Politique fiscale et informalités économiques au Niger( Télécharger le fichier original )par Moussa Sahirou Tchida Institut universitaire d'études en développement de Genève - Diplôme d'études approfondies (DEA) 2005 |
2.3 Gouvernance politique, économioue et fiscale du Niger de l'indépendance a nos loursDepuis l'accession du Niger a l'indépendance le 3 aofit 1960, son histoire politique et économique fut particuliérement marquée par trois importantes périodes qui se rapportent a la 1ere République (1960-1974), ensuite a la période militaire ou d'exception (1974-1989) et enfin a la période de décrispation et d'ouverture démocratique (1987 a nos jours). Si le principal credo de chacune de ces périodes, indépendamment du régime en place fut, reste et 80 Jean-Marc GASTELLU, «Fiscalite, monetarisation, marche : quelques questions », op.cit, p.77 81 Michel Aglietta, André Orléan(Dir.), La monnaie souveraine, Editions Odile Jacob, Paris, septembre 1998, p.308 82 Idrissa Kimba, 1998, « Histoire des douanes nigériennes : la premiere expérience d'une administration douaniere ou l'échec d'une politique économique, 1898-1918 », La France d'Outre-mer. CHEFF, p132. 83 G. Blundo et J.-P. Olivier de Sardan(dir), La corruption au quotidien en Afrique de l'Ouest, Imprimerie France Document, Marseille, Février 2002, p120 84André SALIFOU, op.cit., p.119 85 Claude RAYNAUT, op.cit, p.161 demeure le developpement economique et social du Niger, bien des differences les separent. En effet, la premiere periode au depart democratique, etait economiquement exsangue et tout etait a construire. La deuxieme periode sous domination militaire et qui finira par une ouverture democratique, a ete economiquement plus avantagee avec notamment l'entree du Niger dans le cercle des pays producteurs d'uranium dans un contexte international marque par la guerre froide. La troisieme periode enfin, politiquement engagee dans la reforme democratique des institutions, sera neanmoins confrontee a la chute des revenus de l'uranium, a la reprise des relations avec les institutions financieres internationales, a la gestion d'un important stock de dettes, a la difficile mise en ceuvre du PAS et a des tensions sociales et politiques graves. Graphique /: Evolution des recettes fiscales totales au Niger de /960 a 2004 (Recettes brutes en unités de milliards de F CFA) 2 0 0 1 5 0 1 0 0 5 0 0 R e c e tte s fiscales to ta le s P IB par t8 te constant e n m o n n a ie locale Sources : FMI, BM*, UEMOA**MP/MF*** A chacune de ces periodes, la politique fiscale a ete orientee en fonction des besoins de l'Etat en ressources financieres et des priorites qu'il s'est fixees. Au Niger comme ailleurs, l'adoption d'une politique fiscale determinee constitue un indicateur majeur de la nature de la politique economique et des orientations qu'un Etat donne a l'activite economique dans sa sphere territoriale et dans ses relations economiques avec d'autres pays. La fiscalite est alors loin d'être neutre et marque la volonte politique des Etats, non seulement de se doter des ressources pour assumer leur souverainete, mais egalement pour impulser une certaine dynamique a l'activite economique dans son ensemble. La fiscalite trouve alors toute sa place au cceur du systeme economique, lorsqu'on considere que l'economie est un « ensemble de phenomenes de la vie courante, qui ont trait, notamment, a la satisfaction des besoins, a la production des biens et services, a l'emploi des ressources limitées, a l'accroissement des richesses, aux prix, aux salaires, etc. »86 Le systeme fiscal nigérien est dans l'ensemble calqué sur celui de la France du point de vue de l'organisation de l'administration fiscale, des terminologies utilisées et même de la procédure budgétaire qui le détermine a travers l'adoption de la loi des finances et la loi de reglement qui rend compte de l'usage qui en a été fait. Le Niger tout comme l'ensemble des pays membres de l'UEMOA et de la CEMAC, ont adopté les cinq principes budgétaires de la France que sont l'unité budgétaire, l'universalité budgétaire, l'annualité budgétaire, l'équilibre budgétaire et la spécialité budgétaire87. Sur le