3.2 Défis des systimes fiscaux a fricains face aux
in formalités économiques
Il serait certainement intéressant avant d'aborder la
problématique de la fiscalisation des activités a fort taux
d'informalités, de dire quelques mots sur le débat qu'il y a eu
et qui se poursuit encore sur le concept même du secteur dit «
informel » pour qualifier l'ensemble des activités qui y sont
rattachées. En effet, parlant des activités a fort taux
d'informalités, certains préférent les considérer
comme des formes du "développement spontané" en ce sens que
celui-ci suppose, entre autres, « l'apparition de progressives
transformations a partir des structures traditionnelles. Ces transformations
font qu'une partie de celui-ci se rapproche lentement et progressivement des
formes modernes tout en restant encore radicalement distinctes
»41. De ce point de vue, ce type d'activités serait une
sorte de stratégies d'adaptation aux modeles importés de
production de biens et services dans les pays du tiers-monde, dans la mesure
oil elles supposent « une adaptation spontanée a la dynamique
des besoins, une adaptation spontanée a la dynamique des structures
productrices et des techniques productives et a la dynamique des marches et de
la repartition des revenus. »42
Le débat sur cette question semble opposer les
économistes aux chercheurs en sciences sociales (anthropologues,
sociologues) qui ne perçoivent pas toujours le phénoméne
de la même maniere. C'est en substance ce que nous retrouvons dans le
débat entre Francis
40 Vieira Jurua(Coord.), « Politique fiscale :
Impot, répartition du revenu national et assurance sociale »,
Cahier de propositions pour le XXIe siècle, Fondation Charles
Léopold Mayer pour le Progres de l'Homme/ Alliance pour un monde
responsable, pluriel et solidaire/Pole Socio-économie de la
Solidarité, novembre 2001, p.2, (15 pages), visualisé sur
http:/fiscal.socioeco.org/
41 Marc PENOUIL et Jean-Pierre
LACHAUD(éd.), Le developpement spontane. Les activites informelles
en Afrique, Editons A. Pedone, Paris, 1985, p.8
42 Ibidem, pp.17-18
Augustin AKINDES, Jacques CHARMES, Philipe COUTY et Xavier
OUDIN43. La problématique soulevée par ce
débat, est de savoir si la question du secteur dit "informel" doit
seulement être abordée sous un angle économiste, car o
les problemes que posent les economies officieuses44 telles que nous
les concevons est celui des rapports entre les systemes économiques et
d'autres sous-systemes moins apparents, moins visibles, qui appartiennent
généralement a la sphere socioculturelle échappant a la
vigilance de l'économiste toujours a la recherche du concret, du
chiffrable. »45 Il y a lieu tout de même de
distinguer les différentes catégories d'activités de ce
type selon leur taille, leurs promoteurs, leurs enjeux et l'importance
économique du secteur considéré.
Les difficultés d'application des mesures fiscales sur
des activités aussi insaisissables que sont celles a fort taux
d'informalités économiques, résultent parfois du fait
qu'elles ne s'adaptent pas aisément aux logiques sociales
caractérisant ces activités et qui ne s'inscrivent pas
forcément dans une logique d'accumulation et d'enrichissement. Or, ces
mesures fiscales, pouvons-nous constater, s'inscrivent dans une logique
purement libérale qui ne cadre pas toujours avec la perception et les
pratiques commerciales des opérateurs économiques locaux. Ces
derniers perçoivent leurs activités comme une entreprise sociale
consistant a satisfaire d'abord les besoins de la famille au sens large du
terme et ensuite a répondre aux besoins de la communauté. Le
commercant dans nos communautés voit dans ses activités
économiques non pas un simple processus d'accumulation, mais aussi un
moyen de prendre en charge sa famille et de garantir un héritage a sa
progéniture. En outre, le marché lui-même est perçu
comme un espace oil se tissent des relations certes a caractére
économique, mais aussi sociale, car le commercant peut vendre une
marchandise sans nécessaire réaliser un quelconque
bénéfice a un client X quitte a se racheter sur un client Y.
Dans cette perspective oil le marché se décline
plus comme "lien de clientele" et non comme une "relation de place
de marché"46, comment le commercant pourra-t-il s'en
sortir lorsqu'il est assujetti a appliquer la TVA alors qu'il n'applique pas
toujours le même prix d'un client a un autre ? A cet égard,
pouvons-nous asseoir des réformes économiques,
43 Francis Auguistin AKINDES, Jacques CHARMES,
Xavier OUDIN ET Philippe COUTY, Secteur informel ou non structure : Des
appellations contestees, Abordages n°2, Réseau
Amira(amélioration des méthodes d'investigation et de recherche
appliquée au développement), 1986.
44 Ce terme aussi est sujet a débat, en ce sens
que s'il désigne sont des activités visibles et identifiables
dans les rues et les arteres des villes africaines.
45 Francis Augustin AKINDES, oReflexion sur les
concepts "informel" et "non structure" », op.cit., p.6
46 Jean-Michel SERVET, « renoncer au mythe du
marché pour penser des alternatives », Brouillons pour l'avenir
: Contribution au debat sur les alternatives, COMELIAU Christian(dir.),
Nouveaux Cahiers de l'IUED, N°14, PUF, Paris ; IUED, juin 2003, p.70
stimuler la production et maitriser les agrégats
économiques dans un contexte oil les échanges commerciaux se
fondent sur des considérations souvent peu économistes ? C'est
dire que la lutte contre les informalités économiques par leur
fiscalisation passe forcément par un changement de mentalité de
certains agents économiques quant aux exigences du commerce dans un
contexte de plus en plus réglementé.
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