles savent le faire. Ils doivent donc modifier profondément leurs
schémas de pensées. Or, par un mouvement normal de balancier vers
les réalités pérennes, la guerre montre bien aujourd'hui
qu'elle n'est pas un problème de système d'armes mais, un
problème politique, social et humain, infiniment plus complexe et
incertain : ils doivent donc maîtriser les excès de la culture
« digitale » et ne pas laisser la technologie conduire l'analyse
stratégique. Il faut réintroduire la dimension politique dans la
réflexion technique et opérationnelle.
C'est peut être parce qu'ils ont éludé
ces réflexions que les éléments du Bataillon
d'Intervention Rapide (BIR) et du Groupement Polyvalent d'Intervention de la
Gendarmerie Nationale (GPIGN) continuent de côtoyer les coupeurs de
routes dans le Grand Nord au grand désarroi des populations, le BIR
DELTA et les pirates de mer dans la presqu'île de Bakassi, que le
gouvernement américain n'a pas cesser de compter ses victimes marins
traduisant sa débâcle en Irak et en Afghanistan, que les Forces
spéciales françaises restent impuissantes face la recrudescence
des menaces terroristes, que les israéliens sont intervenus au Liban de
manière décalée par rapport à la
réalité. Ils n'ont pas perdu, bien sûr, mais face à
un adversaire asymétrique, une puissance militaire qui ne gagne pas
subit un revers dont les conséquences la dépassent largement.
Quelques soit l'avis qui est porté sur leurs succès dans leurs
engagements respectifs, ils font partie des victimes collatérales de
toutes les difficultés militaires ce qui, dans chaque cas, peut
altérer la perception chez l'autre de la puissance militaire classique,
et partant, l'utilité de leurs modèles de Forces.
Au cours de ces dernières années, chacun a pu
observer que la puissance militaire conventionnelle pouvait être
contournée. Nous sommes donc devant l'ardente nécessité de
restaurer la crédibilité et l'efficacité des Forces
Armées. A nous de réfléchir aux évolutions
souhaitables, aux nouveaux équilibres, en évitant d'apporter des
réponses toujours plus
Les F.A.C. face aux nouvelles formes de menaces
à la sécurité : d'une Armée « de garde »
vers une Armée « d'avant-garde » 1960-2010
perfectionnées à des questions qui ne se posent
plus. A nous de penser autrement, de préparer la guerre probable
à travers un système antiterroriste.