Du contentieux constitutionnel en République Démocratique du Congo. Contribution à l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle( Télécharger le fichier original )par Dieudonné KALUBA DIBWA Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2010 |
§1. Les loisIl s'agit de se rapporter ici à la définition formelle et organique que nous avons donnée plus loin. Les lois, en effet, recouvrent plusieurs formes selon aussi le contenu de la matière qu'elles régissent. Le caractère obligatoire du contrôle de ces normes à ce niveau implique la pratique d'un contrôle à double détente : une décision de non-conformité interdit la mise en application de la disposition censurée. C'est ce que le doyen Vedel exprime en s'interrogeant si le Conseil constitutionnel est un gardien du droit positif ou le défenseur de la transcendance des droits de l'homme. Commençons par les lois constitutionnelles. A. Les lois constitutionnelles La Constitution étant comprise comme la norme fondamentale à laquelle il ne peut être porté atteinte impunément, il faut donc considérer qu'il n'est pas logiquement admissible qu'il y ait des normes supraconstitutionnelles. On chercherait par ailleurs en vain qui serait l'auteur de pareilles normes. Le rapprochement que l'on est tenté d'établir entre les principes d'organisation démocratique communs à plusieurs Etats ou la constatation qu'il y a des traditions constitutionnelles communes à certains Etats sont des observations de grand intérêt sur le plan de la science politique mais n'ont pas de portée normative.1069(*) En droit positif congolais cependant, l'on peut affirmer que le contrôle de constitutionnalité reste ouvert lorsqu'une révision constitutionnelle est susceptible de dépasser les limites matérielles et temporelles imposées par le constituant du 18 février 2006. En effet, les dispositions des articles 219 et 220 de la Constitution induisent, à n'en point douter, une double limitation au pouvoir constituant dérivé. Mais comme l'on sait, le pouvoir constituant est toujours souverain de sorte que le non respect des formes qu'il s'est imposées est aussi l'exercice de sa souveraineté. Il faut donc conclure que le juge constitutionnel peut être a priori saisi en inconstitutionnalité d'une loi constitutionnelle en chantier sans que cette possibilité soit écartée même lorsque la loi ainsi adoptée aura été promulguée. L'effet de l'arrêt de non-conformité s'agissant d'une loi constitutionnelle sera sa non-promulgation. Mais politiquement, il est utile de remarquer que si le contrôle d'une loi constitutionnelle d'origine parlementaire reste possible, celle d'origine référendaire demeure et politiquement et juridiquement inattaquable s'agissant, on l'a vu, d'une expression directe de la souveraineté. L'obligation qui est faite aux autorités publiques de saisir le juge constitutionnel avant la promulgation des lois organiques a pour effet de purifier lesdites lois avant leur insertion dans l'ordonnancement juridique. Prenant appui à la Constitution du 18 février 20061070(*) et à celle de la transition1071(*), le Président de la République a, le 23 août 2006, saisi la Cour suprême de justice pour solliciter l'examen de la conformité à la Constitution de la République Démocratique du Congo et à celle de la transition de la loi organique portant statut des magistrats. Examinant ledit recours, la Cour a rendu le 08 septembre 2006 l'arrêt R.Const.36/TSR1072(*) dans laquelle elle a déclaré ladite loi conforme à la Constitution. La non promulgation en cas de contrôle juridictionnel ayant abouti à la non-conformité est la sanction qui frappe ce type de lois ; cependant, si malgré cet arrêt de non-conformité, le Chef de l'Etat promulgue quand même la susdite loi organique, pour des raisons qui lui seraient propres, il convient d'observer qu'il commettrait ainsi une violation intentionnelle de la Constitution1073(*) qui relève désormais du droit constitutionnel pénal que l'on a vu plus haut. Les lois ordinaires, quelle que soit la catégorie à laquelle elles appartiendraient, restent soumises au contrôle préalable de constitutionnalité au voeu du constituant. Lorsque le juge aboutit sur pied de l'article 160, alinéa 3 de la Constitution à une déclaration de non-conformité, la sanction demeure la non promulgation. Une seconde lecture au niveau parlementaire peut également s'ensuivre. D. Les actes ayant force de loi Les actes ayant force de loi, étant par définition des actes du pouvoir exécutif intervenus dans le champ législatif, n'échappent pas au contrôle lorsque le constituant ouvre expressément ce contrôle. En effet, autrement, il est théoriquement difficile aux autorités habilités à déclencher le contrôle à priori de savoir qu'un acte ayant force de loi est en chantier auprès du Chef de l'Etat. Par ailleurs, si malgré tout, un tel acte était soumis au contrôle du juge, ce dernier devrait le censurer car, à notre avis, l'équipollence des actes ayant force de loi avec les lois formelles commande une telle solution. La solution est différente lorsqu'il s'agit des actes expressément cités par le constituant. * 1069 BOULOUIS (J.) et CHEVALLIER (R.-M.), Grands arrêts de la CJCE, 5ème édition, Paris, Dalloz, 1991, p.91. * 1070 Article 222 de la Constitution du 18 février 2006. * 1071 Article 121 de la Constitution de la transition du 4 avril 2003. * 1072 Nous disposons de la copie de cet arrêt. * 1073 Voir article 165, alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006. |
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