4.2.3. Catégorie «Le processus de
réparation»
Le processus de réparation
L'espace d'expression
L'espace de dialogue
La reconnaissance des torts
Les engagements moraux
L'apaisement à l'issue de la séance
Les marques de sympathie
Les excuses formelles
Les engagements individuels
Les engagements institutionnels
Lors de la médiation, la qualité de l'ambiance
durant la séance, sereine et sécurisante, a été
appréciée :
o le climat était calme, respectueux. Il n'y avait pas
d'esprit d'animosité, la médiatrice y est pour beaucoup
(N32-p7);
o je me suis sentie en sécurité
(Q27-p4).
L'espace d'expression
Ce cadre communicationnel privilégié a permis
aux personnes d'exposer leur version des faits, d'exprimer leur vécu,
leur souffrance, leurs ressentis et d'interroger les professionnels de la
santé dans un but de clarification. L'on remarque, au travers des
propos, que l'espace de médiation concède une place à
l'expression des émotions :
o j'ai pu lui dire (M20-p4);
o ... ça m'a fait un bien immense. J'ai pu m'exprimer,
c'était un soulagement moral (R28-p5);
o j'ai dit mon ressenti. Je me suis senti très
écouté. On m'a écouté (P19-p4);
o j'ai fait part de mes ressentis, de mon sentiment
d'injustice (Q16-p4). Il a écouté, il a entendu (Q18-p4);
o j'ai beaucoup pleuré... J'ai bien pu parler, j'ai
pu dire. Jusque là, il ne savait
pas toutes les douleurs, toutes les souffrances que j'ai
vécues (K23-p3); o j'ai pu poser toutes mes questions, leur
dire ce que j'avais vécu (N21-p7);
o j'étais satisfaite d'avoir pu raconter ma fille,
pourquoi je pensais qu'elle était
tombé malade (L22-p4). Le médecin ne savait
rien de tout ça... Pour eux,
c'était un cas à traiter, pour moi, une
personne humaine... Ils étaient là, ne
disaient rien (L13-p4).
L'espace de dialogue
Trois personnes se sont exprimées sur la qualité
des échanges. Au travers de leurs propos, les dimensions
d'équité, d'authenticité et de respect mutuel sont
perceptibles :
o c'était un dialogue, un vrai (P19-p3):
o la médiation c'est une discussion, c'est calme,
c'est bien, on peut se regarder (N69-p10);
o il n'avait aucune position de pouvoir (S19-p3).
Les questions de départ ont été
honorées par des explications de la part des professionnels de la
santé dans la transparence. Les échanges d'informations et le
débat d'idées ont levé des malentendus, mis en exergue des
dysfonctionnements institutionnels et certaines limites de la médecine.
L'intercompréhension qui en a résulté est perceptible dans
les propos suivants :
o on nous a dit qu'il était insupportable. On a pu
creuser un peu (O9-p2). Il a expliqué les raisons de ce transfert en psy
fermé (O15-p3);
o le docteur m'a expliqué. Pour moi, des rayons X,
c'est un soin curatif pas palliatif (N34-p8). Par rapport aux droits des
patients, j'ai aussi compris la position du médecin : mon mari ne
voulait pas être réanimé (N33-p7);
o ... elle a compris ce que j'ai vécu et que ce
n'était pas correct. Elle ne savait pas les événements
vécus avec le Professeur. Je croyais qu'elle savait. En fait, aucun
médecin n'a communiqué avec les autres dans cet hôpital
(R24- p4);
o il a appris beaucoup sur le chaos général de
cette institution et les conséquences qu'il peut y avoir
(S47-p7);
o ils m'ont fait leur aveu d'impuissance (L34-p5).
La reconnaissance des torts
Les attentes formulées varient selon les personnes mais
elles portaient unanimement sur un besoin de reconnaissance de leur situation,
de leur souffrance et sur la validation des erreurs commises et des torts
subis.
> Les marques de sympathie
Pour certaines, l'expression de sympathie jugée
sincère ou des gestes de reconnaissance de la part des professionnels
ont suffi à la réparation :
o son attitude était humble et correcte. Je me suis
sentie écoutée. Je crois qu'ils ont compris, ils ont reconnu que
c'était traumatisant, ils ont été touchés
N27-p7).
o j'ai été reconnue (N41-p8);
o la doctoresse n'a pas donné d'excuses franches mais
une très forte compréhension. Elle a été
profondément touchée (R33-p5);
o il n'y a pas eu d'excuses parce que je ne leur demandais
rien. Je demandais juste qu'ils reconnaissent que les choses ne se sont pas
passées comme elles auraient dû. Le plus important, ça a
été les gestes de reconnaissance. (L30-p5);
o d'emblée, le Dr M. a reconnu. Il n'a pas fait
d'opposition (O14-p3);
o j'étais libéré en ce sens qu'ils
avaient reconnu l'erreur qu'ils avaient faite (O17-p3).
L'une d'entre-elle a fait part de sa satisfaction d'avoir
été reconnue dans son identité et l'on sent, dans son
propos, le sentiment positif généré par la reconnaissance
du professionnel :
o ils m'ont reconnu, moi, A, qui je suis (P20-p3).
Une autre personne s'est sentie reconnue au travers d'une
attitude d'écoute respectueuse :
o des excuses ... si j'ai reçu des excuses ? Je crois
que oui (N38-p8).Ils m'ont écouté, c'est ce qui était
important (N39-p8).
> Les excuses formelles
La qualité des excuses, jugées sincères,
a eu une répercussion positive : réconfort, assurance d'une prise
de conscience des professionnels de la santé, espoir d'une
amélioration future :
o j'ai senti qu'elle comprenait ce que je lui disais, ce
qu'elle entendait. J'ai aussi senti ses excuses sincères
(J18-p3);
o mon beau-père et ma belle-mère ont
reçu des excuses écrites et orales : c'était important
pour eux, surtout sur les mots et le comportement au moment des excuses
(S34-p5);
o apporté un réconfort dans le sens d'une
déculpabilisation (O28-p4);
o il a présenté ses excuses, ça veut
dire qu'il a pris conscience, qu'il y aura un changement à futur
(P23-p5) .
L'attitude humaine des professionnels de la santé faite de
respect, d'humilité et d'empathie dans ce moment clé a
favorisé le pardon des plaignants :
o je ne leur tiens pas rigueur : ils ont été
humbles, compatissants (N65- p10);
o j'ai ressenti avec le directeur un bon bagage de droit
et du respect de l'être humain dans ses sentiments (S18-p3). Il n'avait
aucune position de pouvoir (S19-p3).
Le manque de spontanéité et
d'authenticité lors de la présentation des excuses ainsi que la
banalisation des faits ont été identifiés par trois
personnes. Malgré l'attitude du soignant jugée supérieure
et humiliante, l'une d'elles s'est dite satisfaite de l'entendre prononcer son
mea culpa :
o il a fait ses excuses car il était obligé,
par peur (K34-p4). Sur la forme, ses excuses m'ont fait du bien (K36-p4). Ce
n'est pas à une personne égale qu'il a fait ses excuses mais
à une personne qu'il prend pour une analphabète (K54-p6);
o il me semble qu'il a fait des excuses, qu'il avait mal
évalué la situation. Je n'ai pas senti qu'il était
sincère (M14-p3). Il a dû faire des excuses pour ... je ne sais
pas trop comment vous dire... il ne pouvait pas faire
autrement.(M25-p4);
o il a tenté de minimiser les faits. Ses excuses ont
été faites à reculons (J18-p3).
Les engagements moraux
Les déclarations d'intentions formalisées dans
les contrats d'accords ont répondu aux attentes citoyennes
exprimées. Les accords ont porté sur des points
d'amélioration individuels et/ou institutionnels. L'on remarque que les
points d'amélioration retenus par les médiés, qui se sont
spontanément exprimés sur ce sujet (la moitié), concernent
principalement des aspects communicationnels liés aux droits des
patients en termes d'information, de consentement libre et
éclairé et d'accompagnement : prise en compte de la parole du
patient ou du proche dans l'approche diagnostique, renforcement de
l'écoute et de l'information, intégration des proches dans le
projet de soins :
> Les engagements individuels
Les personnes pensent avoir contribué à un
changement d'attitudes et de comportements des professionnels de la
santé au travers de leur engagement moral :
o il y a eu un engagement des professionnels à
prendre à l'avenir plus d'attention dans l'écoute, l'information
et la communication avec les patients (J10-p2);
o ... s'est engagé à être plus
attentif avec les patients qui auraient les mêmes symptômes,
d'écouter mieux les proches qui connaissent la personne
(M17-p3);
o il m'a proposé de retirer sa facture. Il s'est
engagé à me les rembourser (Q21-p4);
o il a fait un engagement moral de mieux informer
(Q44-p6).
> Les engagements institutionnels
L'on retrouve le renforcement de l'information lié au
consentement libre et éclairé. Dans le deuxième cas, la
personne s'est rappelée précisément des points d'accords :
une amélioration des transmissions concernant les directives
anticipées, le répondant thérapeutique ainsi qu'un
renforcement des transmissions verticales :
o il ne s'est pas excusé. Il m'a dit qu'il avait
fait un ajout sur le papillon d'information pour les femmes de 40 ans et plus,
l'information de se renseigner à sa caisse-maladie (Q32-p5);
o leurs engagements ont été : mettre en
place une fiche d'information sur le répondant thérapeutique dans
le dossier et un document sur les directives anticipées, mettre un
panneau indicatif à l'entrée du service pour informer qui est de
garde ... améliorer la communication en mettant en place deux
tournées du médecin-chef pour rencontrer les familles, informer
les assistants, respecter l'information en pyramide (N30-p7).
L'apaisement à l'issue de la
séance
Les médiés se sont exprimés sur le
sentiment de soulagement ressenti au terme de la séance de
médiation qui démontre les vertus thérapeutiques des
marques de reconnaissance des professionnels sur leurs blessures morales :
o ça amène du réconfort d'être
pris en compte. En procès, c'est toujours en cours, c'est jamais fini
(R31-p5);
o j'étais soulagée, contente, satisfaite ...
J'avais un tel poids sur le coeur (J9- p2);
o ça m'a énormément calmée
(N35-p8);
o ça m'a enlevé un poids, je n'y pense plus
(M26-p4);
o ça a été évacué
là-bas (M23-p4);
o j'étais satisfaite : j'ai posé ma
colère. La colère m'a fait tellement de mal (K24-p3);
o j'étais satisfaite d'aboutir (Q24-p4);
o ça m'a apporté un bien-être, a
enlevé une pression, j'étais soulagé (R34- p6);
o la qualité de la poignée de mains à
l'issue de la 2ème séance était plus
agréable. Ça rétablit un niveau relationnel plus humain
(S29-p4).
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