Section II. Domaine d'application de l'immunité
quant aux infractions
L'article 397 du Code pénal a introduit une
immunité qui vise les vols et extorsions commis dans le cadre de la
famille. Après avoir posé le principe de l'immunité dans
cet article consacré aux vols et extorsions, le législateur a
ensuite utilisé la technique dite de renvoi pour d'autres infractions
contre les biens qui sont commis dans le cadre de la famille. Dès lors,
quand il a voulu qu'une infraction soit couverte par l'immunité, il a
précisé que les dispositions de l'article 397 C. P. lui sont
applicables. Il en est ainsi le cas avec l'abus de confiance et
l'escroquerie.
La présente section va ainsi analyser les infractions
portant atteinte aux biens qui sont couvertes par l'immunité familiale.
Il faut signaler, néanmoins, que l'accent sera mis sur le vol sans
toutefois oublier de parler succinctement de ces autres atteintes aux biens
couvertes par le bénéfice de l'immunité à savoir
l'extorsion, l'abus de confiance et l'escroquerie.
36 §1. Les vols
L'immunité familiale fait obstacle à la
poursuite de tous les vols aussi bien aggravés que simples à la
condition, bien entendu, qu'ils ne mettent pas en cause d'autres personnes que
celles liées par des liens familiaux. Il convient alors d'analyser les
vols simples, les vols aggravés et ceux qui aggravent d'autres
infractions.
A. Vols simples
Le vol est défini comme la soustraction frauduleuse de
la chose d'autrui169. Le vol simple est souvent
présenté comme une infraction comportant quatre
éléments constitutifs : la propriété d'autrui, la
chose soustraite, la soustraction et l'intention frauduleuse.
En réalité, seules la soustraction et
l'intention frauduleuse sont de véritables éléments
constitutifs, si l'on entend par là des éléments
participant activement à la réalisation de l' infraction. D'autre
part, la chose soustraite et la propriété d'autrui doivent
exister avant que ne se développent la soustraction et l'intention
frauduleuse ; elles ne font que subir l'infraction dans lequel elles ne jouent
aucun rôle actif. Elles sont donc les conditions
préalables170sans lesquelles l'infraction ne peut être
commise171. Dès lors nous allons étudier,
succinctement, les composantes du vol simple en distinguant les conditions
préalables et les éléments proprement constitutifs.
1. Les conditions préalables
Sans objet il ne peut y avoir de vol. Ainsi pour qu'il y ait vol
il faut une chose susceptible d'être soustraite et appartenant à
autrui.
a) La chose soustraite
Il va de soi que le vol ne peut avoir pour objet qu'une chose
susceptible d'être soustraite et la soustraction d'une chose suppose que
la chose puisse être appréhendée et
déplacée d'un endroit à un autre. Le
domaine du vol est donc limité aux meubles corporels172et les
immeubles y sont exclus. Cependant, l'immeuble doit être compris dans une
optique pénaliste qui analyse l'immeuble différemment du droit
civil 173; d'où il y a vol pour le droit pénal
dès que l'objet peut être détaché et
enlevé.
Quant aux meubles incorporels ou droits mobiliers, s'ils ne
peuvent faire l'objet d'une appréhension directe, la soustraction peut
porter sur le meuble corporel qui leur sert de support matériel :
manuscrit, disquette informatique, etc.174
En plus, la doctrine et la jurisprudence assimilent aux choses
corporelles les forces immatérielles et leur soustraction est
réprimée sous la qualification de vol puisqu'elles sont
susceptibles d'appropriation175. C'est ainsi que la Cour de
cassation française a qualifié de vol d'électricité
le branchement clandestin après coupure du courant176et vol
d'eau le trucage du compteur pour ne pas enregistrer la
consommation177.
Enfin, la jurisprudence a fini par consacrer la notion du vol
d'usage notamment en cas d'enlèvement de voitures afin de les utiliser
pour une sortie et les abandonner réservoir vide ou
accidentées178.
b) La propriété d'autrui
Pour qu'il y ait vol il faut que la chose n'appartienne pas
à celui qui l'a soustraite. Il n'est pas requis pour que l'infraction de
vol existe et puisse être poursuivi que l'identité du
propriétaire soit connue179. Il n'y a pas de vol si la chose
n'appartient à personne (res nullius) ou lorsqu'elle est
abandonnée par son propriétaire (res
derelictae)180 ainsi que lorsqu'il s'agit d'une chose commune
(res communis). Néanmoins, si la soustraction de sa propre
chose est
172 Cass. crim. 27 fév.1996, Bull. crim.
no 96.
173 V. MALABAT, op. cit., p. 272 et M. L. RASSAT,
supra, note 86, p. 55.
174 Cass. crim. 1er mars 1989, Bull. crim.,
no 100 et Cass. crim. 12 janvier 1989, Bull. crim.,
no 14.
175 M. VERON, Droit pénal spécial, Paris,
Dalloz, 1999, p. 196 et M.L.RASSAT, supra, note 86, p. 54.
176 Cass. crim. 12 déc. 1984, Bull. crim.,
no 403.
177 Cass. crim. 11 oct. 1978, Bull. crim., no
270.
178 Cass. crim. 28 octobre 1959, D. 1960.314, note A CHAVANNE
cité par M.VERON, op. cit., p. 197.
179 R. KINT, op. cit., p. 119.
180 M. VERON, op. cit., p. 199.
impossible, la soustraction frauduleuse d'un objet indivis par un
copropriétaire constitue un vol au préjudice de son
coïndivisaire181.
A proprement parler, quels sont alors les éléments
constitutifs du vol ?
2. Les éléments proprement
constitutifs
Les éléments proprement constitutifs du vol sont la
soustraction et l'intention frauduleuse.
a) La soustraction
Elle est l'acte constitutif ou l'élément
matériel proprement dit. Traditionnellement la soustraction consistait
en déplacement matériel de la chose, c'est-à-dire de la
prendre ou de l'enlever et la déplacer à l'insu ou contre le
gré de son légitime propriétaire ou
possesseur182. A cette notion ancienne et traditionnelle est venue
se superposer une conception moderne imposée par les
nécessités de la répression qui est celle de soustraction
par maniement juridique de la chose et ne comporte pas nécessairement un
déplacement matériel de la chose183. Elle consiste
donc, pour le bénéficiaire de la remise, à usurper une
possession qui ne lui était pas transmise184.
b) Une intention frauduleuse
La soustraction de la chose d'autrui n'est un vol que si elle
s'accompagne d'une intention frauduleuse qui constitue l'élément
moral du vol. En principe, il ne suffit pas de prouver que l'auteur de la
soustraction a agi volontairement ou sciemment contre le gré ou à
l'insu du propriétaire ou possesseur (dol général); mais
en outre qu'il avait l'intention de se comporter en propriétaire de la
chose soustraite (dol spécial)185.
181Cass. crim. 27 fév. 1996, Bull.
crim., no 96.
182M. VERON, op. cit., p. 193.
183Id., p. 195.
184 R. KINT, op. cit., p. 113; voy. aussi Cass. crim. 30
nov. 1977, Bull. crim., no 381.
185 M. VERON, op. cit., p. 193 et R. KINT, op.
cit., p. 119.
Ainsi le vol simple étant celui qui ne s'accompagne pas
d'autre circonstance aggravante, l'immunité qui couvre son auteur ne
cause pas de problème. Donc, s'il a été commis par une
personne au préjudice de son conjoint, de l'un de ses parents ou
alliés aux degrés prévus cette première n'encourra
aucune poursuite pénale.
Mais qu'adviendra-t-il en cas de vols accompagnés de
circonstances aggravantes ?
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