2.2 Politique économique et budgétaire du
Niger sous tutelle française
Aprés les missions de reconnaissance au cours
desquelles des accords et traités avaient été
signés entre les missionnaires et les différentes chefferies,
ainsi que la conquête coloniale qui, par moment et par endroits a
été assez violente, l'espace du Niger est totalement et
officiellement tombé sous la tutelle francaise par l'arrêté
du 11 aotit 1898 de Porto Novo qui l'organisa en « Cercle de Moyen Niger
». En faisant économie des différentes phases qui ont
conduit a son érection en colonie en 1922, le Niger était
considéré économiquement sans valeur du fait de l'absence
« des produits agricoles commercialisables, difficultés de
transport insolubles pour les quelques exportations possibles, distances
s'opposant a un commerce rentable du bétail, seule richesse
certaine »78. Pire, le pays était en permanence
sous la menace d'une famine comme celle de 1914 qui fut assez sévere en
décimant des dizaines de milliers de personnes et d'autres s'en sont
suivies en 1919, 1930, 1974, 1984, etc.
Pays a vocation agropastorale, le Niger ne dispose que de
300.000km2 de terres cultivables soit le quart des 1.267.000Km2 de sa
superficie totale et également 300.000km2 favorables a l'élevage.
Pourtant, ces surfaces de culture et d'élevage se
rétrécissent d'année en année sous la menace de la
désertification, mais aussi de la démographie galopante. Pour
faire
77 Sanoussi Tambari Jackou, Hebdomadaire, « La
Roue de l'Histoire », N° 257 du 20 juillet 2005
78 Edmond Séré de
Rivieres, op.cit, p.281
face aux besoins alimentaires d'une population croissante, les
paysans furent encouragés a étendre les superficies cultivables
en les faisant passer de 988.000 hectares en 1954 a 1.887.000 hectares en 1963.
L'un des obstacles majeurs pour le développement économique du
Niger a l'époque était la faiblesse du secteur de transport pour
un pays vaste et enclavé distant de plus de 1000km du port le plus
proche et oil l'automobile n'est véritablement apparue qu'en
192079. Cependant, le commerce prit un regain de dynamisme avec
notamment l'introduction et le développement des cultures
arachidiéres et les échanges particuliérement intenses
avec le Nigeria.
La faiblesse des ressources de la Colonie du Niger face a des
besoins importants en infrastructures sociales et économiques faisait
que les recettes intérieures mobilisables ne suffisaient pas sans
assistance de la Métropole. Pourtant, indépendamment de la
faiblesse économique et de la pauvreté de la population indigene,
il était indispensable au nom du principe de la o responsabilité
de souveraineté » de prélever l'imp,t en plus de celles
d'assurer la paix et la justice. Dans un premier temps, l'administration
coloniale procédait a des prélévements périodiques
en nature (sacs du mil, sorgho, bétails, etc.) pour assurer les besoins
des troupes. Ce prélévement que les autorités coloniales
considéraient comme fiscal, apparaissait aux yeux des populations
indigenes comme un tribut de la paix, symbolisant ainsi l'Armistice
signé entre leurs chefs et les colons et qu'elles qualifiaient alors de
o Amana ». C'est avec l'instauration de l'imp,t de capitation et la
régularité avec laquelle il est prélevé, que les
populations ont fini par le comprendre comme un impOt en bonne et due forme.
C'est ainsi que, d'une région a une autre, ce dernier prendra la
dénomination locale, comme o bodo » dans l'Ader, o Karo » dans
la région de Maradi et Zinder ou de o haraj », mot d'origine arabe,
qui signifie la part du revenu qui sort.
Pour le paiement d'impots, l'administration coloniale
n'acceptait que le franc, le thaler autrichien, et le schilling. L'impot avait
non seulement pour fonction d'asseoir l'autorité coloniale, de
satisfaire les besoins de fonctionnement et d'investissement, mais aussi de
favoriser la monétarisation de l'économie. Cette
monétarisation indispensable a la modernisation de l'économie et
a la bonne collecte de l'impot, se réalisait progressivement par le
paiement des salaires des cadres et auxiliaires de l'administration coloniale
et les achats effectués par l'administration sur les marchés
locaux. Nous entendons par monétarisation au sens que Jean-Marc Gastellu
lui donne en tant qu'il s'agit «non pas la création de la
monnaie, mais l'extension d'une monnaie introduite par le colonisateur, a
pouvoir libératoire
universel »80. C'est dans le
même esprit que fut décrétée l'unification
monétaire en interdisant l'importation de piastres et de
lingots81 par arrêtés du gouverneur
général de l'Afrique Occidentale Française (AOF) en date
du 15 juin 1904 et du 20 avril 1910. Ces mesures visaient aussi a mieux
controler la circulation monétaire et surtout a créer les
conditions d'une collecte plus efficace d'impots.
Le premier impot institué dans ce qui était le
3e Territoire militaire du Niger est l'impOt de capitation et celui
sur le bétail avant que le premier régime douanier ne soit
implanté en 1913. En 1918, ce régime sera supprimé avant
d'être rétabli en 193882. Durant pratiquement toute
l'époque coloniale et jusqu'à nos jours, la douane se
révéle être la principale source de revenus de l'Etat en
trainant toujours avec elle, cette image peut reluisante d'être, pour les
populations, «comme un corps de ponction et de racket au profit du
colonisateur »83. Les procédures du reglement de
l'imp,t donnaient souvent lieu a des exactions, des violences physiques pour
obliger les plus réticents a s'en acquitter comme le prévoyait le
Code de l'indigénat en cas d'« entrave ou mauvaise volonté a
l'occasion de l'établissement, de la répartition ou de la
perception des charges fiscales »84. En termes réels,
pour s'acquitter de l'imp,t forfaitaire appliqué aux actifs du
même sexe, les chefs de famille en milieu rural devraient vendre a titre
indicatif, 20 kilogrammes de mil ou 17 kilogrammes d'arachide par personne en
1948 et 40 kilogrammes de mil et 27 kilogrammes d'arachides en
195985.
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