Du contentieux constitutionnel en République Démocratique du Congo. Contribution à l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle( Télécharger le fichier original )par Dieudonné KALUBA DIBWA Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2010 |
Section 2 : DEVELOPPEMENT DE LA NOTION DE JURIDICTION CONSTITUTIONNELLENous allons procéder comme dans la section précédente à l'étude de l'évolution de la notion de juridiction constitutionnelle en droit congolais. Après de développements consacrés à la création, il s'agit en effet de voir comment cette juridiction a évolué au regard des conceptions juridiques que nous avons épinglées ci-haut. En d'autres termes, il est question de voir si par sa production normative, et ici plus précisément jurisprudentielle, le juge constitutionnel s'est rapproché de sa finalité qui est celle d'être gardienne de la légalité constitutionnelle et de droits fondamentaux des citoyens. Cet exercice est efficace du point de vue heuristique car autrement l'étude serait simplement descriptive et manquerait sans doute sa dimension critique nécessaire à une thèse. Commençons dès lors par le commencement. §1. A travers la Loi fondamentale du 19 mai 1960La lecture des conditions matérielles et législatives de la création de la Cour constitutionnelle indique d'emblée que le législateur belge, auteur de la loi fondamentale, n'était guère imprégné lui-même de la nécessité de faire fonctionner au Congo ce qui n'existait pas en métropole. Aussi, du point de vue logique, est-il difficile de montrer comment une Cour créée sans finalité autre que la décoration constitutionnelle pouvait concrètement fonctionner au Congo d'alors. Les divers obstacles étudiés ailleurs par la doctrine se sont naturellement entassés ici. En effet, le fait que le Conseil d'Etat était transitoirement retenu comme juge constitutionnel pour un pays qui allait être indépendant déjà le 30 juin 1960 indique clairement l'intention du constituant de circonstance de ne pas du tout organiser la protection de la suprématie constitutionnelle. Il faut souligner par ailleurs les sécessions, rebellions et autres troubles de toute sorte qui ont empêché le fonctionnement du jeune Etat congolais et donc de sa justice constitutionnelle. Au demeurant, dès le 30 juin 1960, le Conseil d'Etat saisi comme juge administratif congolais de transition déclinait sa compétence du fait que le Congo était un Etat étranger souverain.652(*) En outre, un peuple, destinataire d'un mécanisme aussi subtil que technique comme la Cour constitutionnelle, n'avait-il pas besoin de se former ou d'être informé avant de l'utiliser ? Cet argumentaire est en effet de nature à expliquer, à nos yeux, l'absence totale des arrêts rendus en matière constitutionnelle par cette Cour qui, du reste, n'a jamais été installée. L'on peut regretter, à raison, que ce mécanisme n'ait pas fonctionné car il aurait pu tempérer les élans bagarreurs des politiciens de la première République et ainsi éviter peut-être au pays les aléas d'un commencement fragile dont les stigmates sont encore perceptibles de nos jours. En effet, l'existence de la juridiction constitutionnelle pourtant prévue par la Loi fondamentale aurait, croyons-nous, mis fin à la révocation inconstitutionnelle de Patrice Emery Lumumba par le Chef de l'Etat. Dans une jeune démocratie africaine, la justice constitutionnelle joue en effet le rôle ingrat de conseiller de la République, autrement celui des sages d'une nation qui se retrouve autour d'un arbre à palabres. Ce recours à l'éthos, comme dirait Augustin Kitete Kekumba Omombo, est comme inscrit dans le subconscient des congolais qui ont cherché des solutions autour de cet arbre à palabres appelé dialogue, conclave, conférence, palais de marbre, etc. En conclusion, il est utile de constater que le légicentrisme d'un régime parlementaire moniste comme la Belgique a été transféré sans acclimatation au tempérament congolais qui est plutôt palabreur. Toutefois, les traces de l'héritage colonial et l'absence de la Cour constitutionnelle comme mécanisme de modération du pouvoir ont poussé le constituant congolais à revenir sur la notion en 1964. * 652 Lire BOSHAB (E.), La contractualisation du droit de la fonction publique, op.cit, p.32 ; Voy notamment, C.E. belge, 26 juin 1964, Druet, n°10.734, p.633 ; C.E.belge, 26 juin 1964, Arghiri, n°10.735, p.633 ; C.E.belge, Tshombe, n°10.736 ; p.633 et C.E.belge, 11 septembre 1964, Debremaeker, n°10.776, p.701, cités par E.BOSHAB (E.), La contractualisation de la fonction publique...op.cit, p.32, note 51. |
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