CONCLUSION
Les Forces Armées camerounaises ont toujours su faire
face à toutes les situations. Elles se sont montrées aptes,
depuis dix ans, comme par le passé, à remplir les missions qui
leur étaient confiées :
- La lutte contre la rébellion armée des
années d'indépendance ;
- La maîtrise des putschistes en avril 1984 ;
- Le maintien de l'ordre pendant la période de transition
vers le multipartisme public en 1991-1992;
- Le maintien de la souveraineté camerounaise sur la
presqu'île de
Bakassi et de l'intégrité du territoire national
depuis 1994;
- Le maintien de l'autorité de l'Etat pendant les
révoltes sociales de
février 2008 ;
- Aujourd'hui, elles font face aux menaces transnationales
« sans visage », grâce non seulement à la mutation de
leurs cadres d'actions, mais aussi et surtout grace à l'accompagnement
opérationnel et tactique.
Les F.A.C. face aux nouvelles formes de menaces
à la sécurité : d'une Armée « de garde »
vers une Armée « d'avant-garde » 1960-2010
DEUXIEME PARTIE
L'OPÉRATIONNALISATION TECHNIQUE,
INSTRUMENTALE ET TACTIQUE DES RÉPONSES AUX NOUVELLES MENACES PAR
LES FORCES ARMÉES CAMEROUNAISES
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La mission de sécurité et de défense de
la souveraineté nationale face aux coupeurs de routes, pirates de mer,
« architectes » et « entrepreneurs » de
l'insécurité au Cameroun ne pouvait être assurée
qu'avec l'élaboration d'une nouvelle doctrine d'emploi des Forces
Armées. Matérialisée par une redynamisation des
systèmes d'hommes et d'armes, la sécurité sera
assurée par un déploiement opérationnel (Chapitre
IV) qui, évalué une décennie plutard
(Chapitre V), nécessiterait une reconfiguration pour
plus de sécurité (Chapitre VI).
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![](Les-forces-armees-camerounaises-face-aux-nouvelles-formes-de-menaces--la-securite--dune-arm23.png)
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CHAPITRE IV :
LE DÉPLOIEMENT OPÉRATIONNEL DES FORCES ARMÉES
CAMEROUNAISES FACE AUX NOUVELLES FORMES DE MENACES
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Comme le montrent l'histoire et l'anthropologie militaires, la
création et la permanence des Armées traduisent la conscience que
les peuples et les Etats ont des menaces qui pèsent sur eux, ainsi que
la volonté et la détermination de les éradiquer. La
création de l'Armée camerounaise le 11 Novembre 1959 signale
outre la rupture de la supplétivité coloniale et l'annonce de la
souveraineté à venir, toute la détermination de l'Etat et
de son gouvernement à rétablir l'ordre et la paix
nécessaire au développement. Au cours de la décennie 1960,
la doctrine militaire camerounaise privilégie l'efficacité et la
victoire militaire sur les théâtres des opérations, en vue
de la réalisation des objectifs politiques que sont la paix, la
sécurité, l'unité nationale et le développement. La
recherche de la supériorité opérationnelle, face à
un adversaire pratiquant la guerre révolutionnaire et fort de ses appuis
intérieurs et extérieurs, tend à expliquer la
concentration des ressources dans la structuration, la densification et la
spécialisation progressive des Forces nationales. Le concept de «
Forces Armées », que porte à l'époque le
département ministériel en charge de la défense, ne
saurait être l'expression d'un militarisme triomphant. Il rend compte en
revanche, d'une part, de l'affirmation par le Cameroun de sa
souveraineté nationale et d'autre part, de sa détermination
à peser sur le rapport de force international par sa capacité
propre, que multiplie son dispositif diplomatico-stratégique. La
doctrine d'emploi de forces de cette période peut donc se résumer
ici à l'efficacité opérationnelle au profit de l'ordre
républicain. La réalisation de l'unification le 20 Mai 1972,
après la réunification du 1er Octobre 1961, est la
conclusion politique de la guerre contre la rébellion. Les
décennies 1970-1980 ont été quant à elles, celles
du renforcement des capacités opérationnelles. Ce recadrage
visant l'optimisation des capacités opérationnelles de
l'Armée, s'enclenche le 12 Juin 1967. Cette orientation prend
progressivement corps notamment avec la création le 06 Juillet 1976,
d'un Centre de Coordination Interarmées (CCI) et de nouvelles
unités opérationnelles, remplacées plus tard, le 22
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Août 1983 par l'Etat-Major des Armées (EMA). Ces
dispositions visent un meilleur maillage opérationnel du territoire
national ainsi qu'une grande cohésion stratégique. Tirant
leçon de la guerre révolutionnaire imposée par la
rébellion, la pensée stratégique camerounaise s'enrichie
du concept de « défense populaire », en réponse aux
menaces internes et externes de l'époque. Des dizaines de camerounais,
élèves du secondaire, étudiant du supérieur et
fonctionnaires, reçurent ainsi la formation militaire, inférieure
pour les uns et supérieure pour les autres, comme réservistes des
Forces Armées. Cette belle et enrichissante expérience,
interrompue du fait de la crise économique aigue qui a frappé le
Cameroun depuis la fin des années 80, se remet progressivement en place,
avec la relance de la préparation militaire supérieure au profit
des élèves de l'Ecole Nationale d'Administration et de
Magistrature (ENAM) et des fonctionnaires de l'administration des eaux et
forêts, etc. A cette fonction politique de défense et
d'intégration nationale s'est ajoutée une fonction
économique et sociale. La participation au développement devient
un impératif dans le contexte post guerre des années 1970,
marqué par les exigences du redressement de l'appareil de production et
de la construction des infrastructures nécessaires au
développement économique et social. La doctrine, au cours de
cette période, correspond bien à la formule célèbre
de Jefferson : « En chaque citoyen un soldat, en chaque soldat un
citoyen », préconisant une identification nécessaire de
l'Armée et du peuple. Ces différentes orientations seront autant
de prédispositions déterminantes pour l'adaptation de
l'Armée au contexte post guerre froide, avec ses exigences de
modernité et de sécurité globale (Mvomo Ela 2008 :
16-17).
