CONCLUSION
« Il y aura toujours des guerres » et
« Si tu veux la paix prépare la guerre » restent
encore aujourd'hui les adages fondamentaux de toute réflexion des
politiques militaires qui s'efforcent de répondre à des menaces,
clairement identifiées ou non. C'est en fonction de ce
résumé simplifié de la « sagesse des nations »
que les politiques de défense continuent d'être conçues ;
que les budgets militaires consomment une bonne partie du produit national
brut, que la conception de nouvelles représente une part énorme
de la recherche scientifique et technique, que l'on maintient, de part le
monde, des alliances de défense ou de sécurité collective,
et que certains Etats continuent de fabriquer les armes de destruction massive.
L'opinion couramment acceptée est qu'il subsiste des
Les F.A.C. face aux nouvelles formes de menaces
à la sécurité : d'une Armée « de garde »
vers une Armée « d'avant-garde » 1960-2010
risques de guerre au surplus imprévisible, qu'il reste
indispensable d'y faire face en entretenant et en développant des
appareils militaires capables de répondre « à toute
menace d'où qu'elle vienne, prévisible ou
imprévisible » et que l'effort de défense nationale
reste un devoir pour les citoyens de chaque pays. Cette opinion reste
compatible avec la constatation d'un changement social et politique
accéléré. Tout changerait sans doute autour de nous, mais
la guerre resterait un phénomène éternel lié
à la nature humaine et à la structure de la
société. En réalité, la guerre effectue une sorte
de mue aujourd'hui évoluant des guerres symétriques ou
dissymétriques aux guerres asymétriques. Ce qui justifierait
l'élaboration de nouvelles doctrines d'emploi des Forces de
Défense à l'instar de celle du Cameroun.
Les F.A.C. face aux nouvelles formes de menaces
à la sécurité : d'une Armée « de garde »
vers une Armée « d'avant-garde » 1960-2010
![](Les-forces-armees-camerounaises-face-aux-nouvelles-formes-de-menaces--la-securite--dune-arm17.png)
CHAPITRE III
LA DOCTRINE D'EMPLOI DES FORCES
ARMÉES CAMEROUNAISES ET SON ADAPTATION AUX MENACES
ASYMÉTRIQUES
![](Les-forces-armees-camerounaises-face-aux-nouvelles-formes-de-menaces--la-securite--dune-arm18.png)
Les F.A.C. face aux nouvelles formes de menaces
à la sécurité : d'une Armée « de garde »
vers une Armée « d'avant-garde » 1960-2010
La politique d'emploi des Forces de Défense du
Cameroun peut être considérée comme l'ensemble
d'idées directrices dont il faudra s'inspirer non seulement dans la
conduite de l'action, mais aussi pour l'organisation et l'équipement des
Forces ainsi que pour l'élaboration des règlements d'emploi. Elle
est guidée par le souci de préserver la paix et de respecter les
règles du droit international contenues dans les chartes de
l'Organisation des Nations Unies (ONU) et de l'Organisation de l'Unité
Africaine (OUA) devenu l'Union Africaine (UA).
Ces organisations condamnent universellement l'emploi de la
menace et Forces Armées comme moyens de règlement des conflits
d'une part, et reconnaissent, d'autre part, le droit à la
légitime défense. Ainsi, l'article 1er de la Charte
des Nations Unies dispose que « Les buts des Nations Unies sont les
suivants :
1- Maintenir la paix et la sécurité
internationale et à cette fin, prendre des mesures collectives efficaces
en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et
à réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et
réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes
de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement
des différends ou de situations, de caractère international,
susceptible de mener à une rupture de la paix ; ». De même,
l'article 3 alinéa 4 de la Charte de l'OUA precise que «The member
states, in pursuit of the purposes stated in article 2, solemnly affirm and
declare their adherence to the following principles: 4 Peaceful settlement of
disputes by negociation, mediation, conciliation or arbitration» (Ela Ela
2000: 222).
La politique de paix doit réduire ou désamorcer
les crises ; son but est d'instaurer la paix au service de la liberté,
du développement, du respect des droits de l'homme et de
l'indépendance de tous les pays du monde. Une telle politique à
pour fondement la renonciation à la force et à l'usage de la
force, la reconnaissance des besoins légitimes de sécurité
de tous les pays et de leur égalité, la préservation de la
paix dans l'intérêt de tous.
Les F.A.C. face aux nouvelles formes de menaces
à la sécurité : d'une Armée « de garde »
vers une Armée « d'avant-garde » 1960-2010
Mais aussi longtemps qu'il existera des différences
fondamentales entre les Etats, il y'aura toujours des intérêts
divergents et inconciliables, sources de méfiance, de convoitises et de
risques, causes de tensions. En outre, la fin de la guerre froide a
multiplié les risques d'affrontement avec la mondialisation des
problèmes d'origines diverses à l'instar du conflit de
civilisation à l'origine des attentats du 11 septembre 2001, point de
départ des nouvelles formes de menaces observées à
l'échelle planétaire. Dans ce contexte, il faut garantir le
territoire national contre toute tentative d'agression, préserver
l'unité nationale, la liberté d'action du gouvernement, assurer
la stabilité, l'ordre et la sécurité publics. C'est le
rôle des Forces Armées nationales à l'instar des Forces
camerounaises dont le principal caractère est d'être
défensif et dissuasif à l'origine (I), mais aujourd'hui offensif
et dissuasif avec l'émergence des menaces asymétriques (II).
I- L'EMPLOI DES FORCES ARMÉES CAMEROUNAISES A
LA NAISSANCE : LA DEFENSE FERME SANS IDÉE DE RECUL
La politique d'emploi des Forces se doit de répondre,
au préalable, à quelques questions essentielles : à quel
ennemi aura-t-on à faire dans une guerre éventuelle ? Quel
caractère présenterait la guerre à la quelle l'Etat et ses
Forces auraient à participer ? Quelles sont les Forces Armées
nécessaires pour résoudre les problèmes posés et
dans quelle direction mener l'organisation militaire ? Comment réaliser
la préparation de la guerre ? Avec quels moyens mener la guerre ? De ce
fait, le pouvoir exécutif, dans l'exercice de ses attributions
constitutionnelles, peut prendre des mesures nécessaires pour assurer la
défense du Cameroun. En cas de danger menaçant la
sécurité ou l'intégrité du territoire, la
sécurité des institutions ou celle des populations, le
Président de la République peut décréter pour tout
ou partie du territoire nationale, l'une ou plusieurs des mesures suivantes
:
Les F.A.C. face aux nouvelles formes de menaces
à la sécurité : d'une Armée « de garde »
vers une Armée « d'avant-garde » 1960-2010
- La mise en garde, entraînant l'exécution des
dispositions préparatoires ;
- L'état d'urgence, permettant de faire face à des
menaces sérieuses ;
- La mobilisation, donnant les moyens de s'opposer à des
menaces très graves ;
- L'état d'exception, prévu pour maîtriser
les situations les plus critiques.
La défense est une notion complexe qui
intéresse l'ensemble des activités d'un Etat moderne. Trois
aspects ont été définis par les autorités
camerounaises dans le cadre de la défense militaire :
· La défense civile, concerne essentiellement le
maintien de l'ordre, la protection civile, la défense passive et la
défense psychologique ;
· La Défense Opérationnelle du Territoire
(DOT), qui a pour objet de s'opposer à des Forces ennemies
organisées militairement, étrangères ou non. La
défense opérationnelle peut aussi concerner le maintien de
l'ordre renforcé (situation de défense civile) lorsque les
mesures résultant de l'état d'urgence s'avèrent
insuffisantes. Elle est conduite par des commandements spécialement
constitués et nécessite généralement les mesures de
mobilisation et l'institution de l'état d'exception. Elle peut
être menée tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur du territoire national.
· La résistance intérieure, qui s'exerce
dans les parties du territoire national occupées par les Forces
ennemies. Elle vise la libération du territoire et le
rétablissement des autorités nationales légales dans la
plénitude de leurs attributions.
Pour atteindre ces objectifs, les Forces Armées
camerounaises ont été classées en fonction des
hypothèses de défense élaborées par la haute
hiérarchie politique et militaire, classement ayant fait ses preuves
face à toutes les épreuves de guerre dont le Cameroun a fait face
partant de la lutte
Les F.A.C. face aux nouvelles formes de menaces
à la sécurité : d'une Armée « de garde »
vers une Armée « d'avant-garde » 1960-2010
contre la rébellion au conflit armé de Bakassi en
passant par la tentative du coup d'Etat du 6 Avril 1984.
1) LA CLASSIFICATION DES FORCES DE DEFENSE CAMEROUNAISE
RELATIVEMENT AUX HYPOTHESES DE DEFENSE
Du point de vue de la défense militaire, les Forces
défense sont classées en trois grands groupes. Il s'agit :
- Des unités de réserve générale
;
- Des unités d'intervention ;
- Des unités territoriales
Leur utilisation est fonction des hypothèses de
défense.
a) LA CLASSIFICATION DES FORCES
Il s'agit des unités de réserve
générale, les unités d'intervention et les unités
territoriales.
1- LES UNITÉS DE RÉSERVE
GÉNÉRALE
Elles sont composées des Forces qui ne peuvent
être employées que sur ordre ou autorisation du Président
de la République. Il s'agit de la Garde Présidentielle (GP) et le
Régiment du Quartier Général (RQG).
La Garde Présidentielle a été
créée à la faveur du décret n°85/738 du 21 Mai
1985. Elle est formée par des éléments d'élite
provenant des Forces Armées. Son entraînement est assuré
par les personnels de l'Armée israélienne. Placée sous
l'autorité directe du Président de la République et
commandé par un officier nommé par décret, assisté
d'un commandant en second et d'un Chef d'Etat-Major nommés par
arrêté présidentiel, la Garde Présidentielle
comprend :
- L'Etat-Major de la Garde Présidentiel ;
- Le groupement de commandement et de soutien ;
- Le groupement d'intervention ;
Les F.A.C. face aux nouvelles formes de menaces
à la sécurité : d'une Armée « de garde »
vers une Armée « d'avant-garde » 1960-2010
- Le groupement d'honneur ;
- Le groupement de reconnaissance et d'appui ;
- Le centre d'instruction de la Garde Présidentielle.
