Politique fiscale et informalités économiques au Niger( Télécharger le fichier original )par Moussa Sahirou Tchida Institut universitaire d'études en développement de Genève - Diplôme d'études approfondies (DEA) 2005 |
2. Place de la fiscalité dans l'économie nationale2./ Fiscalité et évolution économiqueLa fiscalité et l'économie sont totalement liées, car il n'y a pas d'activités et de prospérité économique sans paix, sans sécurité sans un Etat capable de gérer au mieux les 21 BATOUM-BA-NGOUE, S-T., op.cit., p.21. 22 Jérémie Gallois, eUne petite histoire de l'imp"t », visualisé sur 1sttp:// pluriel.free.fr/renover03.1stml~ le 17 octobre 2005. 23 La Documentation Francaise, « Pourquoi est-on oblige de declarer ses revenus et de payer ses impots ? », visualisé sur www.viepublique. fr. , le 17 octobre 2005. intérêts des uns et des autres et de canaliser l'appétit des acteurs économiques. Or, ces garanties l'Etat ne peut les donner ni les fournir sans des ressources financiéres que peuvent lui procurer les impots et autres taxes. Mais, l'économie ne pourrait se développer avec des prélévements lourds dépassant ses capacités réelles de production de richesse afin de répondre aux besoins d'un Etat fortement demandeur des moyens financiers. Il y a alors un juste milieu a trouver entre une fiscalité incitative du point de vue économique et une économie dynamique et diversifiée pourvoyeuse des ressources a l'Etat a moyen et long terme. Il n'y a alors aucun doute aujourd'hui, que toute politique fiscale peut influer en faveur ou en défaveur de la formation du capital dans le secteur privé en raison notamment des effets qu'elle pourrait avoir aussi bien sur la capacité a épargner, sur la propension a consommer ou sur la volonté a investir. Par dela sa fonction de pourvoyeuse de ressources a l'Etat, la fiscalité a certainement un role économique important, en ce sens qu'elle peut stimuler ou décourager les activités économiques ou les investissements en fonction de sa charge. Il y a aujourd'hui une sorte de consensus sur le fait que la fiscalité o tant par son ampleur que par la multiplicité des effets diversifies qu'elle entraine, influence l'ensemble des activités des agents de la vie économique. »24 Dans l'histoire de la pensée économique, on notera que la question fiscale a connu une évolution en fonction du type du systeme économique de production en cours. Il apparait, en effet, que l'adhésion progressive du monde a la pensée économique unique et dominante a fortement imprimé sa marque a la fiscalité en lui imposant des ajustements périodiques. L'ouverture a l'économie du marché, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, amene les pouvoirs publics, en fonction des conjonctures du moment, des risques et opportunités que présentent les activités économiques et marchandes, d'apporter des corrections a leur dispositif fiscal. L'essor du secteur industriel et privé dans le monde occidental, a permis aux pays du Nord de collecter un volume important des recettes fiscales leur donnant ainsi les moyens d'action nécessaire pour assumer non seulement les charges du service public mais aussi d'assumer pleinement leur role régalien. L'Etat, tout en n'étant pas nécessairement « issu du capitalisme, ni de l'ouverture des circuits marchands, ni encore moins de l'essor industriel »25, il n'en demeure pas moins que l'économique est au cur de sa dynamique. Les politiques économiques qu'initient les puissances publiques visent dans l'ensemble a favoriser le développement des activités économiques. A cet effet, les principales mesures ont trait a 24 Bernard BOBE / Pierre LLAU, Fiscalite et choix economiques, Ed. CALMANN-Lévy, Paris, 1978, p.7 25 Bertrand, B./Pierre, B., La Sociologie de l'Etat, Editions Grasset et Fasquelle, Paris, 1979, p.219. des incitations fiscales pour attirer les investissements, encourager les initiatives privées tout en veillant a préserver un cadre de concurrence loyale. Le choix d'une politique fiscale déterminée, informe non seulement sur les choix économiques d'un pays, mais aussi sur les valeurs sociales qu'il défend, comme l'équité, la justice, l'atténuation des inégalités ou la solidarité. La puissance publique a un role économique important a jouer dans la création des conditions idoines devant permettre la promotion de l'économie a diverses échelles pour répondre aux attentes des agents économiques intervenant dans divers domaines. Des promoteurs immobiliers aux industriels en passant par les agriculteurs, les importateurs et exportateurs ainsi que les professions libérales, chacun attend des pouvoirs publics des mesures de soutien et d'accompagnement dans ses activités. Si