I.3- LA REVUE DE LA LITTERATURE
Cette revue de la littérature présente deux
parties. La première partie s'intéresse aux modèles
théoriques de la sociologie de l'environnement. Quant à la
seconde, elle fait l'analyse des ouvrages qui ont concrètement
traité de l'environnement et plus particulièrement des
problèmes d'assainissement.
I.3.1- LES PARADIGMES ENVIRONNEMENTALISTES
Les paradigmes en sociologie de l'environnement peuvent se
classer en quatre grands groupes : les paradigmes classique,
technoscientifique, idéologique et hybride.
Le paradigme classique se présente comme une
réaction idéal-typique qui part d'un conflit qui oppose
différents acteurs pour parvenir à un compromis
négocié. Lorsqu'il y a un conflit autour d'une mise en question
de la société par la nature, les recherches portent sur le
phénomène de transformation de cet état d'interaction.
BEURET1 en est un illustre représentant. Dans son
étude sur la gestion rurale, il cherche à identifier la nature
des conflits, à les comprendre et à expliquer leur fondement.
Cette approche classique est intéressante en ce sens
qu'elle permet de poser les questions essentielles pour entamer le processus de
concertation en vue de trouver des solutions adéquates. Cependant, elle
ne permet pas de s'interroger sur les logiques et les moyens mis en oeuvre pour
aboutir à un meilleur rapport entre les êtres humains et la
nature.
La seconde catégorie de paradigme concerne les
réactions liées au risque et à l'expertise, c'est le
paradigme technoscientifique. La démarche part du constat que la
globalisation du risque a conduit à un doute
généralisé envers les institutions.
1 BEURET J. 2003, « La gestion
concertée de l'espace rural : médiation locale et politique
d'appui », in BILLE R. et MERMET L. Concertation, Décision et
Environnement : Regards croisés, vol.1.
C'est ce qui fait dire à CHARLE et KALAORA1
qu'il faut accorder plus d'importance à l'individu. Celui-ci devient le
seul levier d'action possible. Pour eux en effet, dans bon nombre de
sociétés, on assiste à un dessaisissement politique et
psychologique partiel des individus. Ces deux formes de dessaisissement font
que les individus se sentent déchargés d'avoir à assumer
personnellement la confrontation du risque. Cette approche explique en partie
l'immobilisme et l'apathie des populations sur les questions d'ordre
environnemental. Aussi, montre-t-elle que les actions à mener seraient
davantage porteuses si elles prenaient pour fondement les individus. Les deux
auteurs montrent une prise en charge très importante des individus par
l'Etat.
Pour ce qui est de l'expertise, MORMONT2 montre que
les experts sont des révélateurs de connaissance, mais se
contredisent surtout entre eux-mêmes. Les solutions trouvées sont
vite remises en cause et cela participe du doute qui se crée chez les
populations bénéficiaires de ces découvertes.
Enfin, à travers le modèle technoscientifique,
GENDRON3 révèle que le « fondement scientifique
» des décisions politiques est fort discutable. Il montre que les
décisions prises par les autorités politiques, visent souvent des
intérêts personnels ou d'un groupe particulier au détriment
des intérêts généraux qu'elles sont sensées
régler.
Dans le cadre de notre étude, cette démarche
nous aide à comprendre l'attitude et le comportement des ruraux face
à l'environnement. Elle nous aide également à percevoir
les fondements des décisions des autorités à promouvoir
l'assainissement écologique. Malgré toute la richesse de cette
démarche, la question de l'idéologie demeure.
1CHARLES L., et KALAORA
B., 2003, « sociologie et environnement en France :
l'environnement introuvable »? Ecologie et politique, n°27
pp.31-57.
2 MORMONT M., 1993, avec la
collaboration de Mougenot C., « Sciences sociales et environnement.
Approche et conceptualisations », rapport au service de la recherche du
Ministère de l'Environnement, Fondation Universitaire Luxembourgeoise,
Belgique.
3 GENDRON C. 1999, « La gestion
sociale de l'environnement », in Dumas B. et al. (dir.), les sciences
sociales de l'environnement, PUM, Montréal, pp 121-131.
Le paradigme idéologique poursuit la critique de
l'expertise en la radicalisant. En effet, les modèles scientifiques que
construisent les scientifiques se réfèrent
généralement, au moins dans leurs premières formulations,
à des représentations du social qui servent à penser la
nature. Au fur et à mesure que ces modèles se précisent,
se confrontent aux données et se construisent comme outils, ils
délimitent progressivement leur aire de validité, leur domaine de
pertinence, en même temps qu'ils peuvent toujours être ressaisis
(dans le champ social) comme arguments dans la lutte sociale, voire comme des
idéologies. C'est ce qui fait dire à KALAORA1 in Le
musée vert que, les analyses émanant de ce modèle
s'attachent plus à déjouer les idéologies pour montrer au
grand jour les phénomènes cachés plutôt que de
démontrer les logiques d'expertise et de rationalisation. L'auteur
montre que l'accès idéalisé d'une nature ouverte à
tous, cache une domination de la nature par et pour les classes
supérieures. Après cette démarche, évoquons comment
les analyses qui s'intéressent à l'interdisciplinarité
évoluent.
Enfin, le paradigme hybride. Il s'agit ici de
réexaminer les liens entre nature, science et politique. En effet, les
analyses de LATOUR2 proposent « un nouveau
bicaméralisme» lié à un changement de statut des non
humains. « Si jusque là nous considérons la nature comme
extérieure à notre collectif », dit-il, « il faut
à présent agrandir ce collectif et par là, mettre en cause
les limites épistémologiques des sciences ». Pour lui, il
faut créer des lieux d'échange sur les diagnostics scientifiques,
limiter la séparation entre sphères (science, politique, nature
et/ou humains et non humains) et instituer des sortes de parlement du
diagnostic environnemental. En fait, il est question de faciliter les
échanges de connaissances et de favoriser une dynamique entre les champs
d'intervention et les parties prenantes.
1 KALAORA B., 1993, Le
musée vert, radiographie du loisir en forêt, l'harmattan,
Paris.
2 LATOUR B., 2004, Politique de la
nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, la
Découverte, Paris, 383p.
Les approches théoriques que nous venons d'exposer nous
permettent d'aborder et d'analyser aisément les problèmes
d'assainissement.
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