Conclusion partielle
Les systèmes de production des zones
périurbaines de la ville de Gikongoro se caractérisent par des
petites exploitations familiales extrêmement morcelées. Pour en
tirer leur subsistance, les agriculteurs pratiquent une multitude de
systèmes et de techniques agricoles adaptés à leurs
besoins. La polyculture est le système le plus dominant qui se
caractérise par une juxtaposition de différentes cultures
vivrières sur une surface. Les techniques culturales sont exclusivement
manuelles, ce qui oblige le secteur agricole à utiliser une nombreuse
main d'oeuvre. La surface agricole est généralement
exploitée dans toutes les saisons. La pression démographique a
conduit progressivement à la suppression de la jachère et
à la diminution du nombre de bétail possédé par
chaque famille. L'agriculture de subsistance accompagnée effectivement
par la disposition aléatoire et désordonnée de l'habitat
périurbain a un impact sur l'organisation de l'espace agricole.
CHAPITRE III : ASPECTS DE L'EVOLUTION DES
SYSTÈMES AGRAIRES
Les paysages agraires des zones périurbaines de la
ville de Gikongoro connaissent différentes contraintes liées
surtout aux conditions physiques et humaines. Malgré ces
différents obstacles auxquels font face les exploitations
périurbaines, certaines stratégies sont progressivement
développées pour anticiper les conséquences d'une
fluctuation des facteurs climatiques, de faire face à la variation
saisonnière des revenus agricoles, et de limiter les risques liés
à une forte dépendance à des petites surfaces agricoles
disponibles. La solution de ces problèmes fondamentaux est à
considérer à plusieurs niveaux surtout techniques et
économiques.
III.1. LA PROTECTION CONTRE L'EROSION DES TERRAINS
AGRICOLES
Dans des zones périurbaines de la ville de Gikongoro,
l'érosion hydrique, provoquée par les eaux de pluies, est le
principal agent de la dégradation et de l'infertilité des sols
cultivables. Il est un symptôme caractérisant l'instabilité
de la structure du sol provoquée par les facteurs naturels ou la
pression de l'homme. L'augmentation de la population entraîne le recours
à tous les moyens possibles pour augmenter la production agricole ce qui
favorise la dégradation du sol. Ainsi certaines mesures pour assurer la
conservation du sol sont pratiquées afin de pouvoir augmenter la
production agricole obtenue.
Tableau 22 : Le taux d'utilisation des techniques de
protection du sol dans des zones périurbaines de la ville de
Gikongoro.
Techniques utilisées
|
Exploitants interrogés
|
Nombre des exploitants pratiquants
|
%
|
fossés antiérosifs
|
96
|
69
|
72
|
Plantations des plantes protectrices
|
96
|
46
|
48
|
Terrasse radicale
|
96
|
8
|
8
|
|
Source : Nos enquêtes, 2006.
Figure 22 : Le taux d'utilisation des techniques de
protection du sol dans des zones périurbaines de la yille de
Gikongoro.
|
8%
|
|
|
48%
|
|
|
|
72%
|
|
|
|
|
|
|
fossés antiérosifs Plantes protectrices
Terrasse radicale
|
|
|
|
Source : Nos enquêtes, 2006.
III.1.1. Les fossés
antiérosifs
Ce type de protection du sol est le plus répandu. Pour
72% des exploitants interrogés, le creusement des fossés
antiérosifs est le technique le plus utilisé pour protéger
leurs exploitations, un technique permettant le stockage des eaux de
ruissellements et des sédiments et qui favorise la formation des
terrasses progressives adoucissant le profil de la pente surtout si les talus
sont protégés par les herbes fixatrices.
Photo 9 : Les parcelles agricoles
protégées par des fossés antiérosifs
Source : photos prises en septembre 2006.
Comme le montre la photo à la page precedante, les
fossés antiérosifs bien techniquement creusés et
protégés par des plantes fixatrices protègent
convenablement les parcelles culturales. Quant les eaux de ruissellement
arrivent aux lignes de haies vives, les lignes diminuent sa vitesse en
produisant une sédimentation
des matériaux entraînés en ruissellement.
Les plus courantes sont le calliandra, le leucaena, le tephrosia, le
crotalaria, le morus et le penisetum dont ils sont aussi utilisés dans
l'alimentation du bétail.
III.1.2. L'aménagement du sol en
terrasse
Les terrasses radicales sont les plus efficaces pour lutter
contre l'érosion là où elles sont applicables. Grâce
au nivellement de la superficie, les terrasses radicales arrêtent
l'érosion à 100% et il n'y a pas des pertes de fertilisants
organiques et chimiques causées par l'érosion. Elles augmentent
la disponibilité de l'eau pour les plantes et améliorent
l'efficacité des intrants qui ne sont pas entraînés par le
ruissellement.
Tableau 23. La superficie aménagée en
terrasses radicales dans les secteurs de la Ville de Gikongoro
N°
|
Secteur
|
Terrasse radicale en
ha
|
1
|
Kizi
|
19
|
2
|
Kamegeri
|
66
|
3
|
Gasaka
|
34
|
4
|
Remera
|
20
|
5
|
Gikongoro
|
28,7
|
6
|
Ngiryi
|
27
|
|
TOTAL
|
194,7
|
|
Source : Ville de Gikongoro, 2005.
Dans tous les cas aucun groupement ne pratique les terrasses
radicales de sa propre initiative et pourtant certains en possèdent la
technique. La population dit que les travaux de terrassement radical sont trop
lourds et nécessitent beaucoup de gens. C'est ainsi que toute cette
superficie en terrasses radicales est totalement aménagée par des
ONG comme World Vision dans le cadre du projet Area Development Programme (ADP)
sous le système de Food for work (FFW) pour les gens qui le demandent et
laissent faire des terrasses radicales dans leurs propres champs. Le principe
de participation des bénéficiaires est en porte-à-faux
concernant cette activité, et certains cultivateurs attendent que
ça soit leur tour, plus motivés par le Food For Work que par la
protection de leurs terres.
Les terrasses aménagées sont
généralement inexploitées parce que les
propriétaires de ces terrasses aménagées disent que,
après le terrassement, les travaux d'entretien sont durs. La
fertilisation demande des apports massifs d'intrants.
Le terrassement radical reste le moyen le plus efficace pour
le maintien de la fertilité du sol. Dans les exploitations où les
terrasses radicales sont valorisées, la production est vraiment
considérable et l'entretien devient finalement moins coûteux.
Même les talus sont aussi valorisés par la production
fourragère permettant l'élevage en stabulation qui est la plus
génératrice de fumier.
Photo 10 ; Les terrasses radicales exploitées et
plantées de haricot
Source : photo prise en septembre 2006
A l'exemple de cette photo, les terrasses exploitées
sont toujours protégées par des plantes fourragères
permettant non seulement la protection des talus mais aussi l'alimentation du
bétail à l'étable surtout pour l'élevage en
stabulation qui est le plus générateur de fumier organique. Dans
les terrasses radicales exploitées, on pratique souvent la culture
saisonnière. Dans la plupart des cas chaque terrasse est occupée
par une seule culture.
Malgré toutes ces pratiques de lutte contre
l'érosion, les traces de dégradation du sol sont encore partout
remarquables dans le paysage agricole périurbain de la Ville de
Gikongoro. Même dans certaines zones, l'érosion est poussée
jusqu'à un niveau profond.
Photo 11 : Les surfaces attaquées par
l'érosion dans le secteur de Gikongoro
Source : photo prise en septembre 2006
Comme le montre la photo ci-haut, la surface agricole est
profondément attaquée par l'érosion, ce qui fait qu'il n'y
a plus de couche arable. Les sols à cultiver perdent
régulièrement des matériaux suite au processus
d'entraînement, de lessivage, et de transport d'éléments en
solution. Cela provoque sur les collines l'arrachement des affleurements
supérieurs humifères dont les matériaux se déposent
dans les bas fonds de faible pente. Les sols en place deviennent alors couverts
par des matériaux venant d'abord de l'horizon de surface, et ensuite de
l'horizon de profondeur des sols des collines qui sont gravement
menacées par l'érosion. Ainsi les collines perdent des couches
arables plus appropriées à l'agriculture et leurs sols deviennent
de plus en plus minces.
Dans certaines exploitations agricoles, la dégradation
du sol est à l'origine de l'entretien insuffisant ou la manque de
technicité pour le creusement des fossés antiérosifs.
Photo 12 : Une parcelle agricole menacée par
l'érosion
Source : photo prise en septembre 2006
De cette photo de la page précédente qui montre
une parcelle agricole menacée par l'érosion, les fossés
antiérosifs ne sont pas protégés et suffisamment
entretenus, ce qui provoque le débordement des eaux de pluies et
arrachement des plantes cultivés
Chacun de ces deux types de lutte antiérosive
présente des avantages mais peut aussi avoir des effets négatifs
s'ils sont mal réalisés. A titre d'exemple, les fossés
antiérosifs doivent être proportionnels à la surface
cultivable, car s'ils sont très serrés, ils diminuent la surface
de cultures. En outre l'espacement exagéré peut anéantir
leur efficacité et provoquer la création des talus peu stables.
Ainsi l'assistance continuelle des agriculteurs par des techniciens est
recommandée afin de pouvoir atténuer les effets pervers de ces
méthodes.
III.2. LES METHODES DE RENOUVELLEMENT DE LA FERTILITE DU
SOL
Un espace agricole extrêmement exploité
nécessite non seulement d'être protégé contre
l'érosion mais aussi les techniques appropriées
d'amélioration du sol qui doivent y être appliquées. Vu
l'acidité des sols périurbains de la Ville de Gikongoro, et la
réduction progressive de l'espace agricole disponible, la fertilisation
est exigée pour pouvoir couvrir les besoins alimentaires de la
famille.
Tableau 24 : Les modes de fertilisation du sol
périurbain de la ville de Gikongoro
Amendement utilisé
|
les exploitants pratiquants
|
Pourcentages
|
Fumier organique
|
87
|
76
|
Chaux
|
15
|
13
|
NPK
|
13
|
11
|
TOTAL
|
115
|
100
|
|
Source : Nos enquêtes, 2006
Figure 23 : Les modes de fertilisation du sol
périurbaine de la ville de Gikongoro
|
11%
13%
|
|
|
|
|
|
|
|
76%
|
|
Fumier organique Chaux NPK
|
|
|
|
|
Source : Nos enquêtes, 2006
II.2. 1. La fertilisation organique
La fertilisation organique est le mode le plus dominante dans
l'amélioration du sol. Pour 96 exploitants interrogés, 76% des
réponses obtenues sont en faveur de ce mode de fertilisation. Le
renouvellement de la fertilité du sol est généralement
assuré par le fumier provenant des déjections du bétail,
des déchets domestiques et des résidus de récolte. Les
principaux fournisseurs de ces différents éléments
composant la matière organique sont d'une part les résidus de
récolte surtout le sorgho, le maïs, les haricots et les patates
douces, et d'autre part les plantes fourragères servant d'alimentation
au bétail.
La fertilisation par la matière organique impose aux
exploitants de disposer d'une compostière dans laquelle les
déchets doivent être rassemblés et compostés.
« La compostière est un fossé dont la profondeur est
comprise entre 50 et 60 cm et qui est protégé par une couverture
végétale morte afin d'éviter la fermentation
anaérobie et
réduire les pertes des compostage »
(GOUD. B, 1993) Pour des raisons culturales et environnementales la
population estime nécessaire de disposer, dans chaque ménage,
d'une compostière dans laquelle elle déverse les résidus
organiques de l'exploitation et les déchets domestiques. A la
maturité, le fossé est vidangé et le compost est
épandu sur les terrains mis en culture. La compostière est aussi
utilisée pour accueillir les déjections provenant de
l'étable. Les résidus de la récolte sont soit directement
déversés à la compostière ou transitent par
l'étable. Les méthodes de creusement et l'utilisation de la
compostière sont généralement appliquées
correctement de façon qu'elles procurent une importance
considérable dans la fertilisation du sol et dans l'amélioration
de la production agricole.
II.2. 2. Les autres amendements utilisés dans la
fertilisation du sol
A part les déjections du bétail, les
déchets domestiques et les résidus de récolte, certains
exploitants font aussi recours à d'autres amendements chimiques mais la
proportion reste faible. Les plus couramment utilisés sont la chaux et
le NPK qui représente respectivement 11% et 13% (tableau 24) parce que
ce sont eux qui sont disponible sur le marché.