plan purement fiscal, l'essentiel d'impôts et taxes applicables en France le sont au Niger en dehors, entre autres, de l'impôt sur la fortune, de l'impôt sur la succession et la donation pour ne citer que ceux-là. Cependant, la comparaison s'arrête là, car beaucoup de lacunes administratives ne permettent pas de suivre selon les regles les procédures idoines pour non seulement imposer correctement, mais aussi pour recouvrer ou pour régler certains contentieux fiscaux. Cela pourrait s'expliquer par la différence des contextes socioculturels, de la longue tradition budgétaire et fiscale de l'Etat francais, du sens de la chose publique et de la citoyenneté et sans oublier le niveau de développement économique et social. En quarante ans d'existence pour un pays qui est parti de rien, il est pratiquement impossible, malgré les avancées enregistrées, de mettre en place un systeme fiscal adapté et efficace. Pourtant, cela n'est pas une excuse, car la nécessité de collecter l'impôt partout oil il se trouve est non seulement une question de souveraineté, mais aussi d'équité et de justice sociale, en ce sens qu'il n'y a pas de raison a ce que certains s'en acquittent et que d'autres y échappent. a. La premiere Republique de /960 a /974Cette nouvelle ere qui marqua la fin officielle de la colonisation, fut accueillie avec un grand espoir pour les populations nigériennes qui allaient devoir se prendre totalement en charge, avec une direction qu'elles auraient elles-mêmes porté au pouvoir a travers le suffrage universel. Les grands défis des nouvelles autorités, c'était d'abord de parachever l'ouvre d'unité nationale entamée par les colonisateurs d'une part et d'autre part, de jeter les bases d'un développement économique et social de l'ex-colonie la plus défavorisée par rapport aux 86Robert MOSSE, Introduction a l'economie, Ed. Petite Bibliotheque Payot, Paris 1968, p.10 87 Marr itt Claassens et Len Verwey, « Comprendre le processus budgétaire dans les pays d'Afrique francophone », Budget Watch, Septembre 2004, visualisé sur http://www.idasa.org.za. autres pays de la sous région en adoptant le modéle d'industrialisation par substitution a l'importation. Cette période constituant une phase de construction nationale, les pouvoirs publics avaient un grand besoin en ressources pour alimenter les fonds publics en vue de mettre en place les infrastructures de base, former les cadres et agents de l'Etat, encadrer les populations et assurer le fonctionnement régulier de l'administration. Pour ce faire, l'Etat ne pourrait compter que sur les parts contributives des populations dont la quasi-totalité ne vivait que de l'agriculture et de l'élevage. La puissance publique maintenait ainsi une énorme pression sur les populations pour recouvrer le maximum d'impots possible, en plus de la loterie obligatoire88 qui fut instituée. Cette pression fiscale se traduisait en 1971en termes de charges pour les chefs de famille, par la multiplication par quatre du kilogramme de leurs récoltes en mil et arachide qu'ils doivent vendre pour payer l'impOt d'une personne. A titre indicatif, il a été relevé contrairement a ce qui a été indiqué en 1948 et 1959(voir p.43) que le paysan devrait vendre 90 kilogrammes de mil ou 70 kilogrammes d'arachides pour s'acquitter de l'impOt d'un membre de sa famille. Les estimations faisaient ressortir que la ponction fiscale absorbait environ 60% de la masse des revenus agricoles des paysans89. Néanmoins, du point de vue de l'administration fiscale elle-même, le Niger n'était pas bien doté, car la pénurie en personnel dans le domaine des finances publiques, a conduit les autorités de l'époque a signer un accord avec la France. Aux termes de cet accord en date du 7 octobre 1959, le Niger confiait la gestion de son Trésor au Trésor francais90. La rareté des ressources internes quant a elle, a entrainé une politique fiscale hardie avec une prédominance d'impots directs dont la part dans les recettes totales de l'Etat au courant des années 1960 est la plus élevée des autres pays de la zone franc. Cette catégorie d'impOts se décomposait en impOt sur le revenu, impot du minimum fiscal, en taxe