2.3. Conclusions
En conclusion, les pouvoirs publics ont su s'adapter aux
changements des rapports sociaux entre patients et professionnels, notamment
induits par l'apparition des droits des patients en s'efforçant, de
façon plus ou moins réussie, de créer des espaces
d'expression et de communication dans un but de régulation ou de
contrôle social, espaces dans lesquels la médiation s'est
profilée en épousant la forme de son contenant :
o modèles anglais et genevois : intervention d'un
médiateur externe, formé et reconnu par les autorités;
o modèle fribourgeois : médiateur formé,
issu de la commission de surveillance;
o modèle belge : médiateur sans formation,
collaborateur de l'institution sanitaire;
o modèle norvégien : Ombudsman externe à
plein temps, équipe d'experts;
o modèle vaudois : médiateur formé à
plein temps, promotion de la culture de la médiation;
o modèle italien : commission conciliatoire.
On peut se demander pour quelle raison la défense des
droits des patients ne concerne que le domaine hospitalier dans les pays
européens, alors que les trois instances de médiation romandes
offrent leurs prestations pour les plaintes issues du domaine sanitaire
primaire et secondaire. Qu'advient-il des insatisfactions liées aux
prestataires de première ligne tels que les médecins
installés, les services de soins à domicile ? La même
question se pose de manière générale sur le sort de
l'insatisfaction issue des institutions sociales ou spécialisées
pour personnes handicapées. Une révision de la loi de
santé publique vaudoise en cours va dans ce sens en prévoyant
d'étendre l'offre de médiation santé à tout citoyen
résidant à demeure dans une institution sociale ou
spécialisée. C'est dire que les autorités vaudoises
favorisent l'expression du plaignant et soutiennent le développement de
la démocratie sanitaire.
L'on peut envier le système anglais qui intègre de
manière manifeste la gestion des plaintes au système
Qualité global.
Il est toutefois regrettable que l'essor de l'approche
normative de la médiation reste modeste en Europe et que les politiques
s'intéressent à sa logique de gestion des conflits, alors que ses
rationalités communicationnelle et pédagogique
génèrent autodétermination et responsabilisation des
acteurs du conflit et participent à la restauration de la confiance de
la population dans son système de soin, à la cohésion
sociale et à l'amélioration de la qualité des soins. Les
autorités belges, genevoises et fribourgeoises montrent, à notre
avis, une certaine ambivalence face à la médiation malgré
son instauration. Des facteurs défavorisant son essor sont probants :
main mise des commissions de surveillance sur la saisine pour les uns, choix de
tiers non formés pour l'autre. Comment expliquer ce
phénomène. D'une part, la protection des droits des patients
incombe à l'Etat et la médiation répond à des
critères économiques et temporels avantageux (rapide, simple, peu
coûteuse). D'autre part, la symbolique de paix que le terme suscite dans
les esprits et l'aspect confidentiel du processus qui entretient une image
«mystique et occulte» peuvent engendrer une crainte de perte de
contrôle.
C'est dire la méconnaissance manifeste de la
médiation et de ses avantages et la nécessité de
promouvoir sa culture au sein de la collectivité.
Après ce survol européen, nous passons au
chapitre suivant qui présente une analyse pointue du Bureau cantonal de
médiation santé vaudois, modèle qui à notre avis
répond à l'éthique de la médiation autant qu'aux
attentes des intéressés : politiques et plaignants.
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