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Du contentieux constitutionnel en République Démocratique du Congo. Contribution à  l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle

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par Dieudonné KALUBA DIBWA
Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2010
  

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PARTIE II :

DES MODALITES D'EXERCICE DE LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO

INTRODUCTION

Il est connu, de nos jours, que l'histoire est une science auxiliaire du droit et, à ce titre, son apport à la compréhension des institutions juridiques est essentiel.596(*)

Aussi, dans le premier chapitre de cette seconde partie, nous attellerons-nous à l'étude des origines et de l'évolution de la juridiction constitutionnelle en République démocratique. En effet, l'étude historique de cette institution éclairera, nous l'espérons, les développements consacrés à sa compétence, à la procédure suivie devant elle ainsi qu'aux effets nombreux et divers attachés à ses décisions.

Il est donc utile de savoir que le juge constitutionnel congolais a une histoire à travers laquelle l'on peut situer les étapes de son installation et le développement de sa jurisprudence. L'héritage colonial belge a naturellement laissé quelques traces même si par la suite le regard a été porté sur l'expérience des autres pays francophones, la France en tête.

L'essentiel de l'analyse consistera donc à déterminer in concreto les mécanismes juridiques par lesquels le juge constitutionnel congolais protège le pacte constitutionnel et les droits de la personne humaine. Cet exercice est d'une actualité brûlante tant le droit constitutionnel contemporain est marqué par une judiciarisation qui va sans cesse croissante.

Il est en effet utile de remarquer que la République démocratique du Congo sortie à peine des limbes des régimes autocratiques aussi insouciants des libertés publiques les uns que les autres éprouve le besoin légitime d'articuler des mécanismes juridiques précis en vue d'enrayer les tentatives certes nombreuses de brimer les citoyens. L'étude minutieuse de ces mécanismes est le thermomètre à l'aune duquel l'on peut efficacement apprécier la praticabilité des prescrits constitutionnels. Par ailleurs, la jurisprudence se révèle ici dans toute sa splendeur comme le guide sûr dans les méandres du labyrinthe juridictionnel.

En effet, la lecture attentive des arrêts donne à voir et parfois même à soupçonner le raisonnement du juge comme si l'on avait participé au délibéré. C'est la raison pour laquelle cette seconde partie sera essentiellement consacrée à l'analyse de la production jurisprudentielle qui est certes mince mais déjà fort intéressante tant ses lignes de force tout comme ses faiblesses sont perceptibles. Une doctrine assez massive a déjà fort heureusement emprunté la voie de la critique et permet ainsi à cette étude de bénéficier des commentaires de savants juristes de notre pays.597(*)

Le droit congolais en effet ne pouvant rester en marge de l'évolution dont les étapes avaient déjà été tracées dans l'introduction de cette étude, il importe de montrer comment il inscrit ses avancées et ses reculs dans la perspective de la mondialisation. Il est entendu qu'enfin d'analyse, une conclusion partielle sera tirée pour ce qui est de modalités d'exercice de la justice constitutionnelle. Des perspectives seront ouvertes là aussi pour tenter d'inventer ou d'améliorer la justice constitutionnelle congolaise.

A présent, voyons les origines de ce mécanisme.

CHAPITRE I :
ORIGINES ET EVOLUTION HISTORIQUE DE LA NOTION
DE JURIDICTION CONSTITUTIONNELLE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Nous aborderons ce sujet à travers trois étapes que sont : la Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo ou l'héritage du droit colonial belge, la Constitution du 1er août 1964 et la Cour suprême de justice instituée par la Constitution du 24 juin 1967. Malgré cette classification, l'on peut également retracer l'histoire de la justice congolaise en deux périodes : celle de la création et de l'installation manquée d'une Cour constitutionnelle et l'époque de l'institutionnalisation de la Cour suprême de justice, toutes sections réunies, comme juge constitutionnel.

Mais avant d'y arriver, disons un mot sur l'héritage du droit colonial belge en ce domaine.

De prime abord, l'on doit rappeler que c'est seulement en 1980 que la Belgique s'est dotée d'une juridiction constitutionnelle, appelée « Cour d'arbitrage » à l'origine, dont la composition, la compétence et le fonctionnement sont déterminés par renvoi de l'article 142 de la Constitution coordonnée, par la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. 598(*) Ainsi, la Cour d'arbitrage statuait-elle, par voie d'arrêt, sur les recours en annulation, en tout ou en partie, d'une loi, d'un décret ou d'une règle législative des communautés ou des régions portée en vertu de la Constitution.599(*)

De ce qui précède, et ce, jusqu'en 1980, il y a eu, en Belgique, absence de contrôle de constitutionnalité des lois. Le texte constitutionnel du 7 février 1831 n'en faisait aucune mention. Les cours et tribunaux ne pouvaient, jusqu'à la création du Conseil d'Etat en 1946, que refuser d'appliquer les actes administratifs illégaux par voie de l'exception d'illégalité. 600(*)

L'on peut comprendre qu'en vertu de l'article 107 de la Constitution belge à l'époque les règlements devaient être conformes aux lois et autres normes supralégislatives dont la Constitution elle-même.

Aussi, indirectement les cours et tribunaux devaient-ils refuser d'appliquer des règlements inconstitutionnels. Longtemps, « la Belgique reste attachée au dogme de l'infaillibilité du législateur. Elle ne prescrit pas, à l'origine, le contrôle juridictionnel des lois. Elle le prohibe même. Pendant plus d'un siècle, elle n'a organisé de contrôle qu'à l'égard des règlements ».601(*)

En effet, le contrôle de constitutionnalité des règlements était tenu en échec lorsque la violation de la Constitution était le fait d'une règle du niveau de la loi dont le règlement ne fait que procurer exécution. Ce raisonnement se dégage à partir de l'article 107, actuel article 159, de la Constitution belge.602(*)

Dans ce contexte, l'on peut comprendre aisément qu'aucune disposition de la Loi du 18 octobre 1908 sur le gouvernement du Congo belge, dite la Charte coloniale, ne pouvait faire mention du contrôle des lois.

Néanmoins, la Charte coloniale avait, en son article 7, prévu la possibilité d'exception d'illégalité des décrets, actes législatifs du Roi, en ces termes : « les cours et tribunaux n'appliquent les décrets qu'autant qu'ils ne sont pas contraires aux lois ».

Et par la suite, la jurisprudence a étendu logiquement cette compétence des cours et tribunaux aux ordonnances législatives. En effet, il a été jugé que « l'article 7 de la Charte coloniale qui déclare que les cours et tribunaux n'appliqueront les décrets que pour autant qu'ils ne soient pas contraires aux lois, doit s'appliquer également aux ordonnances législatives ».603(*)

Par ailleurs, c'est dans cet esprit que la résolution n°6 relative à l'organisation du Parlement congolais, en son point 15, de la Conférence de la Table Ronde politique tenue à Bruxelles du 20 janvier au 20 février 1960 énonçait clairement « qu'il n'y avait pas lieu de reconnaître aux tribunaux relevant de l'ordre judiciaire l'appréciation de la constitutionnalité des lois nationales ou provinciales ».

C'est donc finalement le Parlement belge de l'époque, influencé sans doute par le mouvement constitutionnaliste européen, qui est le géniteur historique de la Cour constitutionnelle congolaise car il introduisit des dispositions relatives à cette institution dans la Loi fondamentale relative aux structures du Congo.

En cela, le Parlement belge avait rejoint le camp de ceux qui pensent donner à la suprématie constitutionnelle une garantie juridictionnelle. Car l'Etat de droit, c'est d'abord et enfin, l'Etat de la Constitution. Au commencement, dirait Francis Delpérée, était la Constitution. Retraçons à présent les étapes successives de l'installation de cette justice constitutionnelle en République démocratique du Congo.

Section 1 : CREATION DE LA JURIDICTION CONSTITUTIONNELLE

Nous examinerons, comme annoncé lors de l'introduction, cette création institutionnelle à travers trois étapes successives.

* 596 CARBASSE (J.-M.), Manuel d'introduction historique au droit, 2ème édition corrigée, Paris, PUF, 2004, pp. 13-23.

* 597 Lire MABANGA MONGA MABANGA, Le contentieux constitutionnel congolais, Kinshasa, E.U.A., 1999 ; KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif suprême en droit public congolais. Lecture critique de certaines décisions de la Cour suprême de justice d'avant la Constitution du 18 février 2006, Kinshasa, éditions Eucalyptus, 2007 ; VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, Bruxelles, Larcier, 2007 ; WETSH'OKONDA KOSO SENGA (M.), Les perspectives des droits de l'homme dans la constitution congolaise du 18 février 2006, Kinshasa, Editions de la Campagne pour les droits de l'Homme au Congo, 2006 ; NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA, Droit congolais des droits de l'homme, Louvain-la-neuve, Academia-Bruylant, 2004 ; KILENDA KAKENGI BASILA (J.-P.), Le contrôle de la légalité des actes du magistrat dans l'administration de la justice criminelle en RdCongo, Thèse de doctorat en droit, Katholieke Universteit Leuven, 2002 ; MBOKO Dj'ANDIMA, L'Etat de droit constitutionnel en République démocratique du Congo. Contribution à l'étude des fondements et conditions de réalisation, Mémoire de D.E.S. en droit public, Université de Kinshasa, Faculté de Droit, 2005 ; NGONDANKOY NKOY ea LOONGYA, Le contrôle de constitutionnalité en République démocratique du Congo. Etude critique d'un système de justice constitutionnelle dans un Etat à forte tradition autocratique, Thèse de doctorat en droit public, Université catholique de Louvain, 2008.

* 598 L'on peut se reporter utilement aux développements que nous consacrons à la Cour constitutionnelle belge, au paragraphe deuxième de la section seconde du premier chapitre de la première partie de cette étude. Il s'agit en effet d'une loi de révision de la constitution belge du 7 février 1831 qui introduisit dans la Constitution un article 107 ter (actuel article 142). Cet article fut révisé à son tour le 15 juillet 1988 en vue d'étendre les compétences de la Cour d'arbitrage et d'exiger l'adoption d'une loi spéciale pour régler sa composition, son fonctionnement et ses compétences.

* 599 Voir M.B., 7 janvier 1989 ; Les codes Larcier belges, tome VI, A. Droit public, 2003, p.340 ; Complément tome VI, 2004, mis à jour au 1er janvier 2004, p.79.

* 600 Voy en ce sens DELPEREE (F.), Le droit constitutionnel de la Belgique, op. cit, n°76, pp.96-97.

* 601 Idem, n°75, p.95.

* 602 Dans la pratique, note Charles HUBERLANT, les cours et tribunaux ont surtout l'occasion d'user du pouvoir que leur confère l'article 159 lorsqu'ils sont saisis de poursuites répressives, d'actions civiles en responsabilité dirigées contre les personnes de droit public ou de recours organisés par des lois particulières contre des actes administratifs déterminés(« Le contrôle des actes administratifs par les cours et tribunaux en Belgique », Rapports belges au IXième congrès international de droit comparé, Bruxelles, 1974, p.466.

* 603 Voir Elisabethville, 21 mars 1916, Jur. Col., 1925, p.304 ; Léopoldville, 8 septembre 1936, RJCB, 1937, p.105 ; Codes Piron et Devos, tome 1, 1960, p.17.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci