7.4. Conclusion
Cette brève analyse semble indiquer que le principal
bailleur de fonds des ONG de développement belges n'est pas
équipé pour examiner efficacement l'intégration de la
thématique environnementale. Le seul outil à la disposition du
service D3.1 est loin d'être suffisant pour mener une analyse
approfondie. Les gestionnaires ne sont pas préparés à
l'examen de cette thématique et l'organisation actuelle ne permet pas de
consentir l'investissement en temps qui serait nécessaire tant pour
réaliser une appréciation détaillée des projets et
programmes de développement que pour prévoir, le cas
échéant, une éventuelle phase de correction des
dossiers.
Ce constat pose évidemment question. Si les bailleurs de
fonds n'ont pas les capacités et compétences requises dans les
matières qu'ils mettent en avant dans leurs discours, comment
peuvent-ils exiger davantage des entités qu'ils
subsidient ? C'est une question que s'est également posé
Lavigne-Delville (2007) : « Vu le poids des bailleurs de fonds dans les
prises de décision, et leur contrôle indirect sur l'ensemble des
acteurs du développement, c'est clairement à leur niveau qu'une
grande partie de la question se joue. [...] quels sont les moyens que se
donne
un bailleur de fonds pour juger de la validité (ou du
moins de la non nuisibilité !) d'un projet où iiva
dépenser des millions de francs provenant des contribuables de son pays
[...] ? ».
8. ONG : RESULTATS DE L'ANALYSE
8.1. Les pratiques d'intégration de
l'environnement
8.1.1. Programmation
La vision d'une ONG reflète ses valeurs et sa
conception du développement, et sa mission décrit ses objectifs
et les moyens qu'elle se donne pour les matérialiser. Malgré la
diversité des ONGD belges, l'étude des documents décrivant
la vision des ONG montre une certaine convergence de leurs valeurs et
principes. C'est ce que Stangherlin a appelé le « processus
d'uniformisation et de pacification » des pratiques au sein des
institutions de coopération, où les problématiques sont
« consensuellement partagées » (2001, p. 57). Les termes
« développement durable » ou « gestion durable »
apparaissent dans les visions et missions de la moitié des ONG
interrogées. Cependant, il est souvent mal aisé de
déterminer si le sens donné à ce concept n'est pas celui
de viabilité et pérennité des actions de
développement sans que cela n'implique une attention particulière
au pilier environnemental. Certaines des ONG ayant répondu à
l'enquête mentionnent plus directement l'environnement ou certains de ses
aspects : « respecter l'environnement », « technologies
respectueuses de l'environnement », « souci de sauvegarde de
l'environnement », « protection de la biodiversité biologique
» ou encore « harmonie entre l'homme et son environnement ».
La comparaison des réponses au questionnaire et des
entretiens avec les visions et missions des ONG montre que ces
différents éléments ne correspondent pas toujours.
Interrogées sur la place accordée par leur ONG aux
thématiques environnementales, huit ont répondu que ces
dernières tenaient une place très importante. De ces huit ONG,
toutes n'ont pourtant pas inséré ce paramètre dans leur
vision ou mission. C'est par exemple le cas de cette ONG :
« Notre secteur prioritaire, c'est la
sécurité alimentaire et l'agriculture, donc l'environnement est
forcément très important. »
D'autre part, quatre ONG ont déclaré que ces
thématiques étaient peu importantes. S'il est vrai qu'aucune
d'entre elles n'a incorporé le respect ou la protection de
l'environnement dans sa vision ou mission, les entretiens ont
révélé que deux d'entre elles ont une réflexion
approfondie
en la matière et ont mis en place diverses mesures pour
concrétiser cette réflexion. Le représentant d'une de ces
deux ONG a déclaré :
« Il est clair que l'environnement est une composante
indispensable de nos actions. »
D'autres documents ou informations nous ont été
fournis par les ONG pour attester de l'engagement de leur organisation pour la
protection de l'environnement et la promotion du développement durable.
Depuis environ deux ans, telle grande ONG, dont les vision et mission ne font
pas mention de l'environnement, met en place le système EMAS.
D'après la personne interviewée, les priorités de
l'organisation sont d'ordre socio-économique mais l'environnement est
tout de même une préoccupation.
« Nous voulions que notre développement
organisationnel soit cohérent avec nos objectifs de développement
au Sud. L'analyse EMAS a révélé que nous prenions
déjà bien compte de ces aspects-là car, en
réalité, cela fait partie intégrante du modèle de
développement rural que nous mettons en avant. »
Deux autres ONG ont quant à elles choisi de souscrire
au cadre GRI-3 (Global Reporting Initiative) pour le rapportage
développement durable. Le GRI est une organisation à but non
lucratif lancé par le réseau Ceres (Coalition for Environmentally
Responsible Economies) avec le soutien du Programme d'environnement des Nations
Unies (PNUE). Le cadre GRI est un guide de procédures, d'indicateurs et
de principes permettant d'aider les entreprises, ONG et autres organismes
à rédiger des rapports faisant état de leur performance
sociétale et environnementale et, partant, à mettre en place un
système de gestion en tenant compte de ces deux
préoccupations.
D'après l'analyse des entretiens, deux raisons peuvent
être avancées pour expliquer l'absence de mention explicite des
problématiques environnementales dans les visions et missions des ONG.
Soit, comme nous pouvons le constater dans les trois extraits
précédents, les ONG considèrent que le type d'actions
qu'elles mettent en oeuvre implique logiquement et de manière
évidente une préoccupation pour l'environnement. Soit, elles ne
souhaitent pas altérer leur base identitaire et préfèrent
maintenir l'accent sur le développement humain pour se
différencier des ONG de protection de l'environnement.
« Je considère que l'environnement tient une
place moyenne car notre ONG ne fait pas de la protection ou de la
défense de l'environnement, ce n'est pas notre mission. Ce serait
très important si nous étions comme WWF ou Greenpeace.
»
D'après ce bref aperçu, il est évident
que les visions et missions des ONG ne sont pas une traduction fidèle
des principes et valeurs qui guident leur travail ni de leurs méthodes
ou logiques de fonctionnement. Les points qui vont suivre tenteront d'apporter
des éclaircissements sur les pratiques d'intégration des aspects
environnementaux au niveau plus concret des interventions de
développement.
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