4. Profusion: mobilités, lumières et sons
4.a. Les Ïuvres : comment les rendre mobiles?
Les éléments présentés ci-dessous
sont des éléments mobiles passifs, ils incluent des
charnières ou des rails permettant de les faire bouger. Ce type
d'éléments n'est qu'une première approche concernant la
mobilité des éléments. Par la suite, il sera question de
créer des éléments motorisés. Les
éléments motorisés seront d'abord autonomes,
c'est-à-dire fonctionnant avec un interrupteur pour les mettre en marche
ou les éteindre. L'étape suivante sera de les faire circuler sur
des structures.
-Diptyque
Fig. 29. Diptyque mobile, 2010, images
numériques, 25 x 30 cm chacune.
La photographie de gauche, qui montre un Noocactus
détruit sur mars est inspirée des recherches de Sophie
Ristelhueber qui photographie des constructions humaines détruites dans
des paysages déserts. La partie droite du diptyque est une photographie
intitulée Parisky et s'appuie sur le travail d'Alain Bublex. La
photo montre une vue d'artiste d'un projet pour un métro aérien
à Paris. Le support des photographies est en métal et en
plastique, cohérent avec l'univers technologique présent dans les
photos. Le diptyque est prévu pour être accroché au mur et
devenir un des éléments de mes Installations
proliférantes.
-L'Auteur de la hauteur de l'auteur
Fig. 30. Trois vues de L'Auteur de la hauteur de
l'auteur, 2009, photographies à hauteur réglable, dimensions
variables.
Cette installation est constituée de deux photos dans
des cadres en profilé aluminium noir de dimensions 24 x 18 cm, de deux
rails en aluminium de 75 cm de long, de deux boulons, écrous, papillons
et mousquetons simplex en acier zingué. Les rails en aluminium sont
fixés verticalement sur le mur par six vis à bois et
séparés par une distance de 21 cm. Le bas des rails est à
environ 115 cm du sol. Les photos ont été prises avec un appareil
photo numérique EOS 400D posé sur un pied en aluminium.
L'éclairage était fourni par une lampe halogène de
puissance 300 watts, assisté par une lampe basse consommation de 18
watts et deux lampes krypton 40 watts. Les photographies ont été
prises à mon domicile devant un rideau blanc. La séance de pose a
duré environ une heure. Les deux photos sélectionnées ont
été prises en couleur puis transformées en noir et blanc
sur Photoshop, après une rectification par le réglage
Çtons foncés/tons clairs È. Aucune autre opération
n'a eu lieu, ni aucun recadrage. Les tirages ont été
effectués avec une imprimante jet d'encre HP PSC 1510 Tout-en-un sur du
papier photo Ilford Galerie brillant. Pour des raisons que je ne connais pas,
tous les tons clairs des photos apparaissent en blanc sur les tirages.
L'imprimante a effectué une simplification des photos pour n'imprimer
que les parties sombres.24
24 Cet effet sérendipe, qui n'était pas
une décision de départ mais le résultat de l'action, outre
le fait qu'il introduit une référence aux jeux d'enfants du
18ème siècle (Au 18ème
siècle, les membres de familles aisées
Ce travail rassemble deux approches. La première est
une réflexion sur la question de l'auteur. Il était
demandé de réaliser une production plastique qui prenne en compte
la notion d'auteur comme point de départ. J'ai pensé aux
autoportraits photographiques et peints que j'ai réalisé
récemment et particulièrement à l'installation
Paradigme Culturel, Rock que j'ai mis en place en 2008. Cette
installation était une mise en scène de ma réaction
(expressions du visage) face à des photos
de musiciens rock dans des costumes
et attitudes caricaturales et kitch.
Fig. 31. Paradigme culturel, rock,
2008, Photos noir et blanc trouvées et autoportraits couleurs, 25 x
157,5 cm.
En octobre 2009, j'ai pensé qu'il serait
intéressant de réaliser une installation avec l'intention de
mettre en scène ma réaction non pas face aux autres mais cette
fois-ci face à moi-même. J'ai décidé de
réaliser deux autoportraits photographiques de profil (profil droit et
profil gauche) et de les juxtaposer de manière à ce que les deux
profils se regardent. J'ai ensuite envisagé différentes
expressions que pourrait prendre ces profils et le sens qui en
résulterait. Au cours du mois de novembre 2009, j'ai
réfléchi à ce que je pouvais faire de ce type d'approche.
Les éléments accumulés et accrochés sur le mur
doivent être des Ïuvres à part entière, au sens
<< objet d'art >>, ce qui exclut par exemple le
<<Ready-made>> au profit d'une conception se rapprochant des
galeries d'exposition du 19ème siècle. Les
éléments ont donc l'aspect de toiles sur ch%ossis, de cadres, de
dessinsÉ Cependant j'ai voulu détourner certains cadres ou toiles
pour y ajouter un facteur sonore ou lumineux. J'ai ensuite
considéré dans quelle mesure ces éléments
pourraient se déplacer sur le mur, et j'ai pensé les faire
circuler sur des rails. Avec L'Auteur de la hauteur de l'Auteur,
j'avais l'intention de rassembler dans une même installation les deux
et en particulier les enfants dessinaient les contours de l'ombre
de leur silhouette sur du papier noir qu'ils découpaient ensuite aux
ciseaux.), permet de concentrer l'attention du spectateur sur l'expression du
visage ainsi que sur les relations entre les éléments du visage
et ceux liés à l'installation proprement dite (le système
d'accrochage).
approches énoncées précédemment
(double autoportrait et éléments déplacables sur des
rails). Le travail proposé permet ainsi d'expérimenter ce qui se
passe lorsque deux expressions fixes sont confrontées dans l'espace.
L'auteur c'est-à-dire moi-même est en mesure de régler la
hauteur (gr%oce aux rails) de l'auteur (il s'agit d'autoportraits).
J'ai choisi les expressions de mon visage en pensant à la
situation décrite par
25
Victor Hugo en exil.Ayant perdu sa situation de
député à Paris, Hugo retrouve paradoxalement une certaine
liberté. Il décrit une situation sociale établie qui
conduit à une certaine retenue et éventuellement frustration, car
il n'est pas possible de faire lorsqu'on est député ce que l'on
peut faire lorsqu'on est vagabond. J'ai essayé de figurer cette
idée par la photo de gauche de l'installation dont il est ici question.
Cette photo me montre de face (position établie), un Ïil plus
ouvert que l'autre (endormissement), les lèvres serrées sans
sourire (dédain, mépris, tristesse). La photo de droite me
représente de face la tête penchée vers l'arrière,
regardant vers le haut, la bouche ouverte. Cette attitude est celle d'un
être étonné voir fasciné, peut-être pris dans
une situation difficile, dangereuse ou même tragique mais qui ouvre par
la même occasion de nouveaux horizons. C'est le sens du mot
<<criseÈ en Chinois qui veut dire <<chance dangereuse
È. C'est la situation sublime du jeune Rimbaud sur les routes.
L'Auteur de la hauteur de l'Auteur est un lieu
d'expérimentation de la confrontation de ces deux expressions/situations
sociales. Que se passe-t-il si je place la photo de gauche au dessus de celle
de droite? Au même niveau? Au dessous? La position relative des photos
renforce certains traits expressifs et suggère ainsi des récits
différents. Placée en position haute, la photo de gauche
suggère davantage la notion de noblesse et de supériorité.
En position basse, la tristesse ressort davantage. La photo de droite
évoque la précarité lorsqu'elle est en bas et la peur face
à l'inconnu lorsqu'elle est en haut. La mise au même niveau des
deux photos crée un sentiment d'égalité temporelle, comme
si l'auteur se demandait quelle attitude adopter face à une
situation.
Lorsque j'ai présenté l'installation
L'Auteur de la hauteur de l'Auteur, on m'a tout de suite
demandé si la hauteur des photos était réglable. Dans ce
dispositif, c'est l'auteur (moi-même) qui déplace les photos. Le
système de réglage n'invite pas le visiteur à toucher
l'installation (Qui irait dévisser des papillons ?). Si l'idée
avait été de faire intervenir le visiteur, un autre dispositif
aurait été utilisé rendant plus simple le
déplacement des photos (par exemple un système de poulies et de
contrepoids).
25 Victor Hugo, Ce que c'est que l'exil,
1875, Equateurs, Parallèles, 2008.
Concernant la longueur des rails, pourquoi font-ils 75 cm de
long? Pourquoi pas des rails qui iraient du sol jusqu'au plafond? Je pense que
de tels rails auraient plutôt tendance à diluer le propos de ce
travail et à rendre la manipulation des photos difficile. Une autre
suggestion apparut ensuite: Pourquoi deux rails? Pourquoi pas dix? Cette
suggestion m'intéresse beaucoup et j'ai le projet de la mettre en
pratique. L'ajout de trois rails supplémentaires me permettrait de
réintégrer mon idée de départ mettant en rapport
des autoportraits de profil. Une référence à Duchamp
appara»trait alors, car Duchamp a utilisé le profil, pas seulement
pour son Nu descendant l'escalier mais aussi pour un collage sur
affiche intitulé Wanted, $2,000 Reward, oü il se met en
scène de face et de profil sur une affiche de police.26 Lors
de la présentation, le côté humoristique de L'Auteur de
la hauteur de l'Auteur a été percu comme s'il s'agissait de
l'équivalent en image d'une blague ou d'un mot d'esprit. Ce
caractère dérisoire et humoristique faisait partie de l'intention
de départ pour ce travail (l'auteur regardant l'auteur) et se trouvait
renforcé par la décision d'accrocher les autoportraits sur des
rails ce qui visuellement suggère une pendaison. L'accrochage sur des
rails et la po sition frontale des visages crée le sentiment d'un auteur
qui se Çregarde sans pouvoir se regarder È. En ce sens,
L'Auteur de la hauteur de l'Auteur s'inscrit dans l'humour Duchampien
mais aussi dans celui plus contemporain de Jacques
Lizène.27
26 Marcel Duchamp, Wanted, $2,000 Reward,
1923, ready-made rectifié : collage sur affiche, 49,5 x 35,5 cm, Milan,
collection Arturo Schwarz.
27 En 1971, dans un film intitulé Tentative
d'échapper à la surveillance de la caméra, Jacques
Lizène se met en scène dans une situation comique et
dérisoire. Il est possible que Pierrick Sorin se soit inspiré de
ce film.
-L'Auteur de la largeur de l'auteur
Fig. 32. Trois vues de L'auteur de la largeur de
l'auteur, 2009, photographies à largeur réglable, dimensions
variables.
L'Auteur de la Largeur de L'Auteur est
constitué de deux photos noir et blanc dans des cadres noirs en
profilé aluminium de dimensions 24 x 18 cm accrochées à
une tringle à rideaux en métal de 120 cm de long avec des fils en
nylon et des attaches en plastique blanc. Les photos sont mobiles sur la
tringle et déplacables en actionnant les cordelettes à droite de
la tringle. Les photos ont été prises avec le même appareil
photo et le même système d'éclairage que pour L'Auteur
de la hauteur de l'Auteur. Les photographies ont également
été prises à mon domicile devant un tissu noir. Un ami a
prit les photos et la séance de pose a duré environ une heure.
Les deux photos sélectionnées ont été prises en
couleur puis transformées en noir et blanc sur Photoshop,
éclaircies par le réglage <<courbesÈ et
recadrées. Les tirages ont été effectués avec une
imprimante Epson Stylus Photo R1800 sur du papier photo Ilford Galerie
brillant.
Mon intention pour ce travail était de mettre en place
un dispositif permettant un déplacement horizontal des photos.
Après une réflexion sur la hauteur que l'auteur se donne à
lui-même, ce travail me donne l'occasion d'aborder celle de la <<
largeur de l'auteur È. Je me montre ici de profil et tendant les
lèvres comme pour donner un baiser. Lorsque les deux photos sont
rapprochées, il sem ble que je m'embrasse sur la bouche du bout des
lèvres. Cette fois-ci le déplacement se dirige à distance
des photos, gr%oce aux ficelles. Je pense par la suite créer des
éléments motorisés et se déplacant de
manière autonome c'est-à-dire réellement mobile (les
éléments actuels sont seulement déplacables). La notion de
largeur se distingue de celle de hauteur. L'Auteur de la hauteur de
l'Auteur montrait deux attitudes de l'auteur, d'une part une attitude
blasée et d'autre part une attitude émerveillée. Ces
attitudes correspondent à des états psychologiques que l'on
pourrait décrire comme <<haut È ou <<bas È.
Dans ce premier travail, les visages ne se voient pas et donc finalement
l'auteur est confronté au choix de son attitude par rapport à
lui-même. L'Auteur de la Largeur de L'Auteur confronte l'auteur
avec l'attitude sociale qu'il adopte, sa position sociale. Lorsque les photos
sont écartées, nous voyons deux profils. L'autoportrait de profil
donne de l'importance à celui qui se représente ainsi. Les
<< CésarsÈ étaient représentés de
profil sur les pièces de monnaies de l'Empire. Souvent les peintres,
lorsqu'ils ont voulu peindre leur autoportrait testamentaire, se sont
représentés de profil. Ce fut le cas par exemple du vieux Titien
comme du vieux Renoir. Le profil suggère la dignité et la
puissance. Les deux profils de L'Auteur de la Largeur de L'Auteur,
lorsqu'ils sont éloignés, donnent l'image d'un auteur important
ou prétentieux, qui occupe une large place dans la
société. Dans la
position opposée, celle oil les deux autoportraits se
touchent et semblent sÕembrasser sur la bouche, la place que
lÕauteur occupe est plus modeste. Le geste dérisoire dÕun
auteur qui sÕembrasse lui-même prête à sourire,
nÕest pas sérieux et peu t etre interprété comme un
geste anecdotique. Ici, tourné face à lui-même,
lÕauteur occupe donc une place sociale ridiculement petite,
peut-être aussi étroite que lÕinterstice de ses
lévres. Avec ce travail, je suis lÕauteur de la largeur de
lÕauteur dans la mesure oil comme pour le travail
précédent cÕest moi -même qui manipule
lÕÏuvre. Même si le dispositif de déplacement est ici
plus pratique, il nÕest pas encore adapté pour proposer aux
visiteurs de lÕactionner. Ceci constitue une des limites de ce travail
et je devrais réfl échir aux possibilités soit
dÕautonomiser le mouvement des photos, soit de rendre possible leurs
déplacements par les visiteurs. Une autre remarque concerne le cadre des
photos qui empêche de voir les lévres se toucher. Je pense que
cela nuit fortement à ce travail et je vais par consequent remplacer les
cadres par un contre collage.
4.b. Mobilité : Au-delà du
mouvement
Je projette de créer des éléments
capables de tourner sur eux-mêmes et de se déplacer sur des rails
dÕun endroit à un autre. Il serait aussi possible de mettre en
mouvement les tableaux dÕun musée et de les faire réagir
à la presence des visiteurs. Ce type dÕinstallations implique de
lÕélectronique, de lÕinformatique et de la
mécanique. Lorsque mes installations actuelles seront suffisamment
affirmées, jÕessaierai de construire des éléments
motorisés, et en premier lieu de faire tourner une toile avec un moteur.
Aprés ces premières experiences réalisées, je
monterai un projet incluant la participation dÕune ou de plusieurs
personnes compétentes.
4.c. Lumières et sons: quelles
synergies?
Je crée des tableaux qui renferment des petites lampes
à diodes, des mini-radios et des lecteurs MP3. Dans le cas d'un tableau
monochrome qui diffuse du son, la similitude avec une enceinte acoustique est
frappante. En effet la plupart des haut-parleurs sont protégés
par un tissu synthétique tendu sur une sorte de ch%ossis en métal
ou en plastique. Je souhaite produire des installations vivantes, qui utilisent
non seulement une grande variété de visuels, mais aussi une
variété de sons, de musiques, d'enregistrements, et toutes sortes
de lumières colorées. Cependant les diffuseurs de son et de
lumières doivent être cachés.
II. RASSEMBLEMENT : LA MISE EN RELATION
DESÎUVRES
ÇPour la première fois, semble-t-il, dans
l'histoire, l'art au travers duquel une époque s'identifie ne se
caractérise pas par un style ou une combinaison de styles
définis, mais par un éclectisme total qui fait du monde des
formes un domaine plus morcelé que la maison de Picassiette.
»28
28 Catherine Millet, L'art contemporain, Histoire
et géographie, Flammarion, Champs arts, 2006, p. 12.
<< C'est le programme classique de la perspective,
présenté dans son cadre Beaux - Arts, qui autorise l'accrochage
des tableaux en alignement de sardines. Rien ne suggère que l'espace
contenu par le tableau puisse se prolonger de part et d'autre de celui-ci.
»29
<< Dès que vous comprenez qu'un fragment de
paysage est produit par la décision d'exclure tout ce qui l'environne,
vous commencez à prendre conscience de l'espace situé hors du
tableau. Le cadre devient une parenthèse. La séparation des
peintures le long du mur, comme une sorte de répulsion
magnétique, devient inéluctable. Le phénomène fut
accentué et à vrai dire largement suscité par la science
nouvelle, l'art qui se dédia à extraire le sujet de son contexte
: la photographie. »30
Ces deux citations de l'article de Brian O'Doherty sur
l'espace d'exposition établissent nettement le contexte de la mise en
relation des productions plastiques. Alors que 19 ème
jusqu'au siècle les tableaux sont vus
indépendamment les unes des autres, par la
suite la question de l'interaction s'est posée et se
pose aujourd'hui. Dans ce contexte, placer ensemble des tableaux sur un
méme mur peut créer des tensions stylistiques et
sémantiques. Les dada ·stes et les surréalistes ont
éno rmément joué à mettre en relation des tableaux
et à créer ainsi toutes sortes de poésies visuelles. En
témoigne par exemple la
31
reconstitution d'un mur de l'atelier d'André Breton au
Centre Pompidou.Aujourd'hui, les conservateurs apportent un soin de plus en
plus sophistiqué pour accrocher les Ïuvres et les faire <<
dialoguerÈ entre elles. Les expositions au Grand Palais, oü tous
les paramètres de l'exposition semblent
ma»trisés, depuis la distance entre les Ïuvres, leur
éclairage, jusqu'à la couleur des murs sur lesquels elles sont
exposés, sont un exemple. Une des conséquences des
Installations proliferantes est ainsi de permettre l'étude
concrète des interactions entre les << Ïuvres È. La
question est alors de considérer comment la mise en présence de
plusieurs Ïuvres dans un méme lieu modifie l'appréciation de
leurs qualités plastiques et leurs interprétations. Lorsque nous
regardons plusieurs objets en méme temps, nous cherchons les points
communs et les différences. Il y plusieurs manières d'analyser ce
que l'on voit. Il est par exemple possible de compter les objets, de les
nommer, de les décrire. Si les objets sont figuratifs, la mise en
relation des choses
29 Brian O'Doherty, 1976, Inside the White Cube:
The Ideology of the Gallery Space, Letzigraben, Jrp/Ringier, Lectures
Maison Rouge, 2008, p. 40.
30 Ibid., p. 41.
31 L'atelier d'André Breton au Centre George
Pompidou est la reconstitution d'un mur de l'atelier d'André Breton
oü il travailla à partir de 1922. On y trouve entre autre LHOOQ,
Ïuvre de 1919 de Francis Picabia qui se moque de la Joconde au milieu de
tableaux de ses contemporains, de sculptures africaines, de cristaux,
coquillages et autres curiosités. Ce mur est une véritable
installation oü André Breton met en relation les formes, textures
et couleurs des éléments hétéroclites
exposés.
représentées peu t générer du
sens. Nicolas Bourriaud, dans son Esthétique relationnelle,
dira : << L'activité artistique, elle, s'efforce d'effectuer de
modestes branchements, d'ouvrir quelques passages obstrués, de mettre en
contact des niveaux de réalité tenus éloignés les
uns des autres. È32Le regardeur prend toute sa place
lorsqu'il s'agit de faire jouer des Ïuvres entre elles. Selon Marcel
Duchamp, << la signification d'une Ïuvre réside non pas dans
son origine, mais dans sa destination. Le spectateur doit na»tre aux
dépens du peintre. È Décrire la position relative des
Ïuvres dans un méme lieu est sensiblement différent de
simplement les appréhender ensemble. Un objet placé en hauteur ne
ressemble pas forcément au méme objet placé au ras du
sol.
Les tableaux rentrent en relation entre eux mais aussi avec le
mur et l'espace d'exposition. C'est cette relation entre les tableaux et le mur
que Claude Rutault met en évidence de manière radicale en 1974.
Ainsi lorsqu'il propose de <<peindre le tableau de la méme couleur
que le mur sur lequel il est accroché È33, il met
à égalité le mur et le tableau. Cet aspect du travail de
Rutault est fondamental pour mes installations murales. En effet, je
considère alors le mur dans sa totalité et à
égalité avec les Ïuvres. Les part ies du mur qui restent
visibles font partie de l'installation. Claude Rutault ne vend pas des
tableaux, il vend des tableaux << installés È selon une
<< définition/méthode È. Mes Installations
proliférantes sont des peintures et des sculptures
<<installées È, mais les règles de leur installation
ne sont pas aussi définies que celles de Rutault. Je me donne des
consignes et une direction d'ensemble et dans une certaine mesure chaque
Installation proliférante respecte une règle du jeu qui
lui est propre. Dans le cas par exemple de l'Installation
proliférante n°7, la consigne était: << Accrocher
les Ïuvres en biais par rapport au mur È.
La peinture classique était attachée à la
description du monde visible, à l'étude de la couleur, de la
géométrie, de la perspective et des différents effets
visuels (miroirs déformants, anamorphose). La peinture moderne fut un
lieu d'expérimentation des différentes manières de
peindre. Il était question d'avants gardes, de styles et d'investigation
du médium pictural. La peinture moderne débouche sur une prise de
conscience des caractéristiques fondamentales de la peinture : Surface,
recouvrement, rapports au mur, rapports à l'espace. La peinture
postmoderne admet la coexistence des
32 Nicolas Bourriaud, 1998, Esthétique
relationnelle, Dijon, Les Presses du Réel, Documents sur l'art,
2001, p. 8.
33 Définition méthode n°1, juin
1974, << Une toile tendue sur ch%ossis peinte de la môme couleur
que le mur sur lequel elle est accrochée. È
pratiques. Si l'on considère que les périodes
classiques et modernes ont épuisés les possibilités de
représentation et celles touchant à la nature de la peinture,
réunir ces deux approches, projet des Installations
proliférantes, n'est-ce pas ouvrir un nouveau champ
d'études?
Trois conceptions historiques de la peinture:
Peinture classique
|
Peinture moderne
|
Peinture postmoderne
|
Analyse des différentes manières de
représenter le réel
|
Analyse des différentes manières de peindre qui
débouche sur une analyse des caractéristiques
fondamentales de la peinture
|
Toutes les pratiques sont possibles si elles sont
assumées
|
|
|
|
Les tableaux sont percus de manière
indépendante.
|
Les tableaux sont percus les uns par rapport aux autres et dans
leurs rapports avec le mur et l'espace d'exposition.
|
Les tableaux sont percus en fonction de la scénographie
de l'exposition.
|
Parce qu'elles regroupent des Ïuvres exposées
d'une certaine manière, les Installations proliférantes
s'inscrivent dans l'histoire de l'exposition. Il semble donc pertinent de
donner ici quelques points de repères sur la manière dont les
oeuvres ont été exposées dans le passé, ceci dans
le but de mettre en perspective les Installations proliférantes
ainsi que pour leur ouvrir d'éventuels nouveaux horizons.
Si l'histoire de l'exposition dans les musées tel qu'on
les conna»t aujourd'hui est relativement à la fin 18 ème
récent e puisqu'elle appara»t seulement du
siècle, les Ïuvres
d'arts étaient auparavant montrées dans des
contextes variés. Dans l'antiquité et au Moyen-âge, les
Ïuvres d'art servaient de faire valoir aux cultes religieux et guerriers
et à ce titre se trouvaient principalement sur les lieux de cultes et de
commémorations. Les Ïuvres étaient exposées sur les
places publiques, dans les riches demeures (villas romaines, palais), dans les
temples, les églises, les châteaux, et parfois cachées et
sorties
lors des cérémonies. Certaines églises
avaient amassé de véritables << trésors >>,
des objets sculptés et incrustés de pierres, des reliques, des
peintures, des sculptures, des retables. L'art était toujours <<au
service de>> et par conséquent n'avait pas de lieu
consacré. Les Ïuvres d'art étaient admirées
entourées de toutes sortes d'objets, d'architectures, de
revétements muraux et parfois portées lors des processions. La
fin de la renaissance voit arriver en Italie puis dans le reste de l'Europe un
phénomène précurseur de l'exposition, celui des cabinets
de curiosité. Cette pratique désuète et longtemps presque
oubliée fait l'objet d'un fort regain d'intérêt depuis une
trentaine d'année, certainement parce qu'elle correspond à
l'esprit du temps, celui d'un gout certain pour l'éclectisme et les
associations de styles. Pour la première fois, les Ïuvres d'art
sont rassemblées dans un lieu spécialement dédié et
mises en rapports les unes avec les autres. La grande période des
cabinets de curiosités se situe entre 1550 et 1650, cependant cette
pratique à des antécédents et des échos 1
er
jusqu'à aujourd'hui. Jean de Berry, mécène
du début du
15ème siècle rassemblera une riche
collection de manuscrits et d'enluminures (il est le commanditaire des
Très Riches Heures du Duc de Berry). Le château d'Oiron a
reconstitué son cabinet de curiosité et invite des artistes
contemporains à y créer des Ïuvres en rapport avec ce
thème. Le Musée Chintreuil dans l'Ain propose une visite d'un
cabinet de curiosités divisé en naturalia,
artificialia, et complété par des antiquités et
des exotica. Miquel Barcelo vit dans son atelier parisien
entouré d'objets tels que des tétes et des crânes d'animaux
ou des poissons séchés. Mark Dion a créé en 2001
avec l'artiste britannique Robert Williams une installation intitulée
Theatrum mundi: armarium qui ressemble à un véritable
cabinet de curiosités.
Le cabinet de curiosités est une collection d'objets
rares, plus ou moins orienté vers tels ou tels types d'objets en
fonction des préoccupations du collectionneur. Les médecins et
les apothicaires, comme par exemple Ferrante Imperato à Naples sont
parmi les premiers collectionneurs de spécimens zoologiques et
botaniques qui leur servent pour leurs préparations médicales.
D'autres collectionneurs sont des aristocrates, des bourgeois, des princes, des
académiciens, des universitaires ou responsables d'institutions. A ce
titre, les objets rassemblés sont hétéroclites et l'on
peut trouver dans certaines demeures royales, de notables ou d'apothicaires,
mélangés à des Ïuvres d'arts parfois antiques (bustes
romains, statues), des objets de sciences naturelles (animaux empaillés,
insectes séchés, herbiers, coquillages) des instruments
scientifiques (mappemondes, lunettes astronomiques, horloges, compas), des
monnaies, des bijoux et
des livres. Le projet du cabinet de curiosité est le
reve utopique d'enfermer dans un meme lieu la totalité du savoir, des
productions de la nature, de l'art et de la science et de les ordonnancer, les
compartimenter et les classer. Cette volonté de concentration du savoir
trouvera une forme cristallisée dans les « cabinets d'arts »,
des mondes en miniatures, sortes de meubles regorgeant de curiosités et
incrustés de pierres peintes et de marqueteries. A Florence, Francois de
Médicis agence dans un dialogue subtil les tableaux et les bronzes avec
un décor de marbre et de bois peint autour du thème des quatre
éléments. Panneaux, armoires, cabinets, tiroirs et
étagères compartimentent, ordonnent et classent les objets,
créent un réseau de sens et de correspondances. « L'histoire
des cabinets de curiosités est celle d'une progressive fragmentation,
puis éclatement de l'espace dont chaque parcelle, de la table centrale
aux portes des placards, des appuis de fenetres aux plafonds, finit, dans un
souci d'unité interprétative et esthétique, par etre
codifiée, analogie et symétrie renforcant l'illusion.
»34 La réflexion sur l'espace d'exposition, le cadre,
les conditions d'encadrement et le socle trouve -t-elle ici une origine ?
La recherch e de continuité et de correspondances entre
les arts au sens large et la nature est un des objectifs des cabinets de
curiosités. La nature dans ses formes les plus originales rivalise avec
l'art dans ses manifestations les plus audacieuses. Cette intrication du
naturel et de l'artifice sera la source de création d'objets hybrides,
notamment de gros coquillages sertis dans des gangues de métal
sculpté. Des objets étranges seront fabriqués
spécialement pour les cabinets de curiosités comme par exemple
des polyèdres en ivoire imbriqués les uns dans les autres, formes
probablement inspirées des découvertes de Kepler. L'empereur
Rodolphe II est un important collectionneur qui fait travailler des artisans,
des peintres (Le Caravage, Arcimboldo) et des scientifiques (Tycho Brahe,
Johannes Kepler).
A partir du milieu du 17ème siècle,
les progrès de la science font que les objets sont séparés
et classés entre ceux issus de la nature, les naturalia que
l'on trouvera dorénavant dans les musées d'histoire naturelle, et
les produits de l'intelligence humaine, les artificialia visibles dans
les musées des Beaux-arts, d'arts et métiers et les
académies. Le Leverian Museum, musée zoologique
créé par Sir Ashton Lever à Londres en 1775 est un des
premiers véritables musées à entrée payante ouverts
au grand public.
34 Patrick Mauriès, Cabinets de
curiosites, Paris, Gallimard, 2002, p. 35.
