FACULTE DE DROIT
B. P. 117 BUTARE
DE L'IMMUNITE PENALE DES VOLS
COMMIS ENTRE PARENTS ET ALLIES
EN DROIT RWANDAIS
Mémoire présenté en vue de
l'obtention du Bachelor's degree en Droit (LL. B)
Par Richard KAYIBANDA
Directeur: Lambert DUSHIMIMANA, (LL. M)
Huye, Août 2008
EPIGRAPHE
« La protection d'une valeur sociale ne
semble pas être l'inquiétude prioritaire lors du prononcé
d'une sanction civile si celle-ci intervient en dehors de toute application
possible du droit pénal »
LOÏC DE GRAEVE
|
A feu notre père Célestin KAYIBANDA,
parti au moment où on avait le plus besoin de vous, A notre humble
et bienveillante mère Bernadette MUKASHARANGABO, En gage d'admiration
et de reconnaissance des sacrifices que vous vous étés
infligés pour nos études; A notre frère Philibert
KAYIBANDA, A nos soeurs : M. Grâce KAYIBANDA U., M. Jacqueline
KAYIBANDA N., M. Christine KAYIBANDA N., M. Francine KAYIBANDA
N.,
Dédions-nous ce
mémoire.
iii REMERCIEMENTS
Le cycle à peine a fini sa carrière ! Ce travail
qui en est le couronnement ne saurait être réalisé n'eut
été le concours de longs et durs efforts de plusieurs personnes.
Alors comment ne pas remercier tous ceux qui, de quelque manière que ce
soit, ont contribué à l'achèvement de ce travail?
Cette occasion nous est offerte pour adresser tout
particulièrement nos remerciements à notre directeur de
mémoire Mr Lambert DUSHIMIMANA qui, malgré ses multiples
tâches, a bien accepté de guider nos pas pendant cet exercice
intellectuel. Son exceptionnelle disponibilité, ses conseils
précieux et remarques si éclairants nous ont été
d'une utilité sans égal. Qu'il nous soit permis de lui exprimer
toute notre profonde gratitude.
L'honneur nous échoît également de
formuler nos remerciements à tout le corps professoral de la
Faculté de droit de l'Université Nationale du Rwanda. Nous ne
saurions passer sous silence les collègues de la toute sympathique
promotion finaliste pour avoir su entretenir une bonne ambiance non seulement
pendant les plus merveilleux, mais aussi les plus durs moments de notre
séjour au campus.
Nous éprouvons le plaisir de remercier tous ceux et
toutes celles qui, d'une manière toute spéciale nous ont
prêté main forte tant matériellement que moralement tout au
long de nos études tout particulièrement notre parrain
Védaste KARANGWA qui, après que notre père ait
trépassé inopinément, a assumé d'ores et
déjà, en plus de la tâche de veiller à notre
éducation spirituelle, les responsabilités incombant à
notre feu père. Merci infiniment !
Nous tenons plus particulièrement à signifier
toute notre reconnaissance à notre famille et à nos amis pour
leur soutien sans faille, leur aide et encouragements. Plus
précisément nous souhaitons remercier notre mère pour son
inconditionnel soutien affectif et moral.
iv SIGLES ET ABREVIATIONS
al. : alinéa
Art. : Article
Bull. crim. : Bulletin des arrêts de la chambre criminelle
de la Cour de cassation
française
C. A. : Cour d'appel
Cass. : Arrêt de la Cour de cassation belge
Cass. crim. : Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de
cassation
française
CCL I : Code civil livre premier
C. P. : Code pénal
dir. : ouvrage publié sous la direction de
éd. : édition
http : Hypertext Transfer Protocol
Ibid. : Ibidem « même auteur, même
ouvrage et même page>>
Id. : Idem « même auteur, même ouvrage
; mais page différente>>
JCP : JurisClasseur Périodique (la semaine juridique)
J.O.R.F. : Journal Officiel de la République
française
J.O.R.R. : Journal Officiel de la République du Rwanda
L.G.D.J. : Librairie générale de droit et de
jurisprudence
Litec : Librairie technique
op. cit. : opere citato «ouvrage déjà
cité >>
p. : page
pp. : pages
PUF : Presses Universitaires de France
ss. : suivants
supra : plus haut
T. : Tome
T.G.I. : Tribunal de Grande Instance
UNR : Université Nationale du Rwanda
Vol. : Volume
Voy. : Voyez
www : World Wide Web
v TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE i
DEDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
SIGLES ET ABREVIATIONS iv
TABLE DES MATIERES v
INTRODUCTION GENERALE 1
I. Présentation du sujet 1
II. Position du problème 2
II. Intérêt du sujet 3
III. Objectifs de la recherche 3
IV. Méthodologie de la recherche 4
VI. Délimitation et subdivision du travail
4
CHAPITRE PREMIER: CONSIDERATIONS GENERALES SUR
L'IMMUNITE
POUR VOLS COMMIS AU SEIN DE LA FAMILLE 5
Section première: Définition, nature
juridique et caractère de l'immunité familiale 5
§1. Définition 5
§2. La nature juridique 7
A. L'immunité familiale et le fait justificatif 7
B. L'immunité familiale et l'excuse 8
C. L'immunité familiale et la cause de non-
imputabilité 10
D. L'immunité d'un genre spéciale (sui generis)
11
§3. Caractère de l'immunité 12
A. Le caractère réel 12
B. Le caractère personnel 13
Section II. Le fondement de l'immunité
14
§1. Le patrimoine familial 14
§2. Maintien de la paix familiale 15
Section III. Effets de l'immunité 17
§1. Effet pénal 17
A. Obstacle aux poursuites 17
B. La portée de l'obstacle 19
§2. Effet civil 20
vi
A. L'action en réparation 20
B. L'action en revendication 21
C. L'action en recel de succession 21 CHAPITRE II.
DOMAINE D'APPLICATION ET REPERCUSSIONS DE
L'IMMUNITE PENALE POUR VOLS COMMIS AU SEIN DE LA FAMILLE
23
Section première : Domaine de l'immunité
quant aux personnes 23
§1. Les personnes jouissant de l'immunité 23
A. Vols commis par les époux au préjudice de leurs
conjoints 24
B. Vols commis par ascendants au préjudice des
descendants et vice versa 26
C. Les vols commis entre alliés au même
degré 28
§2. La non extension de l'immunité aux coauteurs et
complices 29
A. Les tiers coauteurs ou receleurs 29
B. Les complices des bénéficiaires de
l'immunité 30
1. Accord de l'immunité au tiers complice
30
2. Refus du bénéfice de l'immunité
au tiers complice 31
§3. La preuve de l'existence du lien familial 33
A. La charge de la preuve 33
B. Les règles régissant la preuve 33
Section II. Domaine d'application de l'immunité
quant aux infractions 35
§1. Les vols 36
A. Vols simples 36
1. Les conditions préalables 36
2. Les éléments proprement constitutifs
38
B. Vols aggravés 39
1. Circonstances aggravantes constitutives d'infractions
40
2. Circonstances aggravantes non constitutives
d'infractions 41
C. Vols constitutifs de circonstances aggravantes d'autres
infractions 41
§2. Les extorsions, abus de confiance et escroqueries 43
Section III. Domaine d'application de l'immunité
quant aux objets sur lesquels porte
l'infraction 44
§1. La propriété familiale 44
A. Choses appartenant en totalité à un parent ou
allié 44
B. Choses appartenant en partie à un parent ou
allié 45
C. Les choses saisies ou déposées entre les mains
d'un parent ou allié 46
vii
§2. Atteinte juridique à la chose 48
Section IV. Les répercussions de l'immunité
familiale 49
§1. Incitation aux actes immoraux et anti-sociaux 49
§2. Fragilisation du droit de propriété 50
§3. Difficulté de preuve en cas d'action civile en
réparation 52
CONCLUSION GENERALE 53
BIBLIOGRAPHIE GENERALE 55
1 INTRODUCTION GENERALE
I. Présentation du sujet
«Toute personne a droit à la
propriété privée, individuelle ou collective. La
propriété privée, individuelle ou collective est
inviolable. Il ne peut y être porté atteinte que pour cause
d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis
par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnisation
»1.
Ce principe consacré par la Constitution de la
République du Rwanda répond aux aspirations de tout homme qui
veut parvenir au plein épanouissement de son être par la garantie
et la sécurité de ses biens.
Néanmoins, le nombre de ceux qui refusent à
vivre du fruit de leur travail honnête s'accroît de temps en temps.
L'un des moyens auxquels ressortent ces derniers est le vol qui est
défini par le Code pénal de façon général
comme la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui2 . Le pire
est que cette pratique abominable est constatée même entre les
personnes liées par des liens familiaux telle la parenté et
l'alliance. D'où le législateur est intervenu pour venir en aide
aux victimes et à la société en général en
incriminant cette pratique qu'est le vol.
Cependant la lecture de l'art. 397 al.1 du Code pénal
qui dispose « Ne donneront lieu qu'à des réparations
civiles, les vols et extorsions commis par des époux au préjudice
de leurs conjoints, par un veuf ou une veuve, quant aux choses qui avaient
appartenu à l'époux décédé, par des
descendants au préjudice de leurs ascendants, par des ascendants au
préjudice de leurs descendants, ou par des alliés au même
degré », instaure une immunité pour les vols commis entre
parents et alliés.
1 Art. 29 de la Constitution de la République
du Rwanda du 4 Juin 2003 telle que révisée à ce jour,
J.O.R.R., no spécial du 04/06/2003.
2 Art. 396 du Code pénal du Rwanda
institué par le Décret-loi n° 21/77 du 18 Août 1977, in
J.O. n° 13 bis 1978 tel que confirmé par la Loi
no 01/82 du 26 Janvier 1982, J.O., 1982, p. 227.
En effet, le législateur rwandais a instauré
cette immunité dans l'intérêt de l'ordre et de
l'équilibre des familles3. Ce qui est aussi de l'avis de
certains auteurs étrangers qui affirment que l'immunité
accordée aux infractions contre les propriétés commises au
préjudice de certains parents et alliés procède des
considérations de convenances sociales et de ce qu'une intervention
judiciaire aggraverait les conflits de famille4. C'est dans le souci
de faire une étude approfondie sur cette immunité, ses
répercussions éventuelles et son opportunité que nous nous
sommes décidé d'effectuer ce travail que nous intitulons
« DE L'IMMUNITE PENALE DES VOLS COMMIS ENTRE PARENTS ET ALLIES
EN DROIT RWANDAIS ».
II. Position du problème
Comme il ressort de la littérature
précédente, le législateur a instauré une
immunité pour des vols commis entre parents et alliés en
considération des raisons de convenances familiales et de la
communauté d'intérêt qui existent entre les membres d'une
même famille. Loin de contester le bien-fondé des buts
visés par le législateur rwandais, force nous est d'analyser les
dispositions du code pénal relatives à cette immunité et
d'examiner l'opportunité de cette dernière. Ainsi toute une
série de questions y relatives méritent d'être
posées.
Cette immunité s'étend elle à la
parenté naturelle et adoptive? Survit-elle à la séparation
de corps ou au divorce?
Le bénéfice de l'immunité s'applique-t-il
aux vols commis par des enfants ou descendants au préjudice des
alliés de leurs ascendants et vice versa?
Qu'en est-il des vols commis avec des circonstances aggravantes
?
Quel est le sort de l'action civile intentée à
raison de l'un de ces vols ? Est-ce que cette immunité ne risque-t-elle
pas de rendre difficile l'établissement de la preuve du préjudice
subi ?
D'autre part, l'opportunité de l'immunité
introduite par le législateur soulève aussi la question de savoir
si les buts visés par le législateur rwandais ne peuvent pas
être atteints par un autre procédé que l'octroi de
l'immunité. L'assurance de l'impunité ne risque-t-elle pas
d'inciter aux actes qui ne tiennent nullement compte de la protection à
accorder à la famille ?
3 R. KINT, Droit pénal spécial,
Manuel de droit rwandais, Butare, UNR, 1993, p. 126.
4 H. BEKAERT, Théorie
générale de l'excuse en droit pénal, Bruxelles, Ets
Emile Bruylant, 1957, p. 27.
Par exemple, dans l'état actuel des textes, si le mari
prend les biens de son épouse pour aller les vendre à son insu,
cette dernière ne peut pas bénéficier de la protection de
la loi pénale. Ne faudrait-il pas laisser à la famille la
possibilité de juger elle-même de l'opportunité des
poursuites ?
