4. Altération : oser repeindre les Ïuvres
installées ?
Les Installations proliférantes peuvent
êtres altérées, c'est-à-dire repeintes une fois leur
mise en place. Dans ce cas les Ïuvres sont donc différentes
après l'installation, lorsque je les range.
4.a. Installation proliférante
n°3
L'Installation proliférante n°3 mesure
163 cm de haut et occupe une surface au sol de l'ordre de 135 x 100 cm. Elle
est constituée d'une table, de morceaux d'argile, de plâtre, de
ciment, de cire, de pâte à sel, de filasse, de tissu et de
peinture. A l'instar de l'installation murale formée d'un agrégat
d'images, cette installation est un agrégat de sculptures. J'ai
utilisé en particulier des petites Cloches en plâtre
créées aux Beaux-arts en 2002, une sculpture en argile, filasse
et ciment façonnée en 2008 et un Noocactus en pâte
à sel modelé pour l'occasion. Des éléments en
argile en forme de doigts ont également été
utilisés et j'ai ajouté à ces sculptur es des morceaux
d'argile, de cire et de tissu. Le fait de rassembler des objets pour
créer une installation rappelle l'approche de Tony Cragg mais ici la
particularité est que j'utilise des objets qui sont mes propres
sculptures. Une fois l'assemblage mis en place, je suis passé à
une deuxième étape consistant à verser de la Peinture
liquide sur l'ensemble de l'installation. Ce geste, outre son
intérêt plastique est une sorte de rituel de sacralisati on de
l'Ïuvre. Les coulures renforcent l'unité de l'assemblage et lui
donnent une structure. L'installation devient une sorte d'autel religieux,
à la fois architectural, géologique et organique. Les
installations altérantes peuvent-elles être perçues comme
une illustration de la phrase d'Yves Michaux Ç ça
dégouline d'art sous toutes les formes possibles È ?46
46 Yves Michaux, L'art à l'état gazeux,
Op. cit., p. 104.
Fig. 64. Installation proliférante
n°3, 2009, plâtre, argile, cire, tissu, filasse, peinture, 163
x 135 x 100 cm.
Fig. 65. Installation proliférante
n°3, details. (photographie de droite : Chang Chungliang)
4.b. Installations murales vs. installations
centrales
En 2001, je travaillais par accumulations et par entassements.
Je travaillais alors en deux temps. Le premier était une accumulation de
morceaux de bois, de papiers et de toiles sur le mur. Je peignais alors
lÕensemble, parfois en versant directement la peinture. Puis je
déplaçais ces éléments pour les poser sur une table
et constituer une sorte de tas. Lors de chaque étape, je versais de la
peinture sur les éléments.
Fig. 66. Accumulation en tas et contre un mur,
Ecole Superieure d'Arts et Medias de Caen, 2001, bois, toile, peinture, environ
250 x 200 cm.
Dans tous les cas, y compris dans celui des Installations
alterantes, lorsque je demonte une installation je regroupe les elements
par categories et les conserve en vue dÕune prochaine installation. Un
meme element, altere ou non, peut servir à plusieurs installations
differentes. Les elements ont leur vie propre et ne sont que de passage dans
les installations. Cette maniere de faire est comparable à celle de
Sarah Sze qui agence des petits objets de la vie quotidienne pour elaborer in
situ des sculptures ephemeres. Lorsque lÕexposition est finie, Sarah Sze
separe les objets qui serviront à monter une autre sculpture dans un
autre lieu. Ce mouvement de rassemblement des objets chez Sze ou
dÕÏuvres dans le cas des Installations proliférantes
est à mes yeux une metaphore des regroupements dÕindividus
humains, ensembles dans la realisation du grand dessein de la societe et isoles
lorsquÕil sÕagit de perfectionner leur interiorite.
Daniel Buren considere que : Ç Le lieu [É] oil
est vue une Ïuvre en est le cadre È.47 Les Ïuvres
in situ sont plus que les autres inscrites dans le cadre du lieu, car dans une
certaine mesure et parfois totalement de telles Ïuvres dependent de leur
lieu de creation. Si lÕon pousse la métaphore sociale, le lieu
concerne le domaine des limites physiques du monde, et lÕÏuvre in
situ cherche à en tirer partie, tout comme les sociétés
humaines sÕaccommodent de leur cadre de vie (configuration
géographique du pays, climat).
47 Daniel Buren, « Mise en garde È,
dans Konzeption/Conception, Leverkusen, Stdtisches Museum, 1969 ;
cf. Les Ecrits (1965-1990), Bordeaux, capc Musee d'art contemporain,
1991, t.1, p.95.
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