3.1.2. Nécessité de convergence des deux
objets d'action
La littérature traitant des rapports entre
réduction de la pauvreté et protection de l'environnement abonde,
mais comme nous pouvons le percevoir dans les quelques pages qui
précèdent, cette question a surtout été
soulevée par les tenants de la protection de l'environnement. Si l'on ne
peut que déplorer les effets négatifs des démarches des
organismes de
conservation, il faut néanmoins reconnaître que
beaucoup d'efforts ont été consentis pour conceptualiser
l'intégration des deux problématiques qui nous occupent. En
revanche, les agences de développement ont privilégié la
création d'outils dont la finalité est la prévention des
impacts des opérations de développement plutôt que la
refonte de leurs approches. Les deux outils phares sont les études
d'impact sur l'environnement et les évaluations environnementales
stratégiques. Il existe d'ailleurs une multitude de guides et manuels de
mise en oeuvre de ces outils dans la formulation des politiques, programmes et
projets de développement : « Integrating Environmental
Considerations in Policy Formulation: Lessons from Policy-Based SEA Experience
» (IBRD, 2005), « L'évaluation environnementale
stratégique. Guide de bonnes pratiques dans le domaine de la
coopération pour le développement » (Comité d'aide au
développement, 2006), « Environmental Impact Assessment and
Strategic Environmental Assessment: Towards an Integrated Approach »
(UNEP, 2004), pour n'en citer que quelques uns. D'après le document
« Biodiversité et coopération européenne au
développement » (IUCN, 2006, pp. 67-76), en dépit de
l'existence de nombreux manuels de ce type depuis le milieu des années
1990, les outils d'intégration demeurent peu utilisés et
l'analyse de la prise en compte de l'environnement par la Commission
révèle « un faisceau convergent de carences »
(op.cit. p. 68).
Le chemin est donc encore long et comme le soulignent Roe et
Elliott (2006, p. 14), si les organismes de conservation doivent consolider les
objectifs socio-économiques de leurs interventions, il reste aussi
à convaincre les organisations de coopération au
développement de la valeur de l'environnement.
Pourtant les défis qui nous font face appellent
à une intensification des actions et à une mobilisation de tous
les acteurs. Quelques constats nous rappellent, s'il en est besoin, l'urgence
de la situation. Le nombre de personnes vivant dans une extrême
pauvreté, c'est-à-dire avec moins d'1,25 dollar par jour, a
diminué mais reste considérable puisqu'il était
estimé à 1,4 milliard en 2005. Le nombre de personnes souffrant
de la faim ne cesse d'augmenter depuis 1992, où il s'élevait
à 817 millions. Aujourd'hui, d'après la FAO, ce chiffre
dépasserait 1 milliard de personnes, notamment en raison des crises
alimentaire et financière de 2008 et 2009. On estime en outre que 25 %
des enfants de moins de cinq ans souffrent d'insuffisance pondérale. La
mortalité infantile est en baisse mais reste, malheureusement,
inadmissible puisqu'en 2008
8,8 millions d'enfants de moins de cinq ans sont
décédés, principalement en raison de la malnutrition (ONU,
2010).
En ce qui concerne l'état de notre environnement, les
perspectives ne sont pas non plus rassurantes. La déforestation a connu
un faible ralentissement, mais depuis 2000, la perte nette de zones
forestières s'élève toujours à 5,2 millions
d'hectares par an (ONU, 2010, pp. 52-53). Il est estimé que 60 % des
services écosystémiques sont dégradés ou
surexploités (Millenium Ecosystem Assessment, 2005, p. 6). La
distribution des espèces devient plus homogène et la
diversité génétique diminue (op.cit. pp. 35-37).
Le nombre d'espèces en voie de disparition augmente sans cesse, entre 10
et 30 % des mammifères et amphibiens seraient concernés. Le taux
d'extinction actuel des espèces serait 1000 fois plus important que lors
des extinctions précédentes (op.cit. p. 4). Les
écosystèmes de pays en développement sont ceux qui
subissent les changements les plus rapides.
Cette dégradation de l'environnement constitue
très certainement un obstacle considérable à l'atteinte
des Objectifs du Millénaire même si, comme nous l'avons vu plus
haut, les causalités sont difficiles à établir clairement.
Par exemple, les populations des pays en développement seront
sévèrement touchées par le changement climatique. Les
principales cultures céréalières y connaîtront
probablement des baisses de rendement qui se répercuteront sur les prix
et, partant, sur le bien-être humain et sur la malnutrition en
particulier (Nelson et al., 2009, pp. 4-12).
Même si les approches d'intégration
adoptées tant par les organismes de protection de l'environnement que
par les organisations de coopération au développement sont loin
d'être parfaites, il semble raisonnable d'affirmer que le pire serait
l'inaction. Il faut donc continuer à encourager ces initiatives.
L'intégration de l'environnement dans les opérations de
développement peut contribuer à l'amélioration de leur
efficience et de leur efficacité, à la réduction des
risques de catastrophes environnementales ou à l'atténuation de
la vulnérabilité des populations. Enfin, par la nécessaire
prise en compte des générations futures que cette démarche
implique, elle contribue in fine à la durabilité et
viabilité des programmes et projets de développement (EuropeAid,
2007, p. 34).
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