Conclusion
Au terme de ce travail nous nous devons de nous rendre a
l'évidence que les défis auxquels le Niger fait face dans le
cadre de la mobilisation des ressources financiéres internes pour
financer son développement sont importants. Pour y arriver, les
équations a résoudre sont de plus en plus complexes, car il
s'agit principalement de mener des actions hardies de lutte contre la
pauvreté en faveur des populations considérées comme les
plus pauvres de la planéte avec des ressources censées pourtant
provenir de ces derniéres. Présentée comme telle,
l'équation semble a priori difficile voire impossible a résoudre.
Cependant, telle n'est ni notre point de vue, ni notre conviction, car
lorsqu'on sait qui on est, d'oil l'on vient et oil on veut aller, il y a peu de
chance de se tromper sur le chemin a suivre. Autrement dit, le Niger, conscient
de sa situation en termes de forces et faiblesses, d'opportunités et de
risques qu'elle présente, peut valablement en se posant les bonnes
questions trouver les bonnes solutions. Le préalable dans le cas de
figure qui nous intéresse ici est de se convaincre qu'une nation ne se
construit pas en se reposant prioritairement et en permanence sur les aides
extérieures qui ne sont nullement une panacée et dont les effets
pervers dans le temps sont préjudiciables au développement tant
espéré.
Le Niger est certes un pays pauvre au regard des
critéres énoncés par le systeme des Nations-Unies dans le
classement des pays en matiére d'indice du développement humain,
mais cela ne veut nullement dire qu'il est condamné inexorablement a se
maintenir dans cette position. 1l peut et doit surmonter ses difficultés
actuelles qui reposent essentiellement sur les ressources devant concourir a
financer son développement et en la matiére, il ne peut d'abord
et avant tout que compter sur les sacrifices que ses filles et fils sont a
mesure de consentir en fonction de leurs capacités contributives. C'est
dire que l'impôt, puisque c'est de cela qu'il s'agit, doit
nécessairement <tre la premiere source financiére de l'Etat et
tout doit <tre mis en oeuvre pour maximiser sa collecte au niveau tant
national que local. En passant en revue les mesures fiscales que le Niger a
bien voulu appliquer, il apparait que des efforts ont été
consentis pour amener les citoyens a s'acquitter de leur obligation fiscale.
Cependant, ces efforts restent encore modestes par rapport au taux de pression
fiscale qui demeure toujours bas en comparaison de la moyenne régionale
avec un écart d'environ six points. Certes, il n'est pas question
d'égaler telle ou telle autre performance fiscale a tout prix, mais il
s'agit avant tout de mobiliser autant de ressources que nécessaire pour
faire face aux multiples charges de l'Etat en ayant de moins en moins le regard
tourné vers l'extérieur.
Comparativement aux autres pays membres de l'UEMOA, le Niger
reste l'un des pays les plus fortement agricoles au regard non seulement du
poids du secteur primaire dans la
formation du PIB et du pourcentage de la population active
qu'il emploie. Cette situation explique en partie le faible taux de croissance
du PIB, tout comme le montant de celui-ci par tete d'habitant. L'importance du
secteur primaire dans la structure économique du pays et sa faible
performance en termes de rentabilité du fait de la prédominance
des cultures vivriéres destinées a l'autoconsommation est non
seulement un facteur limitant pour la croissance économique, mais aussi
pour la part contributive des populations a l'effort national. Le niveau du
taux de pression fiscale est révélateur de cet état de
fait, car même si les défaillances du systeme fiscal n'y sont pas
étrangéres, il n'en demeure pas moins que le faible revenu des
populations a prédominance rurale constitue aussi une variable
explicative.
Tableau : Indicateurs socio-économiques
comparati fs des pays membres de l'UEMOA
|
Bénin
|
Burkina faso
|
Ciite-d'ivoire
|
Mali
|
Niger
|
Togo
|
Sénégal
|
2003
|
2004
|
2003
|
2004
|
2003
|
2004
|
2003
|
2004
|
2003
|
2004
|
2003
|
2004
|
2003
|
2004
|
Taux de croissance réel du PIB
|
3,9%
|
3,5%
|
8,0%
|
4,8%
|
-1,7%
|
0,7%
|
7,1%
|
0,4%
|
3,0%
|
3,5%
|
4,5%
|
2,9%
|
6,5%
|
6,0%
|
APD/tete (versements nets)
|
x
|
USD 43,7
|
x
|
USD 37,3
|
USD 65,3
|
x
|
x
|
USD 45,3
|
USD 25,9
|
x
|
USD 10,6
|
USD 9,2
|
x
|
USD 44,7
|
Taux de pression fiscale
|
14,9%
|
14,1%
|
10,9%
|
12,3%
|
14,6%
|
15,5%
|
14,5%
|
15,3%
|
10,7%
|
11,3%
|
15,8%
|
14,8%
|
18,2%
|
18,4%
|
Part du secteur primaire dans le PIB
|
x
|
36 %
|
x
|
32 %
|
29 %
|
x
|
41,4 %
|
x
|
42 %
|
x
|
x
|
45 %
|
16,5 %
|
x
|
Poids du secteur primaire dans
l'emploi
|
54 %
|
54 %
|
x
|
84 %
|
49 %
|
x
|
79,8 %
|
x
|
85,9 %
|
x
|
67 %
|
x
|
77 %
|
77 %
|
PIB par hbt
|
x
|
USD 479,0
|
x
|
USD 376,6
|
USD 857,1
|
x
|
USD 330
|
x
|
USD 213,9
|
USD
196,1
|
x
|
USD 334,5
|
USD 635,7
|
USD
654,5
|
Source : Rapports annuels de
la zone franc 2003 et 2004 établis par la Banque de France et la
BCEAO
Au regard de ses indicateurs macro-économiques, le
Niger se devait de renforcer ses actions de lutte contre la pauvreté
pour impulser une dynamique nouvelle aux activités économiques
dans leur diversité. Les performances économiques actuelles ne
sont pas a même de favoriser en moyen et long terme l'atteinte des
objectifs du millénaire du point de vue des ressources mobilisables au
niveau national. En effet, avec un PIB par tete d'habitant
des plus bas de la région Ouest-africaine et une
économie fortement tributaire du secteur primaire et oil l'essentiel des
emplois salariés est pourvu par l'Etat et ses démembrements, il
serait difficile de s'attendre a des ressources importantes pour le
trésor public. Des lors que les revenus des populations sont
limités, il est illusoire de s'attendre a ce que leur part contributive
aux ressources dues a l'Etat soit conséquente. Aussi, si le systeme
fiscal en vigueur, du fait des lacunes qui le caractérisent, n'arrive
pas a mobiliser cette part si modeste soit-elle dans sa totalité, il est
également illusoire de s'attendre a une intervention efficace de la
puissance publique dans le processus de développement économique
et social.
L'accroissement des ressources fiscales pour financer les
politiques publiques est fortement lié a une politique économique
dont les enjeux sont clairement définis et compris de tous les acteurs.
En d'autres termes, l'Etat doit renforcer son role d'encadrement,
d'accompagnement et d'encouragement a l'entreprenariat privé et a la
modernisation des pratiques économiques et commerciales a même de
renforcer la visibilité de l'économie nationale. Les
informalités économiques sont a tout point de vue néfastes
au développement économique du pays, car l'opacité
qu'elles créent et entretiennent n'est ni source de confiance entre les
acteurs économiques eux-mêmes d'une part et d'autre part entre ces
derniers et l'Etat. La forte informalisation des activités
économiques au Niger pose un sérieux probleme en matiere des
statistiques indispensables pour le suivi des indicateurs économiques en
vue d'apporter les ajustements et réaménagements
nécessaires pour améliorer le systeme. A titre d'exemple, le
Niger considéré comme un pays d'élevage est incapable de
fournir des statistiques fiables non seulement sur l'importance
numérique du cheptel national ni sur le nombre de tête de bovins
ou d'ovins exportés chaque année vers le Nigeria.
La clé de réussite réside sans nul doute
dans des réformes économiques, financieres et institutionnelles
devant garantir un meilleur essor des activités économiques et
commerciales, une meilleure gestion des ressources de l'Etat et une
réelle appropriation par les citoyens de l'Etat et de ses
démembrements dans une logique de développement participatif. Le
malaise est général, le manque de confiance des gouvernés
a l'égard des gouvernants est pesant et l'espoir semble
s'éloigner de jour en jour. Dans ces conditions, l'appropriation de
l'Etat par les citoyens voire l'amour de ce que nous pourrions appeler «
patrie » et qui sont les préalables indispensables a la formation
d'une citoyenneté responsable et consciente d'ellemême, sont loin
d'être une réalité. Pourtant, ni l'Etat, ni les citoyens ne
peuvent remplir leurs obligations mutuelles sans une reconnaissance de part et
d'autre. Pour y remédier, l'alternative serait comme le proposait J.P.
Olivier de Sardan, d'inventer « de nouvelles formes de gouvernance ((
par en bas h (au niveau des services élémentaires de l'Etat) et
a
construire peu a peu de nouvelles cultures citoyennes (a
l'interface entre administrations et usagers). »148
En somme, pour parvenir a éradiquer la pauvreté
au tout au moins la réduire avant de parler de développement pour
le Niger, nous sommes tenté de reprendre a notre compte, quelques-uns
unes des recommandations tirées du bilan économique du Niger de
l'UEMOA datant de mars 2002. Il s'agit en substance d'améliorer la
mobilisation des ressources internes par l'élévation des taux de
recouvrement et de la pression fiscale, de soutenir les programmes de
micro-crédits a l'attention de la paysannerie pauvre, d'appuyer la
politique de promotion du secteur privé, de créer un cadre
attractif a l'investissement privé pour attirer les capitaux
extérieurs, d'accroitre les investissements productifs pour
améliorer la structure du PII3 et renverser la tendance a
l'informalisation de l'économie, d'améliorer les capacités
institutionnelles, humaines et techniques de gestion de l'économie,
etc.. En tout état de cause, ces mesures ne valent que ce que voudront
bien les gouvernants et gouvernés pour le bien de leur pays et
également de la bonne volonté des divers partenaires a
accompagner le Niger dans la voie qu'il se saurait tracer pour sortir de la
pauvreté et garantir un meilleur avenir a ses fils et filles.
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