Ceci est indispensable surtout que selon la législation
en vigueur les époux peuvent, par exemple, opter pour le régime
de la séparation des biens. Ici il y a alors une nette séparation
des biens de façon que chacun des époux a ses biens qu'il ne faut
pas laisser à la merci de l'autre.
Est-ce que cette disposition du code pénal ne rend pas
fragile le principe de l'inviolabilité de la propriété
individuelle ou collective consacré par la constitution?
Autant de questions constitueront le moteur de notre
recherche.
II. Intérêt du sujet
L'intérêt de notre travail n'est pas moins
réel. En effet, le public rwandais a besoin d'être
éclairé sur l'immunité dont il est question dans les
lignes précédentes et que le législateur n'a
énoncé que sommairement.
Ensuite il faut que ceux qui tiennent les rênes de
l'appareil judiciaire soient mieux éclairés sur les dispositions
relatives à cette immunité en vue d'une meilleure administration
de la justice. En outre, ce travail va attirer l'attention du
législateur sur l'opportunité d'intervenir et
éventuellement retoucher le code pénal quant aux dispositions
relatives à l'immunité entre parents et alliés afin
d'éviter que les intérêts que le législateur a voulu
protéger soient compromis par une sorte d'impunité.
Enfin, il va sans dire que ce travail constitue une
contribution d'une importance indubitable à la doctrine rwandaise qui
est rare bien qu'attendu tant par les praticiens que les théoriciens du
droit pénal rwandais.
III. Objectifs de la recherche
En outre, ce travail a pour objectif d'attirer l'attention du
législateur sur la nécessité d'intervenir afin
d'améliorer le système des immunités familiales.
IV. Méthodologie de la recherche
La première démarche suivie pour réaliser
notre travail a été l'analyse juridique des textes légaux
qui se rapportent à notre matière.
Nous avons ensuite analysé la doctrine aussi bien
rwandaise qu'étrangère en rapport avec notre sujet qui nous a
permis d'émettre des considérations à propos de notre
sujet de recherche.
La jurisprudence étrangère nous a été
d'une grande utilité étant donné la rareté ou
même l'absence de la jurisprudence nationale.
VI. Délimitation et subdivision du
travail
Sans prétendre tout épuiser, notre étude
ne s'est limitée qu'aux immunités pénales pour les vols
commis entre parents et alliés. En effet, nous n'avons abordé
nullement toute autre sorte d'immunité car elles procèdent des
considérations distinctes selon les intérêts
protégés. Cependant, comme le législateur a prévue
la même immunité pour d'autres infractions proches du vol en
renvoyant à l'article qui parle de l'immunité pour vol, nous
n'avons pas passé sous silence ces autres infractions5.
Notre travail est subdivisé en deux chapitres.
Après l'introduction générale, le premier chapitre est
consacré aux considérations générales sur
l'immunité pour vols commis au sein de la famille. Ensuite, le
deuxième chapitre traite le domaine d'application de cette
immunité pénale. Enfin une brève conclusion et les
recommandations coiffent notre travail.
5 Voy. les art. 397 et 404-405(extorsions),
424-426(abus de confiance) et 428-430(escroqueries) du Code pénal du
Rwanda institué par le Décret-loi n° 21/77 du 18 Août 1977,
J.O. n° 13 bis 1978 tel que confirmé par la Loi no 01/82
du 26 Janvier 1982, J.O., 1982, p. 227.
CHAPITRE PREMIER: CONSIDERATIONS GENERALES SUR L'IMMUNITE
POUR VOLS COMMIS AU SEIN DE LA FAMILLE
Le code pénal du Rwanda en son article 397 al.1
prévoit que le lien familial constitue une cause d'impunité en
cas de vol ou d'extorsion commis entre parents et alliés. Dès
lors les auteurs de ces infractions échappent à la
répression pénale lorsque ces dernières ont
été commises dans le cadre de la famille.
Dans le présent chapitre il sera, de prime abord,
question d'examiner successivement ce que l'on attend par cette immunité
familiale, sa nature juridique ainsi que son caractère (première
section). Nous traiterons ensuite les effets de cette immunité
(deuxième section) et enfin le fondement de cette immunité
(troisième section).
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