sur le bétail ainsi que des patentes et licences. Malgré le manque d'un personnel qualifié et des méthodes efficaces et efficientes d'imposition et de recouvrement, l'administration fiscale a réussi a augmenter de 22% les recettes en matiére d'impots sur le revenu entre 1964 et 196991. La politique fiscale de la période des années 1960, en tenant compte des disparités régionales, avait fixé le taux de l'impot du minimum fiscal (impot de capitation) en fonction des catégories des contribuables, du potentiel économique de la région ou de la localité 88 Pour mobiliser plus des ressources, le régime de Diori Hamani institua une loterie dont le jeu est devenu obligatoire pour les citoyens. Les populations doivent jouer non pas pour le plaisir de gagner, mais pour éviter des déboires. 89 Claude RAYNAUT, op.cit., p.167 90 FMI, Etudes generales sur les economies africaines, T3, Washington, 1970, p.462 91FMI, op.cit, p.466 considérée et même a l'intérieur d'une même localité. C'était le cas de la capitale oil les résidents et les non-résidents n'étaient pas soumis au même taux, en ce sens qu'au moment oil l'imp,t du minimum fiscal était fixé a 1.240 F CFA pour les résidents, il était de 950F CFA pour les non-résidents. La même logique prévalait entre les régions, car au moment oil le résident de Niamey payait 1.240F CFA, celui d'une région comme Agadez (l'une des plus pauvres du pays) payait 300 F CFA seulement, soit le tiers de ce qui était payé par le résident de la Capitale. Les recettes provenant de l'impOt du minimum fiscal représentaient 27% des 37% que représentaient les impots directs sur les recettes fiscales totales en 1969/1970. Le succés de son recouvrement peut être mis sur le compte de l'implication des autorités coutumiéres (auxiliaires de l'administration) qui faisaient jouer la proximité d'avec leurs administrés et aussi, faut-il le souligner, l'usage, parfois, de la force par certaines autorités administratives pour amener les contribuables a s'acquitter de leurs impOts. Les impots indirects, sont de loin la catégorie d'impots la plus importante perçue par l'Etat du Niger dans la période des années 1960/70. ils étaient composés des droits d'importation et d'exportation, des taxes sur les chiffres d'affaires ainsi que d'autres taxes de consommation. Les droits a l'importation constituaient la principale source des recettes fiscales de l'Etat dans la catégorie d'impots indirects, en raison notamment de la faiblesse du tissu économique et industriel qui faisait que le Niger importait l'essentiel de ses biens d'équipement et de consommation. En effet, les droits d'importation qui étaient constitués des droits de douane et d'autres taxes (taxe statistique, taxe de recherche, taxe de conditionnement, taxe d'entreposage, etc.), représentaient 38% des 53% des recettes totales en matiére d'impots indirects en 1969/70. Quant aux droits a l'exportation qui représentaient 15% des 53% des impots indirects toujours en 1969/70, ils sont constitués du droit fiscal de sortie et des taxes de statistique, de recherche, d'entreposage, de conditionnement, etc. A partir des années 1970, la structure économique du Niger changea radicalement avec l'arrivée dans la gamme des produits d'exportation, des produits miniers (uranium, principalement). En effet, les exportations nigériennes étaient jusque la dominées par les produits agricoles de rente (arachide et ses dérivés, le coton, etc.) ainsi que des produits et sous produits d'élevage (bétail, cuirs et peaux). C'est a partir du moment oil le régime de la 1ere République commenca a tirer profit de la rente uranifére qu'il fut renversé par les militaires qui lui reprochaient la mauvaise gestion de la famine qui secouait les populations, la gabegie, la corruption et bien d'autres maux. Mais, il est a mettre a l'actif de l'ancien régime, la création d'un grand nombre d'unités industrielles, de la banque nationale de développement (BDRN) de la caisse nationale de crédits agricoles ( CNCA) et bien d'autres infrastructures économiques, sans oublier toutefois, les nombreuses et multiples atteintes aux droits et libertés individuelles et collectives. |
|