dans certains cas les mesures d'accompagnement prennent la forme des subventions, dans beaucoup d'autres, il s'agit plutot des exonérations fiscales ou autres avantages de ce type qui sont apportés par les pouvoirs publics. Les instruments fiscaux dont dispose la puissance publique pour réguler les activités économiques sont multiples et dépendent de la conjoncture du moment en tant qu'il s'agit de réguler les prix, de promouvoir la consommation des privés et des ménages, de favoriser les investissements, de réduire les risques de fuites des capitaux, etc. Les mesures fiscales visent principalement a produire des effets mécaniques en termes de recettes fiscales quantifiables, des effets psychologiques en termes de modification des comportements chez les agents économiques26. Tout en sachant que les ressources fiscales visent principalement a fournir aux Etats les ressources nécessaires pour mener a bien certaines politiques publiques et aussi, en sachant que la fiscalité n'est pas toujours économiquement neutre, pouvons-nous voir en elle un instrument d'accumulation exclusivement capitaliste et de paupérisation de certaines couches socioprofessionnelles ? La réponse n'est ni aisée ni simple, car elle dépend du contexte économique et de la structure fiscale mise en place. Dans certaines contrées se créent des paradis fiscaux ouvrant la porte a la réalisation des bénéfices astronomiques aux capitalistes et dans d'autres, des prélévements assez lourds qui se ressentent dans le portemonnaie des contribuables et le panier de la ménagére. Il reste toutefois que les politiques fiscales visent de nos jours a faire en sorte que l'imp,t soit socialement supportable et économiquement stimulateur. Cette position est défendue et partagée par un certain nombre d'économistes tels que MARSHALL, Adolf WAGNER, A. C. Pigou, auxquels se référe 26 Joseph. A S CHUMPETER, Histoire de l'analyse economique, vol III, L'Age scienti~ique(de 1870 a J. Keynes), Ed. Gallimard, Paris 1983, pp.163-165 S CHUMPETER lorsqu'il évoquait, entre autres, les postulats éthiques qui doivent caractériser l'impôt. Ceux-ci se traduisent par ce qu'il appelle « le principe de la capacité » de payer et la « théorie sociale de l'impôt » qui pourraient se traduire par une "politique qui ne visait pas seulement a lever des impeits pour en tirer des recettes, mais aussi pour modifier[...] la répartition de revenus"27. Les effets induits de la fiscalité en fonction du type d'impôt ou de taxe applicable, suscitent un certain nombre de réflexions, car ils ne sont pas ressentis toujours et partout de la même maniere. A cet égard, Rosa LUXEMBURG stigmatise les effets induits des impôts indirects sur la consommation des ouvriers et de la classe paysanne et également par rapport a l'enrichissement d'une certaine classe. En effet, elle estime que l'application des impôts indirects qui "servent a l'entretien de l'appareil de l'Etat capitaliste, aboutit a une augmentation de la plus-value, ou pluteit de la partie consommée de la plus-value"28. Cette réflexion peut se justifier quand il s'avére que l'instauration de la TVA en 1954-1955 en France visait, en plus « d'assurer des recettes a l'Etat, de favoriser l'investissement et, par conséquent, l'accumulation du capital et la croissance...»29. En somme, les mutations économiques qui peuvent en théorie se résumer dans les cinq étapes de la croissance que nous cite ROSTOW, depuis la société traditionnelle jusqu'à l'ére de la consommation en passant par les conditions préalables de démarrage, au démarrage et au progrés vers la maturité30. Chacune de ces étapes qui correspond a un mode de production et de consommation spécifique, consacre un mode de gestion étatique avec un systeme de prélévement plus ou moins adapté au contexte. Il est sans aucun doute que le systeme fiscal en cours dans un systeme économique fortement dominé par la production agricole serait différent de celui d'un systeme de production industrielle, tout comme il sera distinct d'un systeme de production communiste a celui capitaliste. C'est dire alors, que « les options de la politique fiscale ne peuvent etre que l'expression, dans un domaine spécifique, des choix du projet social global qui sous-tend l'économie tout entiere.»31 27 Ibidem, pp.143-144 28 Rosa LUXEMBURG, L'accumulation du capital II, oeuvre IV, Ed. Francois MASPERO, Paris 1972, p.120 29 Bertrand, B., Pierre, B., op.cit, p.92-93 30 Jean-Michel SERVET/Pauline PLAGNAT,(Octobre 2003), Recueil de textes, Tronc commun d'économie du développement, Genève, Année Académique 2003-2004, IUED. 31 BOBE,B. et LLAU, P., op. cit., p.239. |
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