Les surréalistes prendront le contre-pied de cette
séparation des genres et rassembleront des collections
hétéroclites dans un but poétique et artistique. Paul
Eluard et André Breton collectionnent des objets d'arts africains et
océaniens, des oeuvres surréalistes, des objets incongrus pour
créer des rapports formels. L'atelier d'André Breton
reconstitué au Centre George Pompidou est un entassement de petits
meubles contre un mur sur lesquels sont posé s les objets. Cet
accrochage avec son accumulation d'objets et les tableaux accrochés sur
la partie supérieure de mur a particulierement inspiré
l'Installation proliférante n°6. Passant du coq à
l'%one, Breton met par exemple en rapport le graphisme en courbe du tableau
« L-H-O-O-Q » de Francis Picabia et celui d'un bouclier tribal
placé à cTMté.
En 1936 s'est tenue dans la galerie Charles Ratton à
Paris une exposition surréaliste qui, reprenant la thématique
importante de l'imbrication art/nature, mettait en relation des objets
naturels, naturels interprétés, naturels incorporés,
objets perturbés, objets trouvés, objets trouvés
interprétés, objets américains et océaniens,
ready-made, objets mathématiques et objets surréalistes. Le
porte-bouteilles de Duchamp (l'egouttoir) ainsi que sa « cage
à sucres » (Why Not Sneeze ?) étaient
exposés au milieu d'une vitrine parmi des statuettes africaines et
sud-américaines, des sculptures en tige de métal et fils et
divers objets étranges. Ce dispositif de la vitrine amorce un processus
au terme duquel la bo»te, l'environnement et l'installation ont
définitivement pris le pas sur le cadre du tableau. La définition
que donne André Breton du surréalisme en 1935 est proche du
projet des cabinets de curiosités, proche de celui des Installations
proliferantes et peutetre dans une certaine mesure commun au concept meme
d'exposition : « la rencontre fortuite de deux réalités
distantes sur un plan non convenant ».35
Lorsqu'on me propose un lieu d'exposition, je
sélectionne dans mes divers ateliers les productions plastiques qui me
semblent les plus appropriées. Une fois sur place, la première
étape consiste à installer la palette, travail qui consiste
à ranger les éléments sélectionnés par
catégories, par styles et par formats. Ensuite, j'agis comme un peintre,
à la différence pres que les peintures et les pinceaux sont
remplacés par les productions plastiques et différents systemes
d'accrochage.
35 André Breton, 1935, Situation
surrealiste de l'objet, dans les Îuvres completes t.II,
Paris, Gallimard, La Pléiade, 1992, p. 492.
1. Juxtaposition, superposition : le regroupement des
oeuvres 1.a. Installation proliferante n°1
Fig. 33. Installation proliferante n°1,
2009, peintures, photographies, dessins, lithographie, monotype, herbier,
sculptures en argile, supports en bois, sable, environ 400 x 850
cm.
L'Installation proliférante n°1 est une
installation murale constituée dÕun assemblage dÕimages et
de sculptures posées sur des supports en bois. Les 80 images et les 5
sculptures sont réparties sur la totalité dÕun mur
dÕenviron 4 metres de haut et 8,5 metres de long. Le plus petit element
est un cadre dore de 15 x 15 cm et le plus grand element une huile sur toile de
101 x 101 cm. LÕinstallation existe aussi en épaisseur et
lÕon peut considérer que cette installation occupe un volume
dÕenviron 400 x 850 x 30 cm. En raison du grand nombre
dÕéléments constituant cette installation murale, il
serait fastidieux de donner les details sur chacun. Voici tout de même
quelques précisions. Les elements en deux dimensions sont à
ranger en deux categories. La premiere est constituée de 20 toiles qui
lorsquÕelles sont regroupées dÕune certaine manière
forment une peinture intitulée Peinture liquide n°1. La
deuxieme catégorie est un rassemblement de travaux en deux dimensions,
le plus ancien datant de 1991. Une grande diversité de techniques et
d'approches participe à la création de ces
éléments. Toutefois, chacun a été choisi pour sa
capacité à évoquer le concept de prolifération.
Trois sculptures ont été concues spécialement pour cette
installation, les deux autres proviennent d'un corpus accumulé lorsque
j'étais étudiant à l'Ecole Supérieur d'Arts et
Médias de Caen en 2002. Les socles en bois recouverts de sable sont
à considérer comme des éléments structurant le
mur.
L'intérêt de cette installation murale se trouve
dans son identité plastique originale, à murs 18 ème
entre
mi-chemin les de peintures du siècle et la
création
contemporaine. A la fois cabinet de curiosités -avec
par exemple la présence d'un herbier- et travail conceptuel, cette
installation murale est à examiner dans les rapports créés
entre des éléments de natures très différentes. Ici
la mise en situation d'une Ïuvre dans une autre est une occasion de
révéler chaque élément en ses composants.
Le critère de sélection pour qu'un travail
puisse faire partie de l'installation résidait dans la capacité
de cet élément à évoquer le concept de
prolifération. Qu'entend- j e par <<concept de
prolifération>> ? Un concept incluant une idée de
reproduction et d'accroissement. En physiologie, prolifération est un
terme désignant la multiplication des cellules par leur division.
Plusieurs mots sont synonymes ou incorporent un sens proche. C'est le cas de
termes tels que <<envahissement >>, <<foisonnement >>,
<< fourmillement >>, << grouillement >>. D'autres mots,
s'ils ne sont pas synonymes, sont porteurs de significations en lien avec le
terme étudié. Relevons entre autre <<accumulation >>,
<< addition >>, multiplication >>, <<division >>,
<<extension >>,
<<réplication >>, <<reproduction
>>, <<germination >>, << saturation >>, <<
expansion >>, <<destruction >>, << regroupement
>>, << entassement >>, << anéantissement
>>, << étouffement >>, <<assemblage >>,
<<clonage >>, << croissance >>, <<opulence
>>, << truculence >>, <<foule >>, << groupe
>>, et les verbes << abonder >> et << pulluler
>>.
J'ai choisi des éléments contenant une
idée de prolifération, en cherchant les différents
critères pour définir une photo, un dessin, une peinture, une
estampe comme étant <<proliférant >>. Le premier
critère qui vient à l'esprit est une répétition
d'un motif visuel qui envahit tout l'espace de l'image. Les aquarelles de Barry
Mc Gee en sont un exemple, avec leurs imbrications de losanges et autres
parallélogrammes colorés. Sa pièce intitulée
Untitled 27 est une accumulation de cadres de taille moyenne et tous
différents. A l'intérieur des cadres, Barry Mc Gee a placé
ses dessins et aquarelles. Il y a deux sortes d'images: Une trame ou dallage
coloré et des sortes de caricatures de têtes
humaines. Les installations murales d'Allan Mc Collum sont des
assemblages d'éléments en deux dimensions qui sont tous uniques
mais issus du méme processus de production. Au début des
années 80, il fabrique des Surrogates Paintings, (peintures
subrogées) qui sont des milliers de variations sur le theme d'un
monochrome noir, d'une Marie Louise et d'un encadrement. Les Plaster
Surrogates sont des répliques en plâtre des Surrogates
Paintings.
Fig. 34. Allan McCollum, Plaster
Surrogates,
1982/84, émail sur hydrostone, 40 panneaux de 12,8
x 10,2 à 51,3 x 41,1 cm. En tout 162,5 x 279,4 cm.
Fig. 35. Barry Mc Gee, Untitled 27, 2006,
dessins et aquarelles sur papier, 193 x 170,2 cm.
Pour lÕInstallation proliférante
n°1, jÕai utilise les 20 toiles de Peinture liquide
n°1 qui sont toutes issues du même processus de fabrication, et
sont des variantes du même motif visuel (les lignes verticales).
JÕai également retenu une photo qui montre des modules
identiques, semblables à une photo dÕatomes vus au microscope
electronique.
Fig. 36. Cloches, 2009, photo numerique d'une
photo argentique, multiple en plastre moule realise à partir d'un modele
en argile tournée, 10 x 15 cm.
Un second critere dÕéléments proliferants
correspond à des travaux Ç all over È, semblables à
ceux decrits ci-dessus mais sans la regularite des motifs. CÕest le cas
dÕune encre de chine sur carton de dimensions 82 x 58 cm, ou encore
dÕun monotype realise avec des aiguilles de sapins de dimensions 31 x 25
cm. LÕherbier pourrait presque faire partie de cette catégorie,
mais il presente une variete de plantes et fait plutTMt reference à la
proliferation de la vegetation. Le dessin de Jean-Jacques Rullier, Peux-tu
aider le termite ? 2005, est un exemple de ce type de travaux.
Fig. 37. Jean-Jacques Rullier, Peux-tu aider le
termite? 2005, crayon sur papier.
Fig. 38. Fourmiière, 2008, monotype, 31 x
25 cm.
Un troisième critère regroupe les travaux
oü l'on reconna»t une forme en étoile à partir d'un
point central. C'est le cas des photos de Noocactus mais
également d'une acrylique sur verre de dimension 70 x 50 cm
réalisée spécialement pour cette installation.
C'est aussi le cas des encres qui se diffusent dans le papier
humide. La photo ci-dessous d'un Cactus de Michel Francois est aussi
un exemple de ce genre de travaux.
Fig. 39. Etoile, acrylique, verre et isorel,
2009, 70 x 50 cm.
Fig. 40. Michel François, Cactus,
tirage
photographique 24 x 18 cm, 30 exemplaires
numérotés et signés par l'artiste avec le livre En
même temps, 1998.
Fig. 41. Hossein Zenderoudi, Vav+hwe,
acrylique sur toile, 200 x 200 cm.
Un quatrième critère d'éléments
proliférants fait appel au geste lâché qui évoque la
prolifération parce qu'il indique un mouvement rapide dans une
direction. Une acrylique sur toile de dimensions 81 x 54 est un exemple de ce
type d'images. Les Informes sont un exemple du cinquième
critère proliférant. En effet, ces peintures sur papier
fourmillent de mélanges et de couches de matières
colorées, et sont comme des éponges, des algues.
Au-delà de l'image elle-méme, j'ai voulu jouer
sur les rapports entre l'image et son cadre. Par exemple, j'ai mis une photo
violette dans un cadre en imitation croco marron, et le contraste donne un
effet ÇkitschÈ intéressant. J'ai posé ce cadre
derrière une petite sculpture. Cette sculpture rappelle dans sa forme un
chandelier ou un porte encens, si bien que l'ensemble du support avec du sable
sur lequel était posé le cadre et la sculpture fait penser
à l'hôtel d'un culte religieux.
Fig. 42. Detail de Installation
proliférante n1, cadre en faux croco, photo violette, petite
sculpture, sable, support en bois.
Certaines images de cette installation ont un c
aractère autobiographique. Le Chien leopard est une
lithographie réalisée à partir d'un croquis dans un
carnet. Cette image est une sorte d'autoportrait, la représentation d'un
trait de ma personnalité. Les pattes et le ventre de l'animal sont
disproportionnés, illustrant une prépondérance de l'action
et de l'instinct par rapport à la réflexion.
Fig. 43. Le Chien leopard, 2000, lithographie,
37 x 28 cm.
Au milieu du mur, j'ai accroché le portrait de ma
grand-mère. J'ai dessiné ma grand-mère pendant sa sieste,
et il était clair dans mon esprit que je réalisais une sorte de
portrait mortuaire, tant à ce moment ma grand-mère était
vieille et proche de la mort. Ce dessin constitue le centre de l'installation.
J'ai vécu six mois chez ma grand -mère, et j'ai été
frappé par sa manière de passer du coq à l'âne, de
parler de tout en méme temps. Dans ce sens je pense que l'on peut dire
que ma grand-mère avait un esprit proliférant.
Fig. 44. Ma Grand-Mere, 2006, crayon sur papier,
24 x 31 cm.
Fig. 45. Ma Grand-Mere en situation dans
l'Installation proliférante n°1.
Cinq sculptures étaient incluses dans l'installation,
parmi lesquelles trois ont été réalisées
spécialement. Je me suis inspiré des Hallucinatory heads
de Damien Hirst pour peindre des Noocactus de manière
Ç proliférante È.
Fig. 46. Noocactus proliférant n°1,
2009, Fig. 47. Noocactus proliférant n°3,
2009,
argile, peintures acryliques liquides, vernis, argile,
peintures acryliques liquides, vernis,
34 x 12 x 11 cm. 23 x 32 x 30 cm.
Fig. 48. Noocactus proliférant n°3,
2009, Fig. 49. Damien Hirst, Hallucinatory head, 2008,
argile, peintures acryliques liquides, vernis, peintures
sur cr%one en plastique,
29 x 22 x 19 cm. 210 x 140 x 140 cm.
1.b. Installation proliférante
n°4
Cette installation se situe dans la continuité de
l'Installation proliférante n°1, mais est nouvelle par les
aspects suivants: D'abord le choix de ne sélectionner que des
éléments de petites tailles et pas de sculpture. Puis celui
d'utiliser des peintures et des dessins que j'ai réalisés enfant,
les plus anciens datant de 1990. Ensuite, j'ai voulu profiter de l'occasion
pour inclure des éléments lumineux et sonores. Enfin, dans
l'intention de donner une structure visuelle à l'ensemble, j'ai
décidé de créer plusieurs sortes de monochromes noirs. Les
deux éléments les plus grands sont les papiers peints en jaune de
29,7 x 21 cm. Les quatre éléments les plus petits font 2 x 2 cm
et sont en bois peint en noir. Il y a trois sortes de monochromes noirs,
certains sont des toiles sur ch%ossis, d'autres des plaques de verre et ceux
qui sont plus petits et carrés sont en bois peint en noir.
Fig. 50. Installation proliférante
n°4, 2009, dessins, peintures, mini-radio, lecteurs MP3, lampes
à diodes, dimensions variables.
Trois lampes à diodes sont cachées dans les
éléments. L'une forme l'Ïil d'une sorte d'autoportrait, une
autre est dissimulée dans une petite peinture sur ch%ossis qui se trouve
éclairée de l'intérieur. En regardant de près les
monochromes noirs, on découvre
que l'un d'eux abrite la troisième lampe. Les
éléments sonores sont également trois: Un petit monochrome
blanc de dimensions 9 x 8 cm diffuse la station de radio France Inter.
Deux autres monochromes de méme dimensions, l'un blanc et l'autre noir
laissent échapper des airs d'opéras pour l'un et l'enregistrement
de mon trajet en métro pour l'autre. Les airs d'opéra et les
lieder sont ceux que je chante. J'ai voulu montrer la similitude visuelle entre
une enceinte de haut parleur et une toile sur ch%ossis.
Cette installation est fortement autobiographique. Les
peintures de mon enfance correspondent à des moments de
découverte, par exemple au jour oü pour la première fois
j'ai utilisé le pinceau comme un tampon à poils
ébouriffés pour déposer de la gouache presque sèche
sur le papier. L'arbre au bord de la rivière (détail n°1)
est réalisé avec cette technique toute simple qui dans mon esprit
enfantin était une vraie découverte. La photo du fÏtus
(détail n°2) correspond au début de la chronologie et les
miroirs à la fin c'est-à-dire à l'instant
présent.
Fig. 51. Détail n°1 de l'Installation
proliférante n°4. On y voit l'arbre au bord de la
rivière mais aussi les palmiers avec le soleil couchant et au milieu
une nature morte de fruits plus récente. Le
ème
personnage de droite est mon professeur de
théâtre encadré dans un cadre début 19 . En dessous
la petite peinture est éclairée de l'intérieur. En haut
à gauche se trouve le monochrome blanc qui diffuse les airs
d'opéra et en haut à droite celui qui diffuse l'enregistrement du
trajet en métro. Au dessus du soleil couchant se trouve un autoportrait
photographique partiellement effacé.
Fig. 52. Détail n°2 de l'Installation
proliférante n°4. On y voit la photo du fÏtus dont la
forme arrondie est reprise par les deux éléments du dessous (la
photo d'un Nooca ctus à gauche et un découpage à
droite). L'arbre en haut à gauche est réalisé avec la
même technique que l'arbre au bord de la rivière du détail
n°1. A droite de l'arbre se trouve la photo d'une jeune fille et en
dessous un miroir. A droite du papier jaune est accroché un dessin au
feutre qui est décalqué avec de l'alcool à
90°.
L'accrochage About Nothing de John Armleder regroupe
certains de ses dessins qu'il a conservés et encadrés dans toutes
sortes de cadres et de sous verres.
Fig. 53. John Armleder, 2006, About Nothing,
travail sur papier, 1962-2006.
Mladen Stilinovic met en évidence les clichés
visuels du communisme. Il affirme que le sujet de son travail est le langage de
la politique, ou plutôt son influence sur le langage la quotidienne.
36
de vie Entre 1984 et 2000, il rassemble environ quatre cents
peintures, photographies, objets, textes et collages et en
extrait trente-six pièces pour une installation murale qu'il appelle
The exploitation of the Dead. Des copies ou interprétations de
peintures suprématistes, constructivistes ou du réalisme
socialiste y côtoient des photographies de rituels collectifs, notamment
des manifestations politiques ou sportives. Stilinovic expose un vocabulaire
formel ayant perdu sa signification avec la fin du régime, il
dénonce la récupération de certains signes
(étoiles, croix, couleurs rouges, blanc, noir) par des idéologies
politiques, religieuses ou artistiques. Placés entre une photo de
Kasimir Malevitch sur son lit de mort et des plaques mortuaires vierges, des
copies de tableaux suprématistes, abstraits et réalistes
socialistes, des collages, des photos de réunions politiques, de
cimetières et autre mémoriaux hésitent entre les sens
qu'ils avaient auparavant et leur vacuité totale en tant que signes.
Avec son installation pour la documenta de Kassel n°12, Stilinovic
accroche ses éléments sur une sorte de maison en
préfabriqué dans laquelle il est possible de rentrer. Il met
réellement ses Ïuvres en situation dans et sur une autre
Ïuvre, la cabane en préfabriqué qui leur sert de support.
Les Ïuvres sont accrochées sur l'Ïuvre et y trouve leur
contexte. En effet cette fragile maison rappelle que le communisme a surtout
laissé des logements vides (comme c'est le cas en Allemagne de l'Est).
Les Ïuvres accrochées sont comme des trophées d'une
époque révolue, ayant perdu leur sens.
Fig. 54. Installation de Mladen Stilinovic à la
documenta de kassel n°12.
36 Mladen Stilinovic, catalogue de 12 ème
la documenta de Cassel, Op. cit., p. 122. Ç The
subject of my work
is the language of politics, or rather its reflection in the
language of everyday life.È
1.c. Installation proliférante
n°5
L'Installation proliférante n°5 regroupe
des photos, tableaux et dessins de ma collection personnelle. C'est un
écho à l'accrochage de Jean-Jacques Lebel à la Maison
Rouge. L'accrochage de Jean-Jacques Lebel est comparable à une
installation qui occupe tout l'espace du musée. Lebel considère
que les Ïuvres perdent leurs significations si elles sont
accrochées de manière neutre (si tant est que cela soit possible
!). Il crée donc des agencements entre des Ïuvres très
diverses de la collection commencée par son père et qu'il
continue aujourd'hui. Ma collection personnelle est dérisoire en
comparaison avec celle de Lebel (qui possède entre autre un magnifique
Arcimboldo mais aussi un Saura, un Michaux, un Picasso et bien d'autres!). Avec
Installation proliférante n°5, j'ai voulu jouer avec ce
côté dérisoire. J'en ai aussi profité pour me faire
prendre en photo en situation de montrer
les Ïuvres de ma collection. Reprenant le thème de
la croix présent dans l'installation de Lebel j'ai disposé les
Ïuvres de manière symétrique, de part et d'autre d'un saint
en prière qui occupe la position centrale. Beaucoup d'Ïuvres de ma
collection sont des photos. J'ai coincé les photos dans des trombones
que j'ai accrochés sur des petits clous. Au cours d'une interview avec
Peter Halley, Wolfgang Tillmans dit qu'il repère les différentes
formes de matérialités possibles des photographies pour les
mettre en relation les unes avec les autres. Il encadre certaines
photographies, en accroche certaines directement sur le mur (les impressions
jet d'encre par exemple) et pour d'autres il joue avec le critère
d'édition limité inhérent aux photographies d'artistes en
donnant à une page de magazine ou à une carte postale une
présence équivalente sur le mur. Il affirme ne jamais
épingler des photographies afin de ne pas percer leurs coins: Ç
[É] when you pin it, you pierce the corner È 37. Il
utilise donc un adhésif qui n'ab»me pas l'émulsion
photographique. Par contre il utilise des épingles en acier pour les
pages de magazines, car il est impossible d'enlever de l'adhésif sans
déchirer le papier.
37 Collectif, Wolfgang Tillmans, Phaidon,
2010, page 29.
Fig. 55. Installation proliférante
n°5, vue d'ensemble.
Avec sa série Thrift Store Paintings, Jim Shaw
fait croire qu'il expose des tableaux achetés dans des brocantes. En
réalité, il a peint lui-même les tableaux, en s'inspirant
toutefois du style de la peinture populaire américaine des
<<peintres du dimanche È. Il regroupe ses tableaux par themes,
comme par exemple celui des animaux. Bertrand Lavier collectionne les
Ïuvres des personnes dont le nom de famille est << Martin È.
Lors de l'exposition << Voilà È au Musée d'Art
Moderne de la Ville de Paris en 2000, il a présenté une
installation intitulée L'art des Martin (1900-2000), qui
regroupait des oeuvres dont le point commun était d'avoir pour auteur
des artistes nommés Martin.
Fig. 56. Jim Shaw, 2002, Paintings Found in an
O-ist Thrift Store Ð Animals, 11 peintures, taille
variable.
En 2007 à lÕoccasion dÕune exposition
intitulée La peinture fait des vagues, Claude Rutault a investi
l'ensemble des salles du Musée des Beaux-Arts de Brest. Il met en
dialogue une selection dÕÏuvres anciennes du musée et ses
propres tableaux. Son accrochage est comme toujours une réflexion sur la
maniere dÕaccrocher un tableau. En face dÕune peinture de Poussin
qui montre un peintre de face, il place un tableau cTMte ch%ossis, toile contre
le mur. Dans une des grandes salles du musée, il place les peintures de
part et dÕautre dÕune ligne dÕhorizon fictive.
Fig. 57. Claude Rutault, La peinture fait des
vagues, Musée des beaux-arts de Brest, 2007.
LÕappropriation dÕun objet ou dÕune
Ïuvre comme point de depart de la creation dÕune autre Ïuvre
est plus quÕune simple citation, parce quÕelle constitue vraiment
le motif de lÕÏuvre créée tandis que la citation
nÕintervient quÕen temps quÕélément
supplémentaire. Les formes dÕappropriations artistiques sont
multiples. Il peut sÕagir de lÕappropriation dÕun theme
comme par exemple le theme du déjeuner sur lÕherbe qui a
été repris maintes et maintes fois depuis son apparition au
19ème siècle (repris entre autre par Edouard Manet, Claude Monet,
Pablo Picasso et Alain Jacquet). LÕappropriation peut être
liée au détournement dÕimage ou dÕobjet. Les
artistes du Pop art utiliseront sans frein cette forme dÕappropriation.
Ainsi Roy Lichenstein ou Claes Oldenburg agrandissent
démesurément des objets du quotidien tels que bandes
dessinées ou ustensiles de cuisine, Andy Warhol détourne des
images de journaux pour les sérigraphier sur des fonds peints de
couleurs acryliques vives. Il est possible de sÕapproprier une
idée, une technique ou un principe de creation dÕune Ïuvre.
Dans le cas de la reproduction dÕune oeuvre à lÕidentique,
lÕappropriation peut devenir falsification. Une forme
dÕappropriation se situe
entre l'appropriation totale et la
réinterprétation, c'est celle permise par la photographie et mise
en évidence par Sherrie Levine lorsqu'elle rephotographie des
photographies de Walker Evans.
La forme d'appropriation qui nous intéresse ici est
peut être la plus extrême, celle qui consiste à utiliser
directement une Ïuvre ou un objet pour la mettre en situation dans la
sienne. C'est ce que fait Braco Dimitrijevic lorsqu'il installe le tableau
La mort de Marat dans une baignoire38. Bertrand Lavier
adopte aussi ce type d'approche lorsque, dans la continuation du travail de
Marcel Duchamp sur les ÇReady Made È, il désigne un objet
comme Ïuvre d'art. Cette forme d'appropriation peut aller jusqu'à
la destruction de l'Ïuvre utilisée.
Une troisième forme d'appropriation consiste à
modifier voire à détruire l'Ïuvre que l'on s'approprie.
C'est ce que fait Robert Rauschenberg lorsqu'il efface un dessin de De Kooning
en 1953, ou Bertrand Lavier lorsqu'il repeint une peinture de Morellet.
38 Installation créée pour l'exposition
«Vis-à-vis» au musée des Beaux-arts de Reims, 1987.
1.d. Installation proliférante
n°7
Fig. 58. Installation proliférante
n°7, 2010, Ïuvres d'art sur mur, environ 5 x 7 x 9 m. (photo:
Ghislaine Périchet)
-Le projet et sa réalisation concrète
J'ai créé cette installation pour la Galerie
Michel Journiac à Paris. Le mur que l'on m'a proposé d'investir
faisait environ cinq mètres de haut et sept mètres de long. Le
premier projet d'installation était de construire une structure en
tasseaux de bois perpendiculaires décollés du mur d'environ 10
cm. Ce réseau permettait d'accrocher les Ïuvres sur deux niveaux,
celui du mur et celui des tasseaux de bois. L'intérêt était
que les Ïuvres puissent se recouvrir partiellement et sans se toucher. La
structure aurait également servi de support aux sculptures. Ce projet
d'installation relativement ambitieux nécessite un minimum de huit jours
de travail sur le lieu d'installation. Du fait que je n'avais que trois jours
à consacrer à l'installation pour la galerie Journiac mais aussi
parce qu'une autre idée d'installation naissait dans mon esprit, j'ai
décidé de remettre ce projet à une prochaine occasion.
J'ai donc créé une installation en accrochant les Ïuvres en
diagonale, c'est-à-dire penchées vers l'avant, le bas touchant le
mur et le haut étant retenu par un fil de nylon transparent. J'ai
inventé un système d'accrochage triangulaire, avec deux points
d'attaches sur les Ïuvres et un point d'attache sur le mur. Ce
système permet éventuellement de créer des supports muraux
pour des sculptures, en ajoutant une Ïuvre rigide (photo sous verre par
exemple) posée à l'horizontale sur la première.
L'idée était d'accrocher les Ïuvres des plus grandes aux
plus petites en dégradé du haut jusqu'en bas du mur et d'y
intercaler des sculptures. La première étape de la
réalisation consistait à choisir et à acheminer les
Ïuvres depuis mon atelier jusqu'à la galerie. Les plus grands
formats ne devaient pas dépasser 80 x 80 cm. J'ai
privilégié la sélection d'Ïuvres en rapport avec
l'idée de diagonale, de ciel, de falaise, de coulures, d'arbres. Une
fois les Ïuvres posées dans la galerie, je les ai
équipées de leur système d'accrochage en fil transparent
et rangées par tailles. En raison d'un manque de temps, mais aussi afin
de ne pas trop gêner l'Ïuvre d'une autre exposante sur le mur
d'à côté, j'ai décidé d'abandonner le projet
d'accrochage Çall overÈ et d'accrocher les Ïuvres en
pyramide inversée, la base se trouvant au plafond et le sommet à
environ un mètre cinquante du sol. J'ai commencé l'accrochage en
haut du mur avec les plus grandes Ïuvres et en descendant au fur et
à mesure. J'ai installé un support au niveau du sommet sur lequel
j'ai posé une sculpture.
-Le choix des Ïuvres sélectionnées
Cette installation est constitué e de cinquante et une
Ïuvres. J'ai créé toutes les Ïuvres à
l'exception de trois, deux autoportraits d'un certain M. Renouart et un vieux
dessin d'une jeune bergère. Trente et une Ïuvres sont des
peintures, dont seize datent de 2010, trois de 2009, cinq de 2008, une de 2000
et deux de 1992. L'installation intègre dix photos, dont quatre datent
de 2010, deux de 2009, une de 2008, trois de 2007. Une gravure et un monotype
ont été créés en 2008, et deux
éléments lumineux et sonores en 2009. Deux éléments
sont des toiles rouges non peintes tendues sur ch%ossis, l'une en velours et
l'autre en tissu synthétique. Un dessin au fil à coudre sur une
toile tendue sur ch%ossis avait été créé pour
l'Installation proliférante n°1.
-Quelques exemples d'Ïuvres constituant l'Installation
proliférante n°7.
L'Ïuvre centrale de cette installation est un
Noocactus en argile résiné marron d'environ trente
centimètres de haut. Cette sculpture est posée sur un support
constitué de deux autres Ïuvres, des photos encadrées de
dimensions 24 x 18 cm, une accrochée à l'horizontale et l'autre
à quarante cinq degrés. La photographie horizontale est un tirage
jet d'encre d'une photo prise avec un téléphone portable du ciel
bleu lors d'une visite à la Documenta de Kassel en 2007. Cette photo est
encadrée dans un cadre bleu ciel en bois peint. Le Noocactus
est donc posé sur une photo de ciel, elle- même posée
sur un autoportrait en noir et blanc. Cette seconde photo me montre regardant
vers le ciel, la tête penchée en arrière.
