Politique fiscale et informalités économiques au Niger( Télécharger le fichier original )par Moussa Sahirou Tchida Institut universitaire d'études en développement de Genève - Diplôme d'études approfondies (DEA) 2005 |
2.2 Fiscalité et croissance économiqueSelon certains analystes, la fiscalité pourrait être préjudiciable a la croissance économique qui est le moteur même du développement, en ce sens qu'elle découragerait les investissements et la création d'emplois. Le Fonds Monétaire International soutient que la croissance économique dépend en partie d'un assainissement des finances publiques qui passe par une réduction sensible des dépenses de l'Etat et une baisse d'impOts pour relancer les investissements et la consommation. Les experts du fonds, sur la base des expériences d'une vingtaine de pays de l'OCDE sur une période allant de 1960 a 1994, affirmerent que « les compressions des dépenses publiques -- notamment des salaires -- ou la reduction de la taxation du travail s'accompagnent d'une reduction des salaires reels et du coet unitaire de la main-d'oeuvre, et d'une hausse des benefices et de l'investissement »32. Pourtant, ce résultat qui ne concerne que les pays industrialisés fut différent de celui enregistré par rapport a certains pays d'Amérique latine qui révele plutOt que « l'efficacité du recouvrement des recettes fiscales est pour ces pays un element cl~ des efforts d'assainissement des finances publiques. »33 Ces deux résultats montrent d'une certaine fa~on que le probleme ne se pose pas de la même maniere entre les pays développés et ceux en voie de l'être. Les effets de la fiscalité sur la croissance économique sont difficilement comparables d'un pays a un autre, en ce sens qu'il y aurait « une correlation entre le niveau de développement, la taille économique et la structure fiscale »34. Par ailleurs, quelle pourrait être l'efficacité d'un systeme fiscal ou d'un prélevement d'impot sur les ressources publiques lorsque l'investissement et la consommation qui sont, de notre point de vue, les moteurs de la « croissance économique » sont faibles ? Il ne suffirait donc pas forcément d'avoir un systeme fiscal efficace pour nécessairement mobiliser les ressources fiscales, il faudra nécessairement que l'économie soit elle-même dynamique, en ce sens qu'il y aurait aussi une sorte d'interdépendance entre la croissance et la fiscalité. En d'autres termes, « une bonne apprehension du couple (( impôt-croissance h requiert une connaissance approfondie non seulement de l'influence de la croissance sur le produit de l'impôt mais également, et au préalable, de l'incidence de l'impôt sur la croissance.»35 32Hamid Faruqee(FMI, Département des études), Des pistes pour l'assainissement reussi des finances publiques, In : Bulletin du FMI, (2001, 11 juin), Vol 30, n°11 du 11 juin, p.190-191, p.11, (16 pages), visualisé sur www.imf.org/imfsurvey 33Jean-Francois BRUN/CHAMBAS Gérard/ COMBES Jean-Louis, « La politique fiscale agit-elle sur la croissance ?», Revue d'économie du développement, CERDI, 2/1998, p.115-125 34 Ibidem, p.190. 35 Jacques PERCEBOIS, Fiscalite et croissance, Ed. Economica, Paris, 1977, p.2 Le poids de la fiscalité sur la croissance économique ou les performances économiques d'un pays est incontestablement réel, sauf qu'il différe d'un pays a un autre. La mise en évidence des distorsions fiscales défavorables a la croissance dont l'investissement, la consommation et la création d'emploi sont les principaux moteurs, n'est pas aussi nette et précise lorsqu'on compare la structure économique des pays en voie de développement et celle des pays développés. Au niveau des pays africains, la distorsion fiscale la plus en vue est celle relative aux échanges internationaux du fait de la pression mise sur la forte taxation du commerce extérieur alors qu'ailleurs se sont les revenus des ménages qui sont les plus exposés. Dans tous les cas, au Nord comme au sud, le bon équilibre fiscal est difficile a obtenir du fait de la forte demande sociale qui s'exerce sur les pouvoirs publics de plus en plus confrontés a une pauvreté croissante et des inégalités criardes qui justifient toujours d'importants prélévements publics. L'influence de la fiscalité sur la croissance économique suscite tout de même quelques interrogations en ce qui concerne l'Afrique subsaharienne en particulier. Peut-on tout simplement parler de possibilité de croissance dans un contexte oil l'insécurité liée aux guerres et a l'instabilité politique alimentant la méfiance des investisseurs privés étrangers fait que l'économie tourne sur elle-même pour ne pas dire stagne ou régresse ? Quel choix fiscal les pays de cette région peuvent-ils faire pour créer les conditions d'une croissance économique soutenue en moyen et long terme pour juguler la pauvreté ? Peuvent-ils prendre les risques de réduire les taux d'imposition, jugés déjà bas, pour espérer un hypothétique accroissement des investissements privés ? Pourtant, les investisseurs ont d'abord besoin non seulement de sécurité, d'infrastructures de base (routes, télécommunications, etc..) avant de songer a y venir et paradoxalement, ces préalables ne peuvent être satisfaits sans des ressources financiéres que ces Etats se doivent de mobiliser aussi bien par les emprunts que par la fiscalité bien entendue. En fait, la faiblesse de l'investissement et de la consommation est une des causes essentielles de sous emploi et par conséquent, un manque a gagner important pour l'Etat du point de vue des ressources fiscales mobilisables. La sur-liquidité financiére dans le circuit bancaire en Afrique par exemple ou la propension a la thésaurisation de certains opérateurs économiques sont, dans une certaine mesure, les signes d'une insuffisance d'initiatives en matiére d'investissement et également la preuve d'une faible consommation. Or, la circulation des flux financiers a travers l'investissement et la consommation est l'une des conditions indispensables au développement économique d'un pays et a la création des conditions optimales devant permettre un meilleur accroissement du revenu national. C'est la assurément que la référence a la Théorie générale de Keynes nous parait pertinente dans l'analyse de la situation économique et financiére de nos pays, indépendamment des critiques dont il a fait l'objet. |
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