3.1.1.1.L'intégration du développement dans
les sciences de la conservation
Les impératifs de développement et la
réduction de la pauvreté en particulier n'ont pas
échappé au monde du conservationnisme. Les organisations de
protection de la nature ont été les premières à se
pencher sur l'intégration des préoccupations environnementales et
des objectifs de développement. Ces initiatives portent le nom de
projets intégrés de conservation et de développement ou
ICDP (Integrated Conservation and Development Projects). Ce type de projets a
été lancé dans les années 1980 par le WWF. Le terme
ICDP couvre en réalité des approches diverses telles que la
gestion communautaire des ressources naturelles (CBNRM, Community-Based Natural
Resource Management), l'écotourisme ou la gestion communautaire de la
faune sauvage (Community Wildlife Management). Le point commun de toutes ces
variantes d'ICDP est la priorité donnée à l'objectif de
protection de la biodiversité. Fondées sur le modèle
Nexus mentionné précédemment, ces approches
impliquent toujours la mise en défens d'une partie du
territoire, privant les communautés de l'accès
à certaines ressources. Pour augmenter leurs chances de succès
dans l'atteinte de l'objectif principal, ces projets mettent en place des
outils de participation des « communautés locales » et
prévoient des activités de développements censées
leur bénéficier (Hughes et Flintan, 2001, pp. 4 et 5 ; Agrawal et
Redford, 2006, pp. 15-23). Depuis quelques années, une nouvelle tendance
se manifeste au sein des agences de protection de la nature, la « pro-poor
conservation », que l'on peut traduire par « conservation en faveur
de la réduction de la pauvreté ». Cette approche se veut
différente par l'angle sous lequel elle envisage la fusion des objectifs
de réduction de la pauvreté et de protection de l'environnement.
En effet, d'après Roe et Elliott (2006, p. 59), la « pro-poor
conservation » entend mettre la conservation de la nature au service de la
réduction de la pauvreté, contrairement à ce qui avait
été réalisé précédemment.
Malgré des intentions bienveillantes, les projets
intégrés de conservation et de développement sont la cible
de nombreuses critiques. En effet, comme le soulignent Hughes et Flintan (2001)
la plupart des études font état de l'échec de ces
approches. D'un point de vue socio-économique, les ICDP n'ont
généralement pas engendré les bénéfices
escomptés pour les populations locales. Basés sur des
représentations simplistes de l'organisation sociale des
communautés concernées, les ICDP ont même contribué
à une détérioration du bien-être de ces
communautés et ont eu des répercussions néfastes sur les
rapports sociaux. En outre, ces défauts de conception compromettent dans
le même temps l'objectif de conservation de la biodiversité (Li,
2002 ; Gibson et Marks, 1995 ; Barret et Arcese, 1995). Si les mauvais
résultats des ICDP sont certainement attribuables au manque de
connaissances des contextes locaux d'intervention, ils sont aussi imputables,
comme nous l'avons suggéré ci-dessus, au manque criant de
connaissances scientifiques sur la nature de la relation entre pauvreté
et environnement (Agrawal et Redford, 2006, pp. 32-34).
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