Cette organisation répond aux besoins d'une
unité spéciale. En effet, certaines critiques qualifient la Garde
Présidentielle d' « Armée dans une Armée » (Ela
Ela 2000 : 226).
Quant au Régiment du Quartier Général,
il est crée par le décret n°85/631 du 3 Mai 1985. Son
article 1er dispose que « Le Régiment du Quartier
Général est une formation spéciale de réserve
placée sous l'autorité directe du Président de la
République pour emploi ; le Ministre chargé des Forces
Armées en assure l'administration et le soutien logistique ». Le
Quartier Général dont le poste de commandement est fixé
à Yaoundé comprend :
- L'Etat-Major du Quartier Général ;
- Le groupement de Commandement et des Services ;
- Le groupement d'intervention et de protection ;
- Le groupement de reconnaissance et d'appui (Ela Ela 2000 :
225- 227).
2- LES UNITÉS D'INTERVENTION
Il a été crée, par décret
n°76/286 du 06 Juillet 1976, un commandement spécialisé
d'intervention et de réserve générale
dénommée Commandement des Forces d'Intervention placées
sous l'autorité d'un officier nommé par décret
présidentiel. Il reçoit ses missions du Ministre de la
défense ou du Délégué Général
à la Sureté Nationale après approbation du
Président de la République. Ce commandement comprend :
- Un Etat-Major ;
- Des unités de formation de combat (Unités ou
formations interarmes autonomes ou regroupées dans des commandements
subordonnés ; des unités ou détachements adaptés
interarmées autonomes).
Les F.A.C. face aux nouvelles formes de menaces
à la sécurité : d'une Armée « de garde »
vers une Armée « d'avant-garde » 1960-2010
Ces unités sont caractérisées par leur
disponibilité opérationnelle, leur technicité
éprouvée, leur haute valeur, leur autonomie logistique. Ceci
exige pour ces Forces une multi spécialité se
caractérisant par une structuration à plusieurs composantes en
l'occurrence :
· La composante « Aéroportée » :
elle est le fer de lance des Forces d'intervention marquée par sa
détermination à réagir rapidement en tout point du
territoire national et dans certains cas particuliers hors des
frontières camerounaises. A base d'infanterie parachutiste, elle dispose
organiquement ou en renforcement d'appuis (artillerie, génie), de moyens
de commandement (transmission), de moyens de transport routier, d'un soutien
logistique adapté.
· La composante « Terre » :
caractérisée par la mobilité obtenue par une motorisation
complète des unités, elle dispose des moyens d'artillerie Sol-
Sol et Sol-Air, des moyens antichars, des moyens du génie ceci en
fonction de la zone d'action.
· La composante « Air » : elle agit au
bénéfice des autres composantes, des Forces d'intervention sous
forme d'appui-feu, d'appui transport, d'appui renseignement, d'aide
au commandement.
· La composante «Mer » : comme la composante
Air, elle agit essentiellement au bénéfice des autres composantes
des Forces d'intervention pour en assurer le débarquement à
partir des bâtiments appropriés, l'appui-feu, le soutien tactique
et logistique (Ela Ela 2000 : 227-230).
3- LES UNITÉS TERRITORIALES
Il s'agit de l'ensemble des Forces affectées dans chaque
Région Militaire, les éléments de la Gendarmerie, la
Sûreté nationale et des sapeurs
Les F.A.C. face aux nouvelles formes de menaces
à la sécurité : d'une Armée « de garde »
vers une Armée « d'avant-garde » 1960-2010
pompiers dans chaque province37. Ces Forces
constituent les moyens normaux de maintien et de rétablissement de
l'ordre. En cas d'agression, avec la mobilisation des réserves
armées, elles permettent d'engluer l'adversaire en constituant devant et
derrière lui une zone d'insécurité totale et, de lui
enlever toute velléité d'atteindre ses objectifs rapidement.
L'agresseur trouve face à lui :
- Les formations de combat de l'Armée de Terre faites
des unités de divers types (sahel, forêt, savane)
regroupées en huit Régions Militaire couvrant les dix
régions ;
- Les formations de combat de l'Armée de l'Air
regroupées essentiellement dans les différentes bases
aériennes du pays (Yaoundé, Douala et Garoua)38, qui
sont des structures de soutien, d'accueil et de protection des aéronefs
tactiques et stratégiques ;
- Les formations de la Marine Nationale regroupées au
sein des Bataillons Fusiliers Marins Commandos qui sont regroupées en
deux Régions militaires et trois bases navales de soutien
(Limbé), d'accueil (Kribi) et de protection (la Lobé).
En outre, dans les cas urgents, les commandants
d'unités de Gendarmerie peuvent requérir directement l'assistance
de la troupe militaire en l'absence ou l'éloignement de
l'autorité civile. Les plans de protection et le plan
général de défense ont codifié toute une panoplie
de réactions instantanées et graduées face aux
différentes hypothèses (Ela Ela 2000 : 230- 234).
|