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Analyse de la prise en compte de l'environnement, dont la biodiversité, par les ONG de développement belges

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par Salima Kempenaer
IGEAT-ULB - Master en Sciences et Gestion de l'Environnement  2010
  

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8.1.4. Au Nord

L'enquête avait pour objet les activités du volet Sud des ONGD mais plusieurs des personnes rencontrées ont d'elles-mêmes apporté des informations sur la gestion quotidienne de leur organisation au Nord. La mise en exergue de cet aspect s'inscrit dans une logique que nous aurons l'occasion d'approfondir dans le chapitre suivant.

Trois des ONG ayant répondu à l'enquête ont mis en place des systèmes de gestion environnementale (voir point 8.1.1). Les autres ONG ne délaissent pas pour autant la question. Si certaines se limitent à utiliser du papier recyclé ou des ampoules économiques, d'autres ont une politique d'achat bien plus stricte. Par exemple, cette ONG organisant des évènements de sensibilisation du public utilisent des ballons gonflables biodégradables et achètent, pour son équipe de bénévoles, des T-shirts fabriqués avec du coton bio et équitable. Cette autre ONG a tenu à communiquer les diverses mesures entreprises pour réduire la consommation énergétique des bureaux : le double vitrage y a été récemment installé, des panneaux solaires le seront bientôt, un audit énergétique et l'isolation des locaux étaient prévus prochainement. Cette même ONG, dont le volet Nord comprend l'assistance aux demandeurs d'asile et aux migrants, souhaite rationaliser les déplacements découlant de cette activité. Pour cela, l'ONG va procéder à la décentralisation d'une partie de son équipe vers la Flandre et la Wallonie pour se rapprocher des bénéficiaires et ainsi réduire les trajets de ces derniers et du personnel.

Evidemment, comme l'ont suggéré certains des commentaires recueillis, lorsqu'une ONG ne s'est pas engagée dans une gestion environnementale formelle, l'observation des gestes écologiques quotidiens dépend forcément du degré de conscientisation des membres du personnel.

8.2. Trois dimensions

1.1.2. Attitude

D'après les réponses apportées au questionnaire, la grande majorité des ONG de développement étudiées ne considèrent pas que les objectifs de conservation de l'environnement et de développement soient contradictoires. Onze des ONGD interrogées estiment que les actions de protection de la biodiversité et de lutte contre la pauvreté sont « complémentaires » et huit autres qu'elles sont « plutôt complémentaires ». Pourtant, les résultats de la première question semblent indiquer que les ONGD se sentent tout de même moins concernées par les thématiques plus directement en lien avec la biodiversité. En effet, les problématiques pour lesquelles les réponses sont les moins contrastées sont à nouveau celles qui affectent ou risquent d'affecter le plus leurs actions de développement, en particulier les changements climatiques, la dégradation des sols, la désertification et la diminution des ressources en eau.

 

Pas du tout

Un peu

Moyennement

Beaucoup

Sans avis

Changements climatiques

 
 

6/20

14/20

 

Dégradation des sols

 
 

2/20

18/20

 

Désertification

 
 

4/20

16/20

 

Disparition des espèces sauvages

 

4/20

8/20

7/20

1/20

Disparition des milieux naturels

 
 

8/20

12/20

 

Disparition des ressources génétiques

 

3/20

5/20

10/20

2/20

Diminution des ressources en eau

 

1/20

1/20

18/20

 

Fragmentation des habitats

 

2/20

9/20

5/20

4/20

Espèces exotiques envahissantes

1/20

4/20

11/20

3/20

1/20

Surexploitation des ressources naturelles

 
 

2/20

18/20

 

Pollution de l'environnement

 
 

2/20

18/20

 

Problématique des « réfugiés

environnementaux »

 

3/20

6/20

9/20

2/20

Bien qu'il soit difficile d'en juger sur cette seule base, les entretiens ont permis d'observer que les personnes interrogées avaient une bonne connaissance générale des thématiques environnementales. Six des personnes interrogées estiment être assez informées sur les questions environnementales, quatre considèrent ne pas l'être assez, et dix pensent que leurs connaissances pourraient être encore améliorées. Les répondants les plus au fait des problématiques environnementales sont les ingénieurs agronomes, les représentants des sciences humaines et sociales s'exprimant un peu moins aisément sur le sujet.

Les conventions internationales portant sur la protection de l'environnement ne semblent pas susciter énormément d'intérêt auprès des personnes interrogées. À titre d'exemple, seulement cinq d'entre elles ont déclaré connaître la Convention sur la Diversité Biologique. Les deux conventions les plus connues sont la Convention cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (huit personnes sur vingt) et la Convention des Nations Unies pour la lutte Contre la Désertification (dix personnes sur vingt). Bien sûr, ce type de données ne permet absolument pas de tirer des conclusions sur le niveau de connaissance du personnel des ONGD. Elles confirment cependant une tendance déjà dégagée plus tôt, à savoir la primauté des changements climatiques sur la scène de la coopération au développement.

« Nos bailleurs de fonds nous parlent de plus en plus du réchauffement climatique, Protocole de Kyoto et autres problématiques environnementales. »

De fait, le sujet des changements climatiques a été spontanément amené par presque toutes les personnes interrogées. Cette problématique est automatiquement associée à l'axe de minimisation des pressions environnementales, et surtout à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui suscite des réactions vives, parfois d'indignation et d'exaspération.

- « On dit toujours aux pays émergeants de respecter certaines normes environnementales alors que nous pour nous développer on a pollué très fort. Se développer sans polluer ça serait l'idéal, mais c'est parfois plus difficile aussi. »

- « On demande aux Africains et Brésiliens de préserver leur forêt primaire. C'est bien facile pour nous qui avons détruit la nôtre de leur dire "vous avez le dernier carré de forêt primaire alors protégez-là". »

Nous pouvons remarquer que si la majorité des personnes interrogées admettent, en théorie, la complémentarité des objectifs de développement et de protection de l'environnement, la crainte que la conservation de l'environnement ne représente une menace contre le droit au développement est bel et bien présente. Cette menace est d'autant plus intolérable pour les ONG de développement qu'elle est considérée comme injuste étant donné la dette écologique des pays industrialisés. C'est par exemple le cas de cette ONG menant à bien des projets d'optimalisation de l'élevage. Récemment, la consommation de viande et les conséquences environnementales de sa production ont été la cible des défenseurs de l'environnement. Se sentant montrée du doigt,

notamment à la suite de remarques de la part de ses bailleurs de fonds, cette ONG ressent le besoin de défendre la pertinence de ses activités :

« L'élevage est considéré comme un des secteurs les plus polluants. Il faut relativiser. De quel élevage parle-t-on ? Le secteur de l'élevage des 50 pays les plus pauvres ne produit que 1 % des GES. »

Si la minimisation des pressions des projets au Sud fait débat, la limitation des impacts des bureaux au Nord fait l'unanimité parmi les personnes rencontrées, en particulier la réduction de la consommation d'énergie et les émissions de GES. L'observation des bonnes pratiques environnementales est envisagée comme un prolongement des principes de solidarité internationale. Le respect des gestes écologiques au sein de l'organisation s'inscrit dans un souci de cohérence de sa vision. Pour certaines ONG, cette démarche est d'autant plus aisément réalisable qu'elle répond simultanément à des impératifs financiers :

« Il y a un double objectif : l'économie et défendre cette logique de citoyenneté mondiale. »

Toujours dans cette optique, plusieurs des ONGD étudiées ont lancé des campagnes de sensibilisation aux enjeux du changement climatique et ont incorporé cette problématique dans leur plaidoyer. Par exemple, cette ONG mène une campagne sur le climat qui aborde d'autres thématiques, comme la surexploitation des ressources ou l'impact de la standardisation des variétés culturales sur la biodiversité.

« Nous plaidons pour une diminution de nos émissions au Nord, par solidarité avec le Sud et dans une optique de justice climatique. Notre campagne s'inscrit dans une critique générale d'un modèle de développement qui repose sur la surexploitation de toutes les ressources. »

Ce témoignage reflète la logique sous-jacente aux principales mesures environnementales entreprises par les ONG. Les préoccupations environnementales sont assimilées aux revendications socio-économiques des ONGD et viennent en appui au modèle de développement qu'elles souhaitent diffuser. L'emploi de semences locales, la promotion des intrants naturels ou la recherche d'énergie alternative sont autant de moyens d'assurer l'indépendance des populations locales vis-à-vis d'opérateurs extérieurs.

Il convient de se pencher sur le sens donné par les personnes interrogées à l'intégration environnementale. À l'instar de ce qui avait été observé chez les gestionnaires du service D3.1, certains des répondants ont tendance à faire l'amalgame entre l'intégration de l'environnement dans leurs actions et la formulation de projets environnementaux. L'intégration environnementale se concrétiserait donc, dans cette conception, par la présence d'un objectif spécifique environnemental. Pour cette ONGD active au Congo, leur prise en compte de l'environnement se traduit par la conception d'un certain nombre de projets (mais pas tous leurs projets, ce qui les distingue d'une ONG de protection de l'environnement) très clairement axés sur l'environnement :

« Dans nos projets au Congo, la composante environnementale ça fait partie des résultats et des objectifs à atteindre. »

Cette même logique pousse certaines ONGD dont aucun des projets n'a d'objectif spécifique environnemental à considérer que c'est pour cette raison que leur intégration environnementale est défaillante. Pour d'autres, c'est justement la perspective de devoir réaliser des projets dont la priorité est environnementale qui est source d'inquiétude et de méfiance envers l'intégration environnementale.

« On accepte le principe de la prise en compte de l'environnement mais pas dans le sens où on devrait faire des projets environnementaux, ça nous n'y sommes pas prêts. »

Cette représentation de l'intégration environnementale est liée à l'image qu'en donnent les bailleurs de fonds. Comme il a été observé dans le chapitre traitant de la DGCD, les gestionnaires eux-mêmes tendent à confondre intégration et objectif environnemental. Nous verrons plus en détail dans le point suivant l'influence des interactions entre bailleurs de fonds et ONGD sur la prise en compte de l'environnement.

Tout en reconnaissant l'importance de la prise en compte de l'environnement dans leurs actions, plusieurs des personnes rencontrées ont néanmoins émis des critiques envers le concept de « thématique transversale ». La transversalité est, à leurs yeux, une conceptualisation erronée de l'intégration de l'environnement dans les projets de développement et ne permet de rendre compte ni de la réalité du terrain ni de la réalité de leurs efforts d'intégration.

« Nous critiquons cette approche transversale qui a tendance à séparer les problématiques alors que notre travail fait qu'elles font partie intégrante de nos préoccupations. »

L'approche transversale des différentes problématiques telles que le genre, l'économie sociale ou l'environnement et leur compartimentation inciteraient partant à une analyse linéaire. Plusieurs des répondants rejettent donc cette approche et plaident pour une conceptualisation de l'intégration qui reflète davantage l'analyse systémique qu'ils affirment s'efforcer d'appliquer.

« Nous ne sommes pas d'accord de considérer l'environnement comme une thématique transversale. Pour nous, l'environnement est une dimension verticale, qui part de la base même de nos interventions [...] c'est une racine de la durabilité, c'est ça la différence. »

L'approche transversale telle qu'elle est conçue par l'establishment de la coopération au développement n'encouragerait pas à une prise en compte en amont de la conception des actions de développement et ne constituerait qu'un simple garde fou visant à limiter légèrement les impacts.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille