b. Le régime militaire et d'exception
Le régime militaire en mettant fin au cours de
l'histoire de la 1ere République, prenait l'engagement non
seulement de corriger les erreurs de l'ancien régime, de garantir la
paix, la sécurité, l'unité nationale, mais aussi et
surtout l'engagement qu'aucun nigérien ne mourra plus de faim ni de
soif. La politique d'aménagements hydro - agricoles et le projet
manqué du barrage de Kandadji sensé rendre le Niger
indépendant au plan énergétique et lui garantir
l'autosuffisance alimentaire, s'inscrivaient dans cette dynamique. Ce
régime pouvait alors fixer ses ambitions, car le pays traversait l'une
des plus fastes phases de son histoire économique du fait principalement
de l'exploitation de l'uranium. Ainsi, les rentrées fiscales
découlant de la plus grande vente de l'uranium dans cette période
ont, a elles seules, constitué 20,38% des recettes fiscales
totales92. C'est dans cette euphorie d'une santé
financiére retrouvée que le Niger supprima l'impOt de capitation
en 1978 alors que ce dernier représentait plus de 30% des recettes
fiscales dues aux impOts directs. La conséquence de cette mesure s'est
traduite, comme le soulignait Françoise DANANT, « par une plus
forte pression fiscale exercée sur les autres contribuables : les
sociétés, les salariés, ainsi que les consommateurs,
davantage soumis aux taxes indirectes intérieures
>>93.
Il a été observé que dans la
période de 1971 a 1976, marquée par une balance commerciale
positive en raison de l'accroissement de la valeur de la somme des exportations
et des importations a un taux de 19% l'an de 1971 a 1976, une tendance a un
effort fiscal a été observée. Cependant, cette tendance va
fléchir dans la période de 1976 a 1979 a cause essentiellement de
la trés forte confiance des autorités sur les recettes
liées a l'exportation de l'uranium et avec la suppression, comme
déja indiqué, de l'imp,t de capitation en 1977. L'abandon de cet
impOt s'expliquait aussi par la relative bonne santé des
sociétés et offices d'Etat qui fonctionnaient en plein
régime et qui constituaient une importante source de rentrée
financiére pour le Trésor public. En effet, l'idéologie du
régime en place, bien qu'il soit un pays non aligné,
n'était pas trts éloignée des pays soviétiques en
matiére économique, car il faisait reposer toute la
fiscalité sur les entreprises publiques, en termes de
bénéfices précalculés. D'ailleurs, en cas de
tension de trésorerie, l'Etat faisait payer a ces entreprises, leurs
92 Ari Tanimoune Oumarou El.Naser, La performance
fiscale au Niger. Essai d'évaluation quantitative, Mémoire
de mattrise d'économie générale, Université Abdou
Moumouni de Niamey, 1994, p.3
93 Ibidem, p.210
impôts par anticipation. Toutefois, de 1979 a 1981, les
autorités nigériennes vont prendre quelques mesures visant a
renforcer l'impôt sur la consommation des biens et services, car au
moment oii la consommation des ménages a cru de 18,5%, les impôts
sur la consommation des biens et services ont cru a un rythme soutenu de 25,4%
en moyenne par an94.
En tant qu'indicateur économique permettant
d'évaluer l'aptitude d'un Etat a collecter les impôts et taxes
relativement a une base imposable clairement définie, c'est dans la
période de 1977 a 1981 que le taux de pression fiscale globale (ratio
recettes fiscales totales sur PIB) a atteint son plus haut sommet, grace a la
bonne santé du marché de l'uranium. Ce taux a progressé a
un rythme moyen de 3% l'an, pour atteindre le taux historique de 12,61% en 1980
contre 9,56% en 1977. A partir de 1981, il avait entamé sa
décroissance pour stagner a environ 8% entre cette date et 1991,
période pendant laquelle le Niger a connu ses premiers programmes
d'ajustement structurel. L'évolution de la pression fiscale au Niger
dans la période allant de 1971 a 1991 oscillait entre un taux normal de
8,55% et un taux effectivement observé de 8,52% en faisant ressortir
quelques tendances liées a des événements
économiques particuliers.
La période allant de 1981 a 1987 fut marquée par
des mesures d'ajustement structurel, sur l'initiative de l'Etat lui-même
ou sous l'égide des institutions financiéres internationales.
Mais, c'est a partir de 1982 que le Niger s'engagea véritablement dans
une réforme fiscale dans le cadre d'un programme d'ajustement structurel
entrepris avec l'appui de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire
International. Il s'agissait a travers cette réforme, de mettre en place
un systeme fiscal « qui génere des recettes, qui soit
économiquement incitatif, qui ait une progressivité globale et
qui soit administrativement faisable»95, d'oii, entre
autres, l'institutionnalisation de la TVA a partir de 1986. Néanmoins, a
partir de 1987, l'effort fiscal connaitra une tendance a la baisse, en raison
notamment du contexte politique marqué par la fin du régime
d'exception, sous le régne du Général Seyni KOUNT CHE. Sa
disparition en novembre 1987, suivie de la période de
décrispation décrétée par son successeur, a quelque
peu affaibli l'autorité de l'Etat. Il s'en est suivi un incivisme fiscal
et un changement dans la structure économique du pays du fait de
l'accélération progressive des informalités en
matiére économique.
94 Ari Tanimou Nasser, op. cit., p.10
95 Kiari Liman Tinguiri, « Réformes
fiscales, génération de ressources et équité en
Afrique subsaharienne durant les années 1980 », Fiscal Policy
and the Poor, Giovanni Andrea Cornia(dir.), Economic policy series,
N°41, mars 1994, p.28.
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