Au dessus de la sculpture se trouve une autre photographie du
ciel de la Documenta de Kassel, encadrée dans un cadre doré
ancien de dimensions 30 x 42 cm. Cette photo est une référence
à Yves Klein, à la fois monochrome bleu et
fragment de ciel prélevé et signé. Le
doréest une des trois couleurs auquel Yves
Klein accordait une valeur spirituelle. Placée au
dessus du petit autel formé par la sculpture posée sur son
support photographique, cette photo placée à la hauteur des yeux
renforce, esthétise l'installation et lui donne un caractère plus
solennel.
A côté du ciel bleu se trouve dans la logique de
Klein un ciel rose. La dominante rose de cette photo est l'effet d'un tirage
sur une imprimante jet d'encre défectueuse. Ce ciel nous ramène
sur terre par l'intermédiaire d'un geste consistant à empiler des
galets. Ce geste est repris par une minuscule silhouette qui se détache
sur la mer. Ici le thème de la sculpture est associé à
celui du corps humain, car il semble que le geste de la personne qui
dépose un galet sur un autre influence la posture de la silhouette de
droite. Cette photo est encadrée dans un cadre en métal
doré de dimension 24 x 18. Ce cadre fabriqué au Danemark il y a
environ cinquante ans a la particularité de contenir
un verre bombé, courbure qui rappelle celle des galets
du premier plan.
Parmi les autres Ïuvres constitutives de l'installation,
signalons une peinture de chevalet réalisée sur motif et en plein
air en 2008. Il s'agit d'une branche de pommier peinte à l'acrylique.
L'année suivante, j'ai posé cette peinture dans la branche du
même pommier et je l'ai photographiée. La peinture figurative est
une manière de prélever des fragments de réalité
pour les extraire de leur contexte spatio-temporel. Ce travail était une
manière de remettre la pei nture dans son contexte.
L'idée de la mimésis, du vrai et du faux est
présente à travers la juxtaposition de deux autres Ïuvres,
une photo et une peinture. La photo de dimensions 30 x 40 cm montre un fragment
de ce que je considère être des Peintures liquides
naturelles. Il s'agit de coulures de terre argileuse et ferreuse sur la
paroi des grandes falaises de la côte d'albâtre en Normandie. En
juxtaposant une peinture qui présente des coulures du côté
de la photo, je souhaite établir un
rapprochement entre les coulures naturelles de la falaise et
celles de mes peintures.
Plusieurs peintures récentes
présentent dans l'installation furent
créées par un procédé singulier, sur des toiles
à
motifs achetées sur le marché et montées
sur des ch%ossis en bois. J'ai en effet joué sur la répulsion
entre l'eau et l'huile. J'ai versé de la peinture à l'huile
liquide sur la toile, puis je l'ai aspergée avec un tuyau d'arrosage
muni d'une pomme de douche.
Deux éléments de l'installation sont lumineux
pour l'un et sonore pour l'autre. Ces éléments ont l'aspect de
minuscules peintures (10 x 10 cm). L'une est éclairée de
l'intérieur par une lampe à diode, l'autre renferme une radio
miniaturisée. Dans les deux cas, la faible intensité de la
lumière et du son émis a pour but de créer une
ambigu ·té. Il ne s'agit pas d'attirer trop l'attention mais
seulement de suggérer la possibilité d'une installation Ç
son et lumière È.
Parmi les grandes peintures du haut de l'installation,
signalons celle qui fait écho au travail de Jackson Pollock sans
toutefois reproduire à l'identique sa manière de procéder.
Ici en plus des Peintures liquides, des pigments en poudre sont
utilisés pour saupoudrer la surface de la toile. De plus, à la
différence de Pollock, cette toile est tendue sur son ch%ossis avant
d'être peinte. Cette peinture a été réalisée
en plain air et à l'horizontal. Lors d'une séance de travail, ce
que je cherche c'est d'atteindre le sentiment esthétique. J'incline ma
toile pour y verser des nappes de couleurs, puis je la pose par
terre et envisageant sa surface comme une totalité, je
trace des lignes et des effets de projections avec un pot de peinture
percé dans ma main droite. Mes gestes sont rapides. Ainsi
j'établis une structure vibrante sur la totalité de la surface de
la toile. Ensuite je pince du pigment en poudre que je fais glisser entre mes
doigts pour former des voies lactées et des étoiles
célestes. Mon action est semblable à un rite chamanique de
spiritualisation de la surface, au cours duquel j'essaie d'établir une
harmonie la plus complète possible. C'est une quête qui se termine
lorsque la toile prend son autonomie. Dans les années 50, le critique
d'art Clément Greenberg défend l'idée, à propos de
l'action painting, que la toile est une << arène È, que ce
qui compte est l'action qui a lieu le temps de son exécution plus que
l'image qui en résulte, et qu'il voit dans cette action l'occasion pour
le peintre d'une <<création de soi È. Nicolas Bourriaud
décrit cette manière de peindre: << Ainsi chaque toile de
Jackson Pollock lie-t-elle si étroitement la coulée de peinture
à un comportement d'artiste, que celle-ci appara»t comme l'image de
celui- là È.39
39 Nicolas Bourriaud, Esthétique relationnelle,
Op. cit., p. 43.
|
En haut du mur, une structure métallique
accrochée au plafond venait perturber l'accrochage. Accrocher les
Ïuvres en dessous sans en tenir compte ne faisait que mettre en valeur
cette structure. Il a donc fallu jouer de cette contrainte en faisant en sorte
d'intégrer la structure dans l'installation. Un exemple est donné
par la dernière illustration de la série oü l'on voit
comment la structure et les prises électriques qu'elle supporte sont
intégrées dans l'installation, notamment en placant les toiles
derrière et en utilisant une toile qui reprenne le mouvement des prises
électriques.
|
Fig. 59. Douze photos de details de
l'Installation proliférante n°7 et
de la creation d'une Ïuvre.
J'ai intitulé l'Installation proliférante
n°7, Ç La Réalité en Face È, dans le but
d'ouvrir cette installation à d'éventuelles
interprétations et questionnements. Existe-t-il des rappor ts entre la
frontalité d'une image et sa mission d'objectivité de la
représentation du monde ? Que dire de l'image horizontale, est -elle
plus subjective? La peinture classique est-elle en ce sens une peinture
verticale ? Quels liens établir entre l'image frontale et la
représentation, l'image horizontale et l'abstraction ? Les peintures
abstraites et/ou mystiques sont -elles horizontales (Jackson Pollock, Olivier
Debré, Pierre Soulage), parce qu'elles se donnent pour but d'exprimer
l'intériorité de l'artiste ou en raison de leurs techniques de
création? Que dire alors de l'image accrochée en diagonale?
2. Grouillement, saturation : l'entassement des oeuvres
2.a. Installation proliferante n°2
Installation proliférante n2 est une sorte de
cabane résult ant de l'assemblage de cinq Peintures fonds de
dimensions identiques, c'est-à-dire 130 x 97 cm chacune. Les
Peintures fonds sont des peintures sur toile que j'ai
créées au cours des deux derniéres années.
L'installation prend la forme d'un parallélépipéde
rectangle de dimensions 132,5 x 130 x 97 cm. Cette installation est à la
fois un travail minimal par la simplicité de l'assemblage et un travail
proliférant par l'aspect des peintures. Cette installation, regroupement
de peintures présentées dans une piece blanche, rectangulaire et
éclairée par une verriére à 4,5 metres de haut est
une réponse possible au probléme de l'accrochage dans un «
White Cube ».40 Au lieu d'être accrochées sur le
mur, les toiles lui font face dans une sorte de retournement de l'accrochage
habituel. Ainsi, lorsqu'un visiteur regarde une des peintures, il tourne le dos
au mur sur lequel elle aurait pu être installée.
Un des autres aspects importants au sujet de cette
installation concerne le jeu entre stabilité et instabilité. Bien
que ce travail ne s'inscrive pas dans la même démarche que les
travaux de Richard Serra, il partage avec ceux-ci cette problématique de
l'objet posé en équilibre, de l'oeuvre qui se dresse. Le visiteur
est confronté à une surface posée sur sa tranche, ce qui
crée un sentiment de tension et d'arrêt du temps.
Cette installation joue aussi avec certaines des
problématiques soulevées par Daniel Buren avec ses cabanes
éclatées. Buren construit des « cabanes » à
l'intérieur d'un espace d'exposition. Normalement l'on construit des
murs pour y accrocher des oeuvres, mais les murs construits par Buren pour ses
cabanes puis à grande échelle en 2002 dans l'exposition Le
musée qui nÕexistait pas au Centre George Pompidou sont en
eux -mêmes des oeuvres. L'Installation proliférante
n°2 joue avec cette idée puisque ici les murs sont
fabriqués avec des oeuvres. Ce ne sont donc pas les murs qui
acquiérent le statut d'oeuvre, mais les oeuvres qui acquiérent le
statut de mur. Cette position des oeuvres lui conféran t un statut
d'objet en trois dimensions est renforcée par le fait que les tranches
des
40 En 1976, la revue Artforum publie un article de
Brian O'Doherty intitulé Inside the White Cube: The Ideology of the
Gallery Space. L'expression « White Cube » est restée
pour désigner l'espace d'exposition contemporain.
peintures, exception faite de celle qui est posée
horizontalement sont peintes. Au cours d'une interview avec Claude Rutault,
Patrick Guillon lui pose la question suivante :
_ Ç Comment ça marche par rapport à la
surface le fait que la tranche de tes ch%ossis soit peinte? È
_ Ç Ca souligne, situ veux, le fait qu'une toile, c'est
toujours un volume. Effectivement, c'est le problème que des gens comme
Johns se sont posés. C'est prendre en compte la totalité de la
surface, tranche comprise, sans privilégier l'une ou l'autre »41
41 Interview de Claude Rutault par Jean-Claude Bouix
et Patrick Guillon à Paris en avril 1978 transcrite dans le
mémoire de ma»trise de Patrick Guillon intitulé Le
travail de Claude Rutault et le contexte artistique, écrit pour
l'U.E.R d'arts plastiques de l'Université Paris 1 er en 1978
-1979, sous la direction de Bernard Teyssèdre.
Fig. 60. Installation proliferante n°2,
2009, technique mixte sur toile, 132,5 x 130 x 97 cm.
3. Déplacement, autonomie : la circulation des
oeuvres 3.a. Contexte
Page 214 de son essai sur l'art contextuel, Paul Ardenne
explique: Ç L'%oge médiéval, hanté par le salut,
engendra une création plastique de nature métaphysique; la
Renaissance, habitée par la question de la place de l'ho mme dans
l'univers, un art de la perspective; la modernité, obsédée
par la liberté, un art porté à s'affranchir de toutes les
règles. L'ère libérale, plus que toute autre, inaugure un
temps esthétique durant lequel l'art se fait mise en scène, ou
répétition formelle de l'économie
réelle.>>
Mes Installations proliferantes peuvent être
considérées comme Çun système parmi d'autres de
compréhension et de reproduction symbolique du monde
>>42. Les éléments qui circulent sur les
structures sont une éventuelle métaphore de la circulation et du
mélange des différentes cultures mais aussi de la libre
circulation des biens et des services.
42 Hans Belting, L'histoire de l'art est-elle
finie? Op. cit., p. 13.
3.b. Installation proliférante
n°6
Fig. 61. Installation proliférante
n°6, premier état.
Cet accrochage est une première tentative d'utilisation
de structures servant de support aux éléments accrochés.
J'ai concu cinq structures en tasseaux de bois peint en noir. Ces constructions
démontables ont un double objectif: le premier intérét
consiste à étendre l'accrochage des éléments et des
sculptures dans des volumes en trois dimensions. L'autre but poursuivi
réside dans la forme des structures, leur position (accrochage) sur le
mur, et leur couleur (noire), c'est-à-dire une fonction structurante de
l'espace mural. A plus long terme, l'expérience de la mise en place de
structures est fondamentale pour mon travail car j'envisage de créer des
installations oü les éléments seraient mobiles, et de telles
structures sont donc le premier pas vers la mise en Ïuvre de mes futures
installations.
L'accrochage réside en deux étapes. Dans un
premier temps, il s'agit de répartir les structures sur le mur. Ensuite,
les éléments sont posés et accrochés sur les
structures. Il est question d'expérimenter plusieurs solutions. La plus
simple consistait à poser les
structures par terre le long du mur. Cette solution a
été réalisée et un accrochage sur cette
configuration a partiellement été mené. D'autres
étudiants m'ont aidé à disposer les éléments
sur les structures et sur le mur. J'ai pu constater que ce type d'installation
est propice à une participation relativement facile consistant à
choisir un élément et à le mettre en place parmi les
autres. Cette première solution n'a pas été menée
à son terme car rapidement des limites insurmontables sont apparues:
Comment obtenir l'effet Ç peinture all overÈ recherché,
c'est -à-dire une prise en compte équivalente de tout le mur
d'accrochage alors que les structures restaient clouées au sol? Il
fallait donc trouver un autre positionnement des structures.
Fig. 62. Installation proliférante
n°6, deuxième état.
La seconde solution est une tentative de déconstruction
et d'introduction de l'oblique parmi les structures. La totalité du mur
est mieux prise en compte. Cependant, le problème d'une trop grande
lourdeur dans la partie basse du mur demeure. Appara»t aussi une seconde
question, celle de la place du renfoncement dans la partie supérieure du
mur. Comment intégrer ce renfoncement à l'installation? Mettre
une Ïuvre en situation, n'est-ce pas la relier au site de son exposition ?
L'oblique n'appara»t pas comme une
configuration favorable aux structures. Le but de
départ de celles-ci était d'apporter des horizontales et des
verticales dans une référence à Piet Mondrian. (Rappelons
que Mondrian accordait beaucoup d'importance à l'accrochage de ses
peintures sur le mur, comme en témoigne les photographies de son dernier
atelier à New York.)
A ce stade, il est apparu que le premier défi
consistait à intégrer le renfoncement du mur (porte d'acces aux
machineries de l'ascenseur). Nous avons donc disposé une structure
à l'intérieur du renfoncement de maniere à ce qu'elle
dépasse d'environ 35 cm. De cette maniere, le renfoncement trouvait une
fonction de support et devenait par conséquent partie intégrante
de l'installation finale. Il s'agissait ensuite de faire contrepoint à
cette action. L'adjonction d'un second module dont la ligne basse serait
à la hauteur du bas du renfoncement permettait d'établir des
relations cette fois entre le renfoncement et le reste du mur.
L'expérience n'a pas été mené e plus loin mais doit
constituer le schéma de départ .
L'installation Structure-Peinture peut être
perçue comme une métaphore de la vie conçue comme un
équilibre instable entre un élan créateur
proliférant et une structure plus ou moins permanente et
réguliere. Cette installation inclu t également le theme du
cabinet de curiosité, car les structures font penser à des
meubles ou à des étagères. Enfin le theme de la structure
est une lointaine référence à Tatline et au
constructivisme. Mettre en coexistence et effectuer la synthese entre deux
grande tendances du 20eme siècle : la quête de la simplification,
de la pureté géométrique abstraite avec le
suprématisme, Mondrian et le Corbusier en architecture, tendances
finales de la rigueur classique et du rationalisme et d'autre part
l'expressionnisme, la peinture gestuelle, l'art brut, le relativisme culturel
et l'ere postmoderne.
En 1963, Joseph Beuys expose 282 oeuvres dans une
étable d'environ 115 m2. Dans son article sur cette
exposition, Hans van der Grinten écrit : « L'intégration du
grand nombre de pieces à exposer dans le volume existant resta
problématique aussi longtemps que l'on chercha à préserver
des regroupements et des agencements traditionnels. Beuys transgressa ce
principe en accrochant impulsivement des cadres et des boites aux clous qui se
présentaient, de même qu'il plaça certains travaux dans des
niches existantes, sur des saillies du mur ou des planches disponibles.
»43
43 Collectif, 1991, L'art de l'exposition, une
documentation sur trente expositions exemplaires du 20eme siècle,
Paris, Regard, 1998, p. 307.
Fig. 63. Installation proliférante
n°6, troisième état.
Pierre Soulage utilise le terme outrenoir pour
désigner une couleur ayant des conséquences particulières
sur l'appréciation de la peinture. L'idée d'une telle couleur est
qu'elle reflète la lumière différemment suivant le point
d'observation. Cela est du au fait que Soulage utilise une peinture très
épaisse (pâte) et que, finalement, sa peinture intègre la
troisième dimension. Notons au passage qu'à la méme
époque cet artiste concoit des polyptiques Outrenoir et qu'il
les installe dans l'espace non plus contre le mur, mais suspendus à des
câbles, accrochés au plafond et vissés au sol.
J'appellerais ces Ïuvres de Soulage des Peintures installées
. De plus, en raison des reflets changeant suivant le point d'observation,
Soulage considère que dans ses Ïuvres l'espace pictural ne se situe
plus à la surface du tableau, mais tout autour. La peinture se
crée au fur et à mesure et selon le point d'observation.
Walter Benjamin a établi une relation entre le lieu de
l'Ïuvre et ce qu'il appelle son aura. Selon lui, à l'heure de la
reproductibilité technique de l'image, l'Ïuvre devient accessible
en toute heure et en tout lieu. L'installation d'Ïuvres établit une
rupture avec cette situation. Ainsi, une installation d'Ïuvre s n'est pas
reproductible en deux dimensions. L'installation d'Ïuvres n'existe qu'au
moment oü le visiteur la regarde. De
plus, mes installations ne restent pour l'instant en place que
le temps de leur exposition. Elles ne sont pas reproductibles à
l'identique dans un autre lieu, puisque je travaille sur place. Ç Un
travail prenant en considération le lieu dans lequel il se montre/
s'expose ne pourra être transporté autre part et devra fin de
l'exposition.È 44
dispara»tr e à la Ces
raisons me poussent à affirmer que mes Installations
proliferantes peuvent être percues comme une tentative de
restauration de l'aura telle que décrite par Benjamin.
Accrocher des images sur un mur pour les mettre en relation
amène à se poser la question des différents types d'images
que l'on peut utiliser. Je réfléchis à établir des
catégories en vue d'une future installation. De plus, en sus de la
nature des images, la question de leur action sur le regardeur se pose. -Quels
sont les différents types d'action des images 45
images sur les spectateurs? Le livre La performance des
paru en 2010 établit
quatre types d'actions: l'efficacité (remplir la
fonction prévue), l'agentivité (image comme agent social, pseudo
être vivant), la performativité (comment agit une image) et la
puissance (résultat optimal pouvant être attendu). Outre sa
potentialité sémantique, l'image peut être source d'un
plaisir désintéressé, peut témoigner de la
puissance créatrice de l'artiste, peut transmettre des
énoncés, émouvoir, faire acheter, faire croire, faire
rire, faire peur, faire pleurer, faire chanter, faire donner, tromper, choquer,
plaire, convaincre, divertir, susciter l'adoration, le fétichisme, la
commémoration, être un noeud social. A un type d'image correspond
une fonction spécifique. L'image publicitaire fait acheter, l'image
religieuse fait prier, l'image scientifique donne à penser, l'image
drôle fait rire, l'image esthétique sensualise la vision et
stimule l'inconscient.
Il est donc possible de répertorier des productions
visuelles et de les accrocher ensemble. Quel est l'intérêt
spécifique de les accrocher sur une structure? Quels sont les rapports
plastiques et formels entre les images et la structure sur laquelle elles sont
accrochées ? Comment interpréter l'installation
structure/peinture dans le cadre d'une analyse métaphorique d'ordre
naturelle, sociologique, politique, chrétienne? Comme système de
Ç compréhension et de reproduction symbolique du
mondeÈ?
44 Daniel Buren, Les Ecrits (1965-1990),
Bordeaux, capcMusée d'art contemporain, 1991, t.1, p. 428.
45 Collectif, La performance des images,
Bruxelles, Ed. Alain Dierkens, Gil Bartholeyns, Thomas Golsenne, Coll.
Problèmes d'histoire des religions, 2010.
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