Le succès du système de
régénération du sol est généralement
défavorisé par le manque des amendements suffisants. Le fumier
organique, qui provienne généralement des déjections des
déchets du bétail n'est pas disponible en quantité
suffisante. Pour les autres amendements comme la chaux et le NPK, ils sont
souvent utilisés sur des cultures particulières comme les
légumes, les pommes de terre, parce que les moyens économiques
des exploitants ne permettent pas de se procurer d'une quantité
suffisante pour toute la surface agricole.
III.3 L'INTEGRATION DE L'ELEVAGE DANS
L'AGRICULTURE
L'élevage a des effets fortement considérables
sur l'évolution de la production agricole. D'une part, il permet de
valoriser les résidus de récolte et la végétation
des dispositifs antiérosifs qui sont affouragés aux animaux.
D'autre part les animaux produisent du fumier, qui contribue directement au
maintien de la fertilité du sol et en même temps à
l'amélioration de la production agricole.
rapidement mobilisable en cas de besoins monétaires
soudains et fournit en même temps un engrais hautement
apprécié. La production laitière revêt dans la
plupart des cas une importance secondaire.
Tableau 25. La distribution du cheptel dans les secteurs
de la Ville de Gikongoro
Secteur
|
Vaches de
race locale
|
Vaches croisées
|
chèvres
|
Moutons
|
Porcs
|
Poulet
|
Lapin
|
Gikongoro
|
614
|
17
|
843
|
147
|
695
|
814
|
522
|
Ngiryi
|
569
|
9
|
802
|
155
|
789
|
668
|
582
|
Kizi
|
451
|
21
|
489
|
247
|
642
|
561
|
362
|
Gasaka
|
368
|
30
|
550
|
139
|
295
|
675
|
257
|
Remera
|
419
|
6
|
345
|
135
|
600
|
440
|
488
|
Kamegeri
|
633
|
10
|
572
|
285
|
596
|
657
|
332
|
Total
|
3054
|
93
|
3601
|
1108
|
3617
|
3615
|
2543
|
Possession par ménage
|
0.54
|
0.01
|
0.64
|
0.19
|
0.64
|
0.64
|
0.45
|
|
Source : Ville de Gikongoro, 2005
Le système d'élevage extensif reste
généralement le plus répandu. Les bovins sont menés
au pâturage et gardés par de jeunes garçons. Dans la
période de pénurie fourragère, les bovins reçoivent
une alimentation complémentaire sous forme de résidus de
récolte. L'élevage en stabulation est encore l'exception ce qui
fait qu'une grande partie de fumier n'est pas
récupérée.
Dans les exploitations possédant peu de surface, les
caprins et les ovins remplacent les bovins. Les chèvres sont les plus
répandues et appréciées pour leur viande. Elles sont
normalement mise au piquet , le long des champs et sur le bord des chemins et
des pistes, tandis que les moutons sont gardés en même temps que
les bovins. Les porcs sont relativement rares. Ils se trouvent en concurrence
avec l'homme pour leur alimentation. Les lapins et la volaille sont aussi
disponibles surtout dans les exploitations dotées de surfaces agricoles
peu étendues.
III.3.1. L'association de l'agriculture et de
l'élevage
Le système d'association de l'agriculture et de
l'élevage joue un rôle essentiel dans l'évolution du
paysage agraire au Rwanda. Comme le souligne MANIRAHO S (1976), "la
meilleure source d'humus la plus abondante, du moins potentiellement, c'est le
fumier du bétail spécialement les vaches», apport
appréciable pour les zones
périurbaines de la ville de Gikongoro constitués
par des sols acides fortement exploités.
Le système d'association de l'agriculture et de
l'élevage intervient alors dans la remédiation à la
dégradation du sol. Les agriculteurs savent que le fumier organique est
l'un des moyens essentiels pour l'accroissement de la production agricole.
Malgré tout, la quantité des fumures disponibles n'est pas
satisfaisante comparablement au degré d'exploitation des surfaces
agricoles. La diminution des surfaces destinées au pâturage et
à la culture des plantes servant à l'alimentation du
bétail limite la capacité de maintenir un nombre de bétail
nécessaire à la fertilisation de la surface agricole.
|