Chapitre V : Le renouvellement des théories
I. Cadre d'analyse de renouvellement de la
régionalisation
Ce renouveau du régionalisme dans un contexte de
mondialisation a conduit à un renouvellement analytique. A la
différence de ce concept des années 50, archétype des
théories des unions douanières (Viner), l'intégration
régionale ne porte pas seulement sur les échanges commerciaux.
Elle concerne les flux de capitaux et de travailleurs, la mise en place d'un
environnement institutionnel commun ou la coordination des politiques
permettant des convergences des économies et un ancrage des politiques
économiques.
L'analyse de la régionalisation est renouvelée dans
le cadre :
*De l'économie institutionnelle mettant en avant le
rôle des organisations et des règles, *De la nouvelle
géographie économique,
*Ou de la nouvelle économie internationale en concurrence
imparfaite et de l'économie internationale.
L'espace régional est ainsi un lieu de recomposition des
pouvoirs publics et privés et des stratégies des acteurs
nationaux et internationaux dans un contexte de mondialisation.
I.1. La nouvelle géographie économique
Selon une conception géographique, l'intégration
se caractérise par des effets d'agglomération et de polarisation.
D'un côté, il y a réduction des distances et, a priori,
réduction du rôle de la proximité géographique en
liaison avec les révolutions technologiques et le poids des
échanges immatériels. Mais, de l'autre, on observe le rôle
des territoires créateurs d'effets d'agglomération.
La dissémination des activités réduit les
coûts de distance mais elle interdit les effets d'agglomération.
Il y a d'autant plus de chance d'observer une polarisation que les coûts
de distance sont faibles et que les économies d'échelle sont
fortes. On observe alors une concentration de la production industrielle
là ou les marchés sont importants. Il peut en résulter des
processus cumulatifs renforçant les différenciations entre les
centres et les périphéries. Ces effets centripètes peuvent
être contrecarrés par des différences de coûts de
production et par des rendements décroissants liés à des
encombrements des centres.
Les forces centripètes des externalités
technologiques et pécuniaires, l'existence d'un marché du travail
et les effets de liaison entre acheteurs et vendeurs au centre. Les
agglomérations d'activités dépendent principalement de
l'interaction de deux forces découlant : des rendements d'échelle
internes à la firme et des coûts de transactions.
Les forces centrifuges qui encouragent la dispersion des
activités incluent la congestion, la pollution, les autres
externalités négatives. Elles résultent d'une
mobilité des facteurs et des coûts élevés de
transport et de transaction. « P. Hugon ,2003
».
Pour que des territoires aient entre eux des échanges,
il faut des systèmes productifs permettant une taille de marché
et des produits diversifiés (et donc une complémentarité
entre des effets d'agglomération). Mais il faut qu'existent des
infrastructures d'interconnections physiques ou transactionnelles
(réseaux) et donc un capital spatial. Celles-ci conduisent
généralement plutôt à des effets de diffusion ou de
contagion de la croissance en réduisant les coûts de transport, en
favorisant les transferts de technologies ou en baissant les coûts de
transaction. Cette diffusion peut se faire par le commerce extérieur
(transfert international de droits de propriété des
marchandises), par les investissements directs (transfert de droits de
propriété des entreprises), par les coordinations non marchandes
(internalisation au sein des firmes ou des réseaux « ethniques
») ; les dynamiques de spécialisation territoriale l'emportent
alors sur les effets d'agglomération.
Dans le modèle centre-périphérie de
Krugman (1991), les industries se localisent dans un lieu en tenant compte de
l'arbitrage entre les économies d'échelle, qui favorisent la
concentration, et les coûts de transport, qui favorisent la dispersion.
Chaque industrie tente alors de desservir son marché en minimisant les
coûts de transport, c'est-à-dire en se rapprochant de la demande
locale. Cela entraîne un processus circulaire : les industries
recherchent des localisations où la demande locale est forte tandis que
la demande locale est d'autant plus forte que de nombreuses industries ont
choisi cette localisation. Ce processus est à l'avantage des grands
marchés. Paul Krugman montre alors que les conditions initiales de
l'agglomération sont parfois déterminantes pour expliquer la
concentration de l'activité économique, à mesure que se
réduisent les coûts de transport. Certains avantages comparatifs
mineurs conduisent ainsi à des divergences majeures dans
l'évolution des différents centres urbains.
Pour expliquer les concentrations géographiques
particulièrement importantes d'industries manufacturières ou de
services (clusters), Krugman (1998) s'appuie sur les
externalités marshalliennes classiques. Il montre ainsi le rôle
fondamental d'un marché du travail spécialisé qui
réduit les coûts de formation et de recrutement et attire de
nouveaux individus qualifiés, ainsi que l'importance de la
disponibilité de fournisseurs spécialisés et de
clients.
Ces avantages liés à la taille des
marchés sont renforcés dans certains lieux par des
externalités technologiques ou informationnelles liées à
l'importance de la proximité dans la transmission du savoir et des
connaissances. A ces forces centripètes s'opposent des forces
centrifuges qui expliquent que toute l'activité économique ne
soit pas localisée dans un lieu unique, et qui sont principalement dues
à l'existence de facteurs immobiles (ressources naturelles, main
d'oeuvre agricole, localisation des consommateurs), aux coûts fonciers et
aux pures dés économies externes (congestion ou pollution).
« Revues des sciences humaines, 2008 ».
Malgré des modèles stylisés, il y a peu
de preuves indiquant que les forces d'agglomération augmentent la
divergence de revenus entre pays en voie d'intégration. Il parait
probable que, suite à l'ouverture du marché, on observe une
polarisation des gains d'efficacité, avec pour conséquence que
les pays les plus faibles et les moins efficients perdront certaines de leurs
facilités de production et de revenus au profit d'emplacements plus
profitables (plus compétitifs) dans les pays partenaires et
régions avoisinants. « P. Hugon, 2003
»
Deux caractéristiques de l'économie
géographique à distinguer :
*Les rendements augmentent en même temps que la
mobilité des travailleurs cela permet de favoriser l'information
d'asymétrie régionale.
*Petite variation dans les paramètres structurels du
progrès technique cela provoque un passage soudain d'un équilibre
dispersé sans inégalités régionales à un
équilibre aggloméré avec inégalités
régionales.
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