Depuis le début des années 1990, le contexte
international est marqué par l'effondrement du communisme, la fin de la
guerre froide et la poussée de la démocratie libérale. Ce
bouleversement de la géostratégie mondiale s'accompagne d'une
mutation du paradigme sécuritaire, notamment par l'atténuation
des risques de guerre totale et la montée des
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menaces asymétriques et non conventionnelles. Dans le
même temps, le bilan géopolitique du Cameroun s'illustre à
l'interne par les soubresauts inhérents à l'apprentissage
démocratique, à l'externe par l'occupation de la presqu'île
de Bakassi. Dans cet environnement mouvant et incertain, la doctrine militaire
camerounaise resta ancrée à ses fondements premiers : la paix et
le développement, comme en témoigne le concept de défense
que porte le Ministère aujourd'hui. Paix à l'intérieur par
une adaptation intelligente à la démocratie, paix avec les
voisins, notamment avec le Nigeria, dans la résolution de conflit avec
lequel, le Cameroun, fidèle au droit international mit en oeuvre une
stratégie permettant à la fois de circonscrire l'occupation et de
maintenir la dynamique opérationnelle à un niveau lui permettant
de peser sur le rapport de force bilatéral et multilatéral. La
décision du 10 Octobre 2002 de la Cour Internationale de Justice (CIJ),
en faveur du Cameroun et l'accord de rétrocession de Greentree du 12
Juin 2006, montrent toute la pertinence de cette approche choisie par le Chef
de l'Etat, chef des Forces Armées. Paix enfin dans le monde, en Afrique
et en Afrique Centrale avec la participation de plus en plus marquée de
l'Armée aux missions de paix de l'ONU, de l'Union Africaine, de la
Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC)
et de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale
(CEEAC).
Le dernier chantier des Forces Armées camerounaises est
celui de la modernité lancé par le Chef de l'Etat à
travers les reformes du 21 Juillet 2001, un ensemble de mesures recherchant
à la fois la cohérence et la souplesse organisationnelle,
l'efficacité opérationnelle, la professionnalisation et le
rajeunissement des effectifs. A cela s'ajoute le souci de modernisation des
équipements le tout imposé par la montée en puissance de
l'insécurité au niveau national et international. Doctrine
dynamique dont les concepts varient selon l'évolution du contexte
interne et externe se traduisant par une mise à niveau
opérationnel. Le niveau
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opérationnel d'une Armée prend en compte ce qui
est effectivement mise en oeuvre de la politique militaire, des plans
stratégiques, de l'entraînement et de l'acquisition des moyens
tant au niveau national (I) qu'international (II).
I- LE DISPOSITIF NATIONAL DE LUTTE CONTRE LES MENACES
ASYMÉTRIQUES
Le Cameroun comme le reste du monde connaît sa cohorte
de menaces. Après une décennie de conflit armé contre le
Nigeria, il fait aujourd'hui face à un ennemi d'une identité
particulière : ce sont des « assaillants disparates » dans les
régions du Sud Ouest, Nord Ouest et Littorale responsables de la
piraterie maritime avec pour corollaire la prise d'otages; les « coupeurs
de route » dans les régions du Nord, Extrême Nord, de
l'Adamaoua et de l'Est responsable de la criminalité
transfrontalière et les enlèvements d'enfants contre
rançons. Conformément à la nouvelle doctrine d'emploi, les
Forces Armées camerounaises vont se mobiliser pour y faire face.
1) L'ARMÉE DE TERRE FACE AUX COUPEURS DE ROUTES ET
AUX PIRATES DE MER.
Après un développement considérable (Ela
Ela 1994) la portant à près de 16000 hommes, l'Armée de
Terre représente près de la moitié du total des effectifs
voire le « Fer de lance » des Forces Armées camerounaises.
Implantées sur l'ensemble du territoire, les unités
professionnelles de l'Armée de Terre constituent, avec celle de la
Gendarmerie, l'outil incontournable de la sauvegarde et du maintien de la
sûreté nationale.
L'Armée de Terre s'articule autour :
· D'un Etat-Major implanté à Yaoundé
;
· Des formations de combat en trois composantes :
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- La force de manoeuvre comprenant 5 Brigades d'infanterie
motorisées et 06 Bataillons d'Intervention Rapide (BIR) répartis
au sein de trois Régiments Militaires Interarmées (RMIA) et de
dix Secteurs militaires terrestres ;
- La Force d'Intervention constituée d'une Brigade
d'Intervention Rapide. Les unités de cette brigade sont toutes
localisées dans la 2ème RMIA et sont, pour emploi
placées directement aux ordres du Chef d'Etat-Major des Armées.
Cette brigade comprend 3 bataillons d'intervention : le Bataillon
Spécial Amphibie, le Bataillon des Troupes Aéroportées et
le Bataillon Blindé de Reconnaissance ;
- Des régiments de soutien et d'appui des Forces de
manoeuvre ou d'intervention : Ces régiments constituent les Forces
d'appui à la manoeuvre : le Régiment du Génie, le
Régiment d'Artillerie Sol-sol et le Régiment d'Artillerie
Sol-air. Ils sont rattachés à la 2ème
Région Militaire Interarmées (RMIA 2) ;
· Des organismes adaptés à l'Armée de
Terre, rattachés à chaque direction de l'administration centrale
;
· D'une Brigade dite Brigade du Quartier
Général (BQG), implantée à Yaoundé, et en
charge de la protection de la capitale et du soutien des organismes
institutionnels.
a) LE BIR FACE AUX COUPEURS DE ROUTES.
La composante essentielle de l'Armée de Terre
constituant la réponse aux nouvelles menaces est le Bataillon
d'Intervention Rapide (BIR). Les années 90 sont marquées au
Cameroun par l'émergence des activités crapuleuses
transfrontalières dans le Grand Nord, notamment le
phénomène de coupeurs de route. Face à cette menace
asymétrique, le Bataillon Léger d'Intervention (BLI) sera
crée le 1er février 1999.
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Le 25 Juillet 2001, le BLI devient le Bataillon
d'Intervention Rapide (BIR). Il est crée un BIR par Région
Militaire Interarmées (RMIA) ; le 3ème BIR ayant son poste de
commandement à Maroua Salack dans l'Extrême Nord, couvre le
3ème RMIA. Plus tard, le 1er BIR sera
activé à Letta (Région administrative de l'Est) dans la
1ère RMIA.
Le haut commandement, suite aux récents
événements de Février 2008, à la montée de
la piraterie le long du territorial camerounais et la recrudescence du grand
banditisme a procédé à la réorganisation des
Bataillons d'Intervention Rapide sur l'ensemble du territoire national en
fonction des spécificités des régions et du type de
menaces. C'est ainsi que neuf formations ont récemment été
crées (cinq BIR, le BIR Delta, le Centre d'Instruction des BIR, le
Centre Antiterroriste et la Base logistique des BIR).
Le mode de recrutement dans les BIR est sélectif. Sur
la base d'une batterie de tests physiques et psychotechniques effectués
dans le 10 régions administratives, les meilleurs sont retenus et
immatriculés à l'issue d'une longue marche de 400 Km après
une formation initiale qui dure trois mois.
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Figure N°11 : Marche
des nouveaux recrus du BIR de Koutaba à Man A War Bay.
![](Les-forces-armees-camerounaises-face-aux-nouvelles-formes-de-menaces--la-securite--dune-arm25.png)
Source : Magazine des
Forces de Défense, Honneur et Fidélité, Numéro
spécial du 20 mai 2009, Page 38.
Ensuite commence la formation de para commando, suivi de la
phase de spécialisation et de l'instruction nautique. Cette
dernière étape vise à préparer le commando au
combat, à la vie dans les mangroves en mer et dans d'autres
régions inhospitalières. C'est un corps d'élite
formé à la lutte contre ces menaces ; c'est un bataillon dont la
rapidité d'exécution, l'adaptabilité aux zones complexes
et diverses, la mobilité... viennent succéder aux traditionnelles
troupes qui lourdement armées, s'avèrent inadaptées aux
nouvelles formes de guerre (Mouelle Kombi 2010 : 12).
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Figure N°12 : Parade
du Bataillon d'Intervention Rapide
![](Les-forces-armees-camerounaises-face-aux-nouvelles-formes-de-menaces--la-securite--dune-arm26.png)
Source : Magazine
L'ANNÉE DU PRESIDENT 2010, Nouvelle Espérance, Page 29.
Les BIR sont destinés à effectuer des missions
spécifiques de type commando dans un environnement terrestre,
aéroporté et amphibie :
· Missions classiques dévolues à
l'Armée de Terre ;
· Destructions d'objectifs en profondeur ;
· Libération d'otages ;
· Lutte contre le grand banditisme (coupeurs de routes,
pirates...) ;
· La protection des personnalités ;
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· Escorte de convois sur terre et d'embarcations sur mer
;
· Missions de tireurs d'élites (encadrés au
sein d'un groupe ou en isolé) ;
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