b) UNE DÉFENSE PROACTIVE SOUS PEINE D'ECHEC
La défense doit être proactive sous peine
d'échec :
· La protection, fonction stratégique essentielle,
à la fois première et ultime finalité de l'appareil de
défense ;
· La prévention, fonction aux multiples
composantes, dissuasion nucléaire, dissuasion conventionnelle (à
conforter d'ailleurs, puisque sa crédibilité est fortement
malmenée dans les opérations actuelles),
prépositionnement, etc. Pour autant, l'exacerbation de la seule
défense sur le territoire pourrait finir par menacer ce qu'elle
prétend défendre en portant progressivement atteinte aux
libertés communes, comme le montre l'ambiguïté de certaines
mesures antiterroristes prises ailleurs ;
· La stabilisation des zones exportatrices de violence
est la troisième fonction essentielle. Il s'agit de déployer
régulièrement les Forces à l'extérieur, en autonome
ou en coalition, dans la résolution des crises intra-étatiques et
l'assainissement de leur terreau.
La pertinence des outils d'action militaire, la promotion
sociale de la paix et la prévention du terrorisme, seront à cet
égard déterminantes grâce à la capacité
qu'elles conféreront d'affronter les véritables enjeux. Dans
la
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guerre probable, les Forces terrestres sont la force de la
nation et l'homme est la force des Forces terrestre.
c) ADAPTER LES MODELES DE FORCES
Même s'il serait irresponsable de se départir
des moyens de répondre à la résurgence d'une menace
militaire majeur au cas où l'on n'aurait pas su la prévenir, il
n'y aura pas, au cours du quart de siècle à venir,
d'Armées classiques capables de rivaliser avec les coalitions sous
régionales. Il faut pourtant conserver les capacités d'action
conventionnelle. Elles sont en effet nécessaires pour prévenir la
remontée de ce type de menace en dissuadant l'adversaire éventuel
d'une course à la puissance, mais aussi pour conforter l'indispensable
diplomatie coercitive en crédibilisant la dissuasion par la
complétude du spectre des menaces et permettre, autant que de besoin,
d'imposer la force contraignante dans les opérations
extérieures.
Cependant, l'effet pervers de cette surpuissance est
d'engendrer à la fois, le rejet des modèles sociétaux qui
l'ont produite et l'improbabilité des guerres dont le mode lui est
naturel ; diminuant d'elle-même l'éventualité des vastes
actions anti-forces, elle trouve paradoxalement dans le
déséquilibre des arsenaux la limite même de son
utilité. A force de dissuader, elle décourage. L'adversaire,
toujours prompt à contourner la violence classique, cherche dans de
nouveaux espaces d'affrontement la capacité à faire valoir ses
objectifs politiques. La guerre, passée d'une logique capacitaire
à une logique finalitaire, ne fonde plus ses succès sur les
rapports de forces traditionnelles. Elle suppose, pour le règlement des
crises, la mise oeuvre d'instruments militaires puissants, mais aussi
politiques, diplomatiques, sociaux, à travers l'existence de Forces
capables de jouer, dans la guerre probable, de ces différents
registres.
De fait, les nouveaux contextes modifient l'activité
stratégique et nivellent les avantages nés de la haute
technologie. L'influence remplace la
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puissance. Il s'agit souvent moins de conquérir
l'espace que de pacifier les coeurs, de gagner l'adhésion des
populations au projet qu'on leur propose. L'essentiel n'est plus l'aptitude
à la destruction, mais la capacité d'assurer le contrôle
politique de l'espace et d'établir, grâce à la violence
maîtrisée d'une action perçue comme légitime, les
conditions d'émergence d'un nouveau contrat social. Il s'agit aussi de
montrer une indispensable détermination dans la volonté de
résolution d'une crise ; en ce sens, l'engagement des Forces terrestre,
qui met en jeu très directement la vie des soldats de la nation
intervenante, est significatif.
Depuis 1945, la plupart des guerres se sont
déroulées à l'intérieur des Etats et le mouvement
s'amplifie. Ce constat remet en cause les concepts et modèles qui
valaient pour les guerres interétatiques et diminue l'apport de la haute
technologie aux nouvelles applications de la diplomatie. Le nouveau paysage
conflictuel estompe ainsi progressivement les certitudes quantitatives,
rationnelles et classiques du 20ème siècle : la
dérégulation de la guerre a donné naissance à des
formes de crises qui replacent l'homme au coeur des systèmes de
défense (Desportes 2008 : 7). Pour les Armées, le principe
d'adaptation doit dominer en imposant les arbitrages internes et externes
nécessaires, afin de construire des systèmes de Forces capables
de coercition, mais également de produire sur le terrain de
l'efficacité politique.
L'interdépendance des Etats, la
perméabilité des sociétés, la globalité des
enjeux comme des menaces, ne laissent pas d'autres choix que d'assurer la
sécurité du lointain au proche, en participant au
règlement des crises, moins avec les armes de la destruction qu'avec
celles de la capacité de persuasion par la puissance
maîtrisée. Cependant, les circonstances et conflictualités
évoluent très vite. Poursuivant sa métamorphose, la menace
adopte toujours des formes nouvelles auxquelles nous ne sommes pas
préparés. Donc, quel que soit le type d'engagement, nous ne
saurons faire produire de l'efficacité à nos systèmes de
force que nous sommes dans une
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attitude permanente d'écoute et d'évolution.
Encore plus qu'avant, mais probablement moins que demain, la capacité
d'adaptation rapide s'affirme comme la qualité essentielle des
systèmes militaires (Desportes 2008 : 8). L'expérience montre que
les Armées qui gagnent sont les Armées qui apprennent, celles qui
tirent du réel leur efficacité pour l'avenir. « Learn
and adapt » disent les anglo-saxons : c'est un impératif. Les
Forces Armées doivent aller plus loin que là ou elles sont
aujourd'hui ; elles ne doivent pas se contenter d'écrire les
leçons qu'elles ont apprises, elles doivent surtout apprendre les
leçons qu'elles ont écrites et en tirer toutes les
conséquences pour leurs modèles de Forces, leur équilibre,
l'entraînement des unités, la formation des hommes, etc.
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