III.3.1- LE BOULEVERSEMENT AU SEIN DE LA CELLULE
FAMILIALE
Au cours de l'enquête de terrain, il a été
observé un bouleversement de pratique au sein de certaines cellules
familiales où des ouvrages EcoSan (latrine et bidur) ont
été réalisés. En effet, les travaux d'entretien de
ceux-ci ne reviennent plus exclusivement aux femmes et aux enfants. Les chefs
de ménages (les hommes) aussi veillent à leur propreté.
Ils vont même jusqu'à en contrôler l'accès et
l'usage. D'ailleurs, il n'est pas rare de voir des hommes se munir d'un balaie
et rendre propre l'enceinte de leurs latrines. Lorsqu'ils ne sont pas
satisfaits de l'utilisation de leur latrine par une tierce (visiteur, enfants
ou même femme), ils leur interdisent l'accès. Aux seules personnes
jugées dignes, sont révélées le lieu où la
clef est gardée.
Quant à la collecte des urines des vases
utilisées à l'intérieur des maisons pendant la nuit, elle
se fait indifféremment par la femme, l'homme ou les enfants. L'homme
effectue souvent la collecte lorsqu'il a besoin d'urine pour la fertilisation
de son champ. En effet, il le fait pour s'assurer que le transvasement du vase
de nuit au bidur sera bien réalisé (c'est-à-dire que tout
le contenu rentre bien dans le bidur), chose qui était impensable par le
passé avant l'introduction de l'approche EcoSan.
Certaines femmes qui ont adopté l'approche,
n'hésitent pas à réaliser des travaux
d'étanchéité qui étaient du ressort de l'homme.
C'est le cas de Mme Atchori membre de la génération Ndrouman qui
à l'aide de matériaux de récupération, a
renforcé l'étanchéité des fosses de sa latrine
suite à une dégradation des plaques chauffantes causées
par les termites et les intempéries. Sachant bien que le confort de sa
latrine est fonction de l'imperméabilité de sa fosse et que la
saison des pluies marquait son grand retour, elle s'est personnellement
investie à le faire.
III.3.2- LE CHANGEMENT DE LOGIQUE DE PENSEE DANS LE
PROCES DU TRAVAIL
En pays Odzukru, la qualité d'un homme se mesure
principalement par sa capacité à se réaliser
matériellement et financièrement ; d'où l'importance
accordée au rite « d'Agbandzi » et l'admission d'une personne
âgée en qualité « d'Ebeb ». Or en milieu rural,
le moyen le plus sûr d'acquérir des biens matériels et
financiers, c'est le travail de la terre. Les cultures les plus prisées
sont donc celles qui permettent d'engranger rapidement beaucoup d'argent. Du
palmier à huile qui attirait toutes les convoitises, on est passé
à l'hévéaculture dont la tonne de caoutchouc se
négocie actuellement autour de 400F CFA/Kg, avec des récoltes
mensuelles. Dans pareille circonstance, posséder un champ
d'hévéaculture force le respect et devient un signe
hégémonique. Plus, un individu possède des superficies,
plus il est respecté. Cette logique ancrée dans la pensée
et la croyance communautaire, amène les jeunes ruraux à n'avoir
d'yeux que pour l'hévéaculture. Cependant, disposer de terres
arables pour créer de nouveaux champs devient impossible, tant la
pression foncière est forte. Conséquence, les jeunes
livrés à euxmêmes, demeurent longtemps sous tutelle
parentale et se livrent bien souvent à des actes délictueux.
Cette situation entraîne l'explosion des vols qui à leur tour,
suscite des conflits de plus en plus importants entre les classes d'âge
et tend même à freiner les initiatives de production.
Avec l'adoption de l'approche EcoSan par certains jeunes, il
faut noter un changement de logique de pensée dans le procès du
travail. D'abord, dans le choix des cultures d'exploitation et ensuite par la
technique culturale.
Dès que le CREPA Côte d'Ivoire a entrepris de
former les paysans à l'utilisation des excréta
hygiénisés dans leur propre champ, des jeunes paysans au nombre
de trois (3) ont décidé de faire du maraîchage et huit (8)
autres, de fertiliser leur champ de vivrier constitué d'igname, de
manioc et de banane plantain.
L'approche intégrée a stimulé les jeunes
ruraux à s'orienter vers une nouvelle logique de pensée et de
pratique culturale.
Les jeunes paysans formés dans le cadre du programme
EcoSan adhèrent aux techniques de fertilisation ; pratique qui
n'était justement pas ancrée dans leurs habitudes et pratiques
culturales. Avec l'approche EcoSan, certains représentants des classes
d'âge se rendent comptent de la nécessité de pratiquer une
agriculture intensive axée sur